Les agri-influenceurs lèvent le voile sur la monétisation de leurs contenus
TNC le 24/10/2024 à 05:20
Partenariat, rémunération des vues... Étienne Agriyoutubeurre, Thierry agriculteur d'aujourd'hui et Etho Diversité expliquent comment ils sont passés de la communication passion à la monétisation de leurs contenus.
Sur le plateau de la SpaceTV, trois influenceurs agricoles lèvent le tabou de leur rémunération. Pour tous, la monétisation n’est pas une fin, mais la nécessité de mettre en place un modèle économique s’impose avec le temps. « À un moment, on finit par se dire que si on veut continuer à communiquer, il faut rendre son temps rentable », lance Thierry Baillet, alias Thierry agriculteur d’aujourd’hui sur les réseaux. D’autant que la production de contenu est chronophage. « Si je passe trois jours sur un salon et que je rentre à la maison, ma femme va me dire « c’est bien gentil mais pendant ce temps-là, je bosse, alors qu’est-ce que tu ramènes ? » », sourit l’agriculteur.
« On y passe énormément de temps. Si c’était gratuit, on ne ferait peut-être pas tout ça », acquisse Étienne Fourmont, également connu comme Étienne agriyoutubeurre. « On a quand même un métier derrière ! »
Les visites sur YouTube peuvent rapporter jusqu’à 1 200 € par mois.
Mais alors, combien ça gagne concrètement, un Tiktokeur ou un Youtubeur ? « Le sujet est sensible », sourit Étienne. « Dans mon cas, les partenariats sont plus rentables qu’un nombre de vues. Avec Youtube, en sortant quatre vidéos par mois qui font dans les 70 000 vues, la rémunération peut monter jusqu’à 1 200 €. Mais c’est très variable. »
Les chiffres sont proches pour Thierry Baillet. « Le revenu des médias est aléatoire, mais le revenu agricole l’est tout autant. J’aime à dire que je fais 35 h pour chaque activité. Le gain est à peu près équivalent », estime l’agriculteur, présent sur les réseaux depuis plus de 10 ans. « Je tire directement 1 000 ou 1 500 € de la création de contenu, et une partie de l’argent est réutilisée. En ce moment, je travaille par exemple sur une application pour communiquer avec le grand public. C’est aussi un investissement. »
La monétisation relève d’un long parcours. « Il ne faut pas croire que nous allons aborder les marques pour demander des partenariats, ce sont elles qui viennent vers nous, avec des produits en adéquation avec la communauté que nous avons développée », explique Pauline Garcia, alias Etho Diversité sur les réseaux.
J’étais à des années lumières d’imaginer gagner de l’argent grâce à ça.
Mais les agriculteurs l’admettent : « Au début, c’est assez surprenant. J’ai halluciné quand un jour, je me suis retrouvé à faire un devis pour essayer un tracteur », s’étonne encore Étienne. « Surtout que c’est très dur d’avoir une idée de ce que ça vaut », poursuit l’éleveur. « On s’envoyait des messages pour savoir combien il fallait facturer », se remémore Thierry. Avec maintenant plusieurs années de métier à leur actif, « on commence à avoir une petite idée de ce que ça vaut », admet l’agriyoutubeurre.
D’autant qu’aujourd’hui, les partenariats rentrent dans les mœurs. « Au début, certains ne comprenaient pas les placements de produits. Aujourd’hui, c’est devenu banal », estime Étienne. « Parfois, c’est même la communauté qui nous demande de tester des produits pour avoir un avis. La relation aux marques n’est pas forcément vue d’un œil négatif », complète Pauline. Pour Thierry, ils permettent même de donner une image moderne de l’agriculture. « Dans mon cas, ça a démarré avec des essais de pneumatiques. C’était aussi une manière de montrer que l’agriculture évolue, qu’il y a de nouvelles pratiques. »
Pour Pauline Garcia, tout l’enjeu a été de trouver un équilibre entre le contenu présent en ligne, et les formations qu’elle propose. « Je me suis rendu compte que sur les réseaux, il y a des « pompeurs de contenu » qui se servent de ce que je produis pour sortir d’autres supports. Donc je cherche essentiellement à faire des formats très courts, qui sont des teasings des formations terrain que je propose », explique la Tiktokeuse, qui diffuse essentiellement du contenu à vertu pédagogique.
Je me suis lancée sur Youtube pour faire connaître l’agriculture.
Au commencement, aucun des trois n’imaginait un jour tirer un revenu des réseaux sociaux. « Je me suis lancé sur Youtube parce que mon garçon n’a pas été compris quand en classe de cinquième, il a dit qu’il voulait devenir agriculteur. Je suis à côté de Lens, en zone urbaine, et j’ai surtout vu en Youtube une manière de communiquer, de pallier au manque d’espace qu’on a dans les médias traditionnels pour expliquer notre métier », détaille Thierry.
Pour Pauline Garcia, la genèse de sa présence sur les réseaux vient d’une volonté de vulgariser ses connaissances en bien-être animal. « Je me suis installée hors cadre familial, et j’ai été surprise lors de ma formation en agriculture de voir à quel point on parlait peu de comportement animal. Mon but, c’est surtout de vulgariser l’éthologie. »
Pour Étienne, les réseaux ont été une manière de rester engagé, malgré la fin de son mandat au sein des Jeunes Agriculteurs. « Quand j’ai arrêté, j’ai cherché une manière de continuer à communiquer sur comment je travaillais. »
Il ne faut pas faire ça pour gagner de l’argent.
À l’unisson, les trois influenceurs cherchent à avertir les jeunes. « Il ne faut pas faire ça pour gagner de l’argent. C’est comme avec les footballeurs. Il y en a un sur des milliers qui perce », lance Étienne Fourmont.
Le monde d’internet est rude. Les commentaires sont parfois cinglants. « Il faut avoir les épaules pour se lancer. Quand tu commences, mets une bouteille de champagne au frais et ouvre-là la première fois que tu te fais vraiment critiquer. Tu t’es pris une tôle, mais ça veut dire que d’une certaine manière, tu as atteint ton but. »
Gare également aux montagnes russes. « Aujourd’hui, il y a des réseaux sur lesquels on peut monter très vite, et redescendre aussi rapidement sans qu’on comprenne pourquoi ».