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Lactations longues : et si l’objectif d’un veau/VL/an était dépassé ?


TNC le 07/11/2024 à 05:12
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Et vous, avez-vous déjà retardé la mise à la repro d'une vache ? Pour une bonne production ou justement parce qu'elle ne prenait pas à l'IA ? Dites-nous en commentaire ! (© Adobe Stock/Ramona Heim)

Garder des vaches en lait près de 2 ans sans vêlage, c’est l’idée défendue par quelques chercheurs Inrae et Vetagro Sup qui ont lancé une étude sur la pratique de la lactation longue en vache laitière. Quelles motivations de la part des éleveurs ? Quelles performances en attendre ?

On peut être tenté de faire perdurer une vache en lait lorsque celle-ci présente une bonne production. Mais l’allongement des lactations présente d’autres avantages : moins de vêlages (donc moins de veaux, mais aussi moins de risques autour du vêlage), moins de renouvellements, et une amélioration de la fertilité.

Pourquoi allonger les lactations ?

Des chercheurs de l’Inrae et de VetAgro Sup se sont penchés sur le sujet des lactations longues (détails de l’étude en bas d’article). On entend ici celles qui dépassent 550 jours sans vêlages, pas un simple retard de mise à la reproduction. Une enquête réalisée auprès d’éleveurs pratiquant l’allongement des lactations révèle les motivations suivantes :

– le fait de ne pas tarir une vache qui produit encore beaucoup de lait
– la réduction du nombre de vêlages
– l’amélioration de la longévité des vaches et la volonté de limiter le renouvellement

« Aucun éleveur enquêté ne pratique les lactations longues sur toutes ses vaches, explique Fabienne Blanc, enseignant chercheur à VetAgroSup. Ils le font au cas par cas sur des vaches à réformer, des vaches qui ne prennent pas à l’IA, ou des vaches avec une bonne persistance laitière. » Difficile pour les chercheurs de savoir si la pratique est plutôt subie ou voulue, mais elle existe et s’avère non négligeable.

Une pratique à développer

Pour Luc Delaby, ingénieur de recherche à l’Inrae, cette méthode est à développer en élevages : « L’objectif d’un veau par vache et par an est très imprégné dans la tête des éleveurs, mais quel intérêt ? Si on a des vaches qui produisent bien et sur la durée, pourquoi faire naître des veaux qui ne valent rien ou presque, pourquoi courir les risques associés aux vêlages et aux débuts de lactations ? »

Faire naître moins de veaux, c’est aussi moins de travail…

S’il se veut provoquant, c’est parce qu’il n’est pas le seul à y penser : « Des chercheurs néo-zélandais y réfléchissent aussi. Là-bas, ils font naître chaque année 1,8 million de veaux abattus à 4 jours car ils ne savent pas quoi en faire et n’ont pas assez de surface pour les élever. Des lactations de 2 ans réduiraient drastiquement ce problème. Et cela jouerait aussi sur la charge de travail des éleveurs qui pourraient faire vêler la moitié du troupeau en année 1 et l’autre moitié en année 2 par exemple. »

Mais revenons en France : l’allongement des lactations se pratique déjà beaucoup en chèvres, pourquoi ne pas le mettre en place aussi en vaches laitières ? « Il faut de la place dans l’étable et des fourrages disponibles pour garder ces vaches qui produiront moins qu’une fraîche vêlée, c’est certain. Il faudra aussi ajuster la complémentation car le risque qui revient le plus dans notre enquête est l’engraissement de ces vaches (et donc sous-jacent des problèmes de repro, ce qui aboutirait à l’effet inverse de ce qu’on recherche). »

Autre piste à creuser : certains éleveurs pratiquent la castration des vaches gardées en production avant la réforme pour d’une part maintenir une bonne courbe de lactation, et d’autre part calmer leur comportement associé aux chaleurs (plus de chevauchement ou de bousculades dans l’étable). Mais cette solution est irréversible bien entendu.

La persistance laitière à intégrer aux critères génétiques

« Pour avoir plus d’éleveurs pratiquant les lactations longues, il nous faudrait des références techniques sur la conduite de ces animaux (quel rationnement, comment les remettre à la reproduction, quel tarissement ensuite), leur production sur le long terme (quelle courbe de lactation si vêlage après 2 ans de production)… » C’est l’idée d’une prochaine étude éventuelle.

Mais pour Luc Delaby, il faudrait surtout pouvoir prédire l’aptitude des vaches aux lactations longues et l’intégrer aux critères génétiques : connaître d’avance leur persistance laitière potentielle aiderait grandement à développer la pratique puisqu’on pourrait sélectionner les animaux là-dessus.

Voici ce qu’en disent les données du contrôle laitier :

Les courbes moyennes de production laitière des très longues lactations se caractérisent par un pic plus important que celui des lactations normales et une persistance plus élevée. Cette différence se retrouve chez les primipares comme chez les multipares, avec une persistance plus nette chez les primipares quelle que soit la durée de la lactation. (© Inrae/Vetagro Sup)

En attendant, il affirme : « Les vaches traites plus de 18 mois sont en général celles avec une bonne production et une persistance laitière intéressante. Ce sont sur ces vaches, au regard de leur production sur les 100 ou 150 premiers jours qu’un éleveur devrait se questionner d’allonger leur lactation ou pas. Faire 20 000 kg de lait sur 850 jours, ce n’est pas rien ! »