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Taxer les produits sucrés : combien la « malbouffe » coûte à la France ?


AFP le 01/11/2024 à 10:28

Des parlementaires veulent taxer plus fortement les produits sucrés, en espérant un effet dissuasif tout en redressant les comptes publics. Les fabricants rechignent, même si plusieurs études chiffrent le coût important de la « malbouffe » pour l'État et la société.

Faut-il taxer plus fortement les produits sucrés ? La ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq est favorable à une taxation « plus simple et plus contraignantes » sur les sodas sucrés.

Car « le sucre en trop grande quantité est un poison qui génère de l’obésité, des maladies associés » comme par exemple le diabète de type 2, a-t-elle encore observé, évoquant « des maladies qui ont un coût humain important et un coût pour notre santé publique et nos équilibres financiers ». Elle dit vouloir rassembler « tous les industriels afin de trouver de solutions pérennes », avec son homologue à l’Agriculture Annie Genevard.

Une taxation des sucres transformés est contestée par bon nombre de représentants des fabricants, des chocolatiers aux boulangers en passant par la transformation agro-industrielle.

Un supplément de taxe

Même le médiatique représentant du leader des supermarchés E.Leclerc, Michel-Édouard Leclerc, a estimé sur France Télévisions qu’un « supplément de taxe » n’allait « pas aider pédagogiquement au dossier parce que tout le monde sait bien que c’est pour combler les trous » dans les finances publiques.

Reste que la prise en charge des pathologies comme l’obésité et le diabète, et donc la consommation excessive de sucre qui en est un facteur d’augmentation des cas, n’est pas neutre pour les finances publiques.

Le cabinet d’études économiques Asterès, mandaté par le géant pharmaceutique Novo Nordisk, a estimé fin 2022 que « la prise en charge de l’obésité et de ses complications représentait un coût évitable pour l’assurance maladie, les organismes complémentaires et les entreprises de 10,6 milliards d’euros par an ». Près de 80 % de ces « coûts évitables » pèsent sur l’assurance maladie, contre 9 % sur les entreprises.

Ce dernier chiffre comptabilise les « pertes nettes de production induites par les arrêts de travail » et par les décès prématurés liés aux pathologies qualifiées de « complications de l’obésité », maladies cardio-neurovasculaires et métaboliques notamment.

Mi-octobre, l’institut Montaigne, cercle de réflexion libéral, avait plaidé pour une imposition ciblant les agro-industriels ne réduisant pas les quantités de sucre dans leurs recettes, après réduction progressive et négociée avec les entreprises. Il appelait en outre à harmoniser la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur l’ensemble des produits sucrés à 20 %, estimant que cela pouvait rapporter 1,2 milliard d’euros chaque année de recettes complémentaires à l’État.

Il rapportait que la consommation de sucre en France était beaucoup trop importante : près de neuf enfants sur dix et près de la moitié des adultes en France en consomment plus que ne le préconise l’Organisation mondiale de la santé.

L’Institut se montrait encore plus alarmiste sur le coût de « notre mauvaise alimentation » et des pathologies associées : « 125 milliards d’euros par an » pour les finances publiques.

Montrer le coût caché de la mauvaise alimentation

Il s’appuie sur une vaste étude menée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), publiée en novembre 2023 et s’efforçant de quantifier les coûts cachés, en d’autres termes l’impact non comptabilisé mais bien réel du système alimentaire mondial.

Ils sont évalués à de plus de 10.000 milliards de dollars par an au niveau mondial.

Les associations françaises Secours Catholique-Caritas France, le Réseau Civam (Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural), Solidarité Paysans et la Fédération française des diabétiques se sont elles aussi livrées à une estimation des coûts induits par le modèle alimentaire actuel en France.

Dans une étude sur « l’injuste prix de notre alimentation », publié en septembre, ils ont estimé que l’on « compensait aujourd’hui les dysfonctionnements de notre système alimentaire, à hauteur de 19 milliards d’euros » chaque année, dont « 11,7 milliards d’euros, a minima, pour les maladies liées à notre mauvaise alimentation ».

Les associations se sont également livrées à un chiffrage du coût du soutien public au système alimentaire français : 48,5 milliards d’euros chaque année, via des exonérations de cotisations sociales (12,7 milliards d’euros) ou fiscales (8,6 milliards d’euros), ou la subvention européenne versée au titre de la PAC (9,7 milliards d’euros).