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La Moldavie championne des prunes, symbole de son virage vers l’UE


AFP le 18/10/2024 à 11:03

Les caisses de prunes s'entassent, direction l'Allemagne : après des années de commerce tumultueux avec la Russie, Stefan Bitlan s'est tourné en 2014 vers l'Union européenne. Au moment où son pays vote sur son avenir, cet agriculteur moldave ne regrette pas son pari.

« C’était une décision difficile mais oui, nous avons choisi notre camp », dit-il à l’AFP, tout en inspectant la cargaison dans son entrepôt de Drasliceni (centre), à une demi-heure de route de la capitale Chisinau. Lui n’hésitera pas dimanche, jour de référendum pour les Moldaves, appelés à voter pour ou contre l’inscription de l’objectif européen dans la Constitution.

La présidente Maia Sandu, qui brigue également sa réélection, espère une large victoire des vues pro-européennes. Et a fait des prunes un argument de campagne, symbolisant le succès du virage occidental de cette ex-république soviétique. Élue en 2020, la dirigeante a coupé les ponts avec Moscou après l’invasion de l’Ukraine voisine et a fait de l’adhésion à l’UE une question vitale.

« Stabilité »

Si les négociations avec Bruxelles n’ont été officiellement ouvertes que l’an dernier, les liens économiques se sont déjà resserrés. Notamment en juillet 2022, quand les droits de douane ont été suspendus concernant sept produits agricoles, dont les prunes. Résultat, la Moldavie est devenue en 2023 le premier exportateur vers l’UE de ces petits fruits à la chair juteuse et sucrée.

Sur le record de 150 000 tonnes récoltées dans le pays, 60 000 tonnes ont été vendues aux Vingt-Sept, soit le quart du total écoulé sur les étals européens, rapportant 35 millions d’euros aux agriculteurs moldaves. Dégustées fraîches, sèches ou fourrées aux noix, les prunes moldaves sont « les meilleures au monde », a vanté en début d’année le Premier ministre Dorin Recean.

Longtemps réservées au marché russe, elles sont aussi désormais « les héroïques championnes » d’un pays en pleine mue, selon l’expression de l’économiste Veaceslav Ionita, interrogé par l’AFP. Avec son terrain de 40 hectares et la production qu’il achète à des confrères, Stefan Bitlan dirige à 35 ans une des plus grandes entreprises d’export du pays de 2,6 millions d’habitants. Il gère plus de 10 % des expéditions totales de prunes vers l’UE.

Après « les défis » du début liés à la « paperasse » et aux nouvelles normes à respecter, il vante « la stabilité » et « la qualité » européennes par contraste avec « les heures sombres », quand la Russie multipliait les embargos et restrictions en réaction à la décision de Chisinau de se rapprocher de Bruxelles. L’UE, c’est la promesse d’un « avenir plus prospère », selon cet agriculteur dont les revenus ont décuplé en cinq ans.

« Le verger de l’UE »

« On peut dire merci à Poutine », ironise l’économiste Veaceslav Ionita, en référence aux actions de représailles du président russe qui ont poussé la Moldavie à diversifier ses débouchés. Elle exporte désormais ses fruits vers 50 pays, dans l’espoir de « sortir de la pauvreté » et d’endiguer un exode qui a laminé son économie.

Tous secteurs confondus, ce sont aujourd’hui deux-tiers des exportations moldaves qui sont destinées à l’UE. Et les chefs d’entreprises sont largement convaincus des bénéfices d’une intégration européenne, selon une récente étude. À l’inverse, la part russe a chuté à 3,6 % l’an dernier, comparé à plus de 60 % à la fin des années 1990, peu après l’indépendance de la Moldavie, précise l’expert.

De quoi déplaire aux partis prorusses, dont des partisans ont protesté en septembre devant le ministère de l’agriculture pour appeler à renouer avec Moscou. Dans un cercueil rempli de chou, raisins et pommes, ils ont averti de la mort prochaine de l’agriculture moldave si la tendance actuelle se poursuivait.

Mais pour l’association nationale de maraîchers Moldova Fruct, il n’y a pas de retour en arrière possible. « Nous voulons devenir le verger de l’Union européenne », lance, enthousiaste, son directeur Iurie Fala.