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La filière bovine « raisonne par passion, et pas par rapport à la demande »


TNC le 21/10/2024 à 07:59
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Pour Alessandra Kirsch, la production française ne répond pas aux besoins de la RHD, qui importe 55 % de son approvisionnement. (© TNC)

Pour Alessandra Kirsch, directrice d’Agriculture stratégie, la filière bovine française ne propose pas tout à fait ce dont le consommateur à besoin, et cela explique en partie sa détresse actuelle.

Lors du congrès de Culture viande, Alessandra Kirsch a prévenu son auditoire : « je vais dire des gros mots », assume l’économiste, directrice d’Agriculture stratégie. Son objectif, taper du pied dans la fourmilière pour essayer de trouver une issue à la déprise bovine française.

Premier constat : l’offre allaitante française n’est pas forcément en adéquation avec la demande. « La filière a toujours raisonné en flux poussé plutôt qu’en flux tiré. » En bref, la passion et l’amour des belles bêtes prennent parfois le dessus sur la réalité de la demande. « J’ai été biberonnée dans le Charolais, et il faut dire qu’on a parfois tendance à faire les animaux tels qu’on a envie de les faire, plutôt que tels qu’on nous les demande », tranche la docteure en économie agricole.

Pour elle, cette inadéquation empêche la filière de capter toute la valeur à laquelle elle peut prétendre. « Au fil des années, la part de viande persillée importée en restauration hors domicile augmente. C’est important, parce que c’est un segment sur lequel on devrait valoriser nos races à viande et faire le plus de valeur ajoutée. » En 2022, la RHD fonctionnait avec 55 % de viande importée, et le piécé étranger représentait plus des trois quarts de la viande écoulée hors haché. Dans le même temps, la proportion de gros bovins valorisés en haché ne cesse de progresser.

« La France importe car elle ne produit pas suffisamment ce que le consommateur veut », reprend l’économiste. Et peu importe les accords de libre-échange : « Ce que l’on importe majoritairement, c’est la viande de nos voisins qui ont des appareils de transformation plus pertinents que les nôtres ».

Un outil industriel qui laisse filer la valeur ajoutée

Car les éleveurs ne sont pas les seuls à être pointés du doigt. « En France, nous sommes très forts pour exporter du brut, et importer des produits transformés à forte valeur ajoutée », poursuit Alessandra Kirsch. En cause, la capacité des outils de transformation français à générer de la valeur ajoutée. « Nous souffrons d’un manque de compétitivité de notre appareil industriel. Et c’est vrai pour toute l’industrie agroalimentaire française, qui peine à générer de la valeur par rapport à ses voisins européens. »

Même constat dans les exploitations. « Un tiers des élevages de bovin viande a moins de 20 vaches. C’est compliqué d’être compétitif quand on a 20 vaches et qu’on travaille à temps partiel. » Avec des coûts de production variant d’un facteur de 1 à 5, difficile de trouver des prix de vente susceptibles de contenter toute la filière.

Alors que faire ? Tout d’abord adapter l’offre à la demande. Si l’économiste ne croit pas en la contractualisation Egalim, qui place le premier acheteur dans une situation délicate, elle juge essentiel d’organiser et planifier davantage la filière. « Il faut produire ce que le consommateur veut, même si ça n’est pas notre standard », martèle Alessandra Kirsch.

La rétention de broutards pour la production de jeunes bovins, auquel est peu accoutumé le consommateur français, n’est donc pas une solution évidente pour améliorer la souveraineté alimentaire française aux yeux de l’économiste. « J’imagine davantage une forme de verticalisation de la production, avec par exemple des engraisseurs liés à des naisseurs qui prendraient des animaux en pension pour produire ce dont la filière à besoin, tout en valorisant des prairies », conclut la jeune femme.