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Lutte contre la déforestation : vote crucial au Parlement européen


AFP le 14/11/2024 à 11:07

Le Parlement européen se prononce jeudi sur le report d'un an de la loi contre la déforestation, mais la droite veut aller plus loin et l'assouplir encore, au grand dam des ONG qui redoutent un nouveau « coup de tronçonneuse » dans ce texte emblématique.

Le bras de fer s’annonce tendu avec le centre et la gauche, qui accusent le Parti Populaire Européen (PPE) de s’allier à l’extrême droite pour détricoter ce nouveau règlement censé interdire la commercialisation en Europe de produits (cacao, soja, huile de palme) provenant de terres déboisées après décembre 2020. Des concessions ont pourtant déjà été faites.

Sous la pression du Brésil, des Etats-Unis et même de l’Allemagne, la Commission européenne a proposé de reporter d’une année l’entrée en vigueur de la loi, du 30 décembre 2024 au 30 décembre 2025. Le décalage a reçu l’aval des pays membres de l’Union et est soumis au Parlement jeudi.

La droite avait déposé une quinzaine d’amendements pour édulcorer le texte. Après d’intenses tractations, elle en a retiré une partie, notamment une demande de report de deux ans de la loi. Mais elle propose encore certains assouplissements comme la création d’une catégorie de pays dits « sans risque », exonérés de certaines règles.

Le PPE affirme défendre « les entreprises européennes » pour qu’elles « ne soient pas injustement pénalisées par des charges administratives excessives », selon l’eurodéputée française Céline Imart (LR).

A gauche et au centre, on n’y voit qu’une tentative de « vider tout le texte de sa substance » et couper l’élan environnemental de la précédente législature marquée par le Pacte vert.

Ce débat prend un relief particulier au moment où l’UE semble déterminée, malgré l’opposition de la France, à signer d’ici la fin de l’année un accord de libre-échange avec les pays latino-américains du Mercosur, susceptible de démultiplier les importations agricoles.

« Très très serré »

« Le PPE compte sur les votes de l’extrême droite pour renverser » la loi contre la déforestation. « Le signal est dévastateur pour l’engagement de l’Europe en faveur de la protection du climat et de la biodiversité », lance l’écologiste allemande Anna Cavazzini.

Plus largement, le centre et la gauche de l’hémicycle s’alarment de la « majorité alternative » en train de se dessiner en ce début de mandat.

Depuis la rentrée, la droite a déjà mêlé ses voix à l’extrême droite lors de deux votes symboliques sur le Venezuela et le budget, mais sans portée contraignante. Cette fois, elles pourraient s’associer pour combattre le fond d’un texte européen. Ce vote irait à rebours de l’alliance du mois de juillet quand PPE, sociaux-démocrates et centristes ont soutenu de concert la reconduction d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne.

« On est dans le coeur du réacteur, est-ce qu’on peut faire confiance » au PPE ?, s’interroge Pascal Canfin (Renew). Le centriste français s’attend à un vote « très très serré », car, affirme-t-il, la droite est « divisée ».

Finalisée fin 2022 et promulguée en 2023, la nouvelle réglementation contre la déforestation suscite globalement une levée de boucliers des milieux d’affaires de l’agrobusiness et de nombreux États africains, asiatiques et sud-américains, inquiets des coûts supplémentaires engendrés pour les agriculteurs, éleveurs et exploitants forestiers.

Les entreprises importatrices, responsables de leur chaîne d’approvisionnement, devront prouver la traçabilité via des données de géolocalisation fournies par les agriculteurs, associées à des photos satellitaires.

Pour les conservateurs du PPE, ce texte est un « monstre bureaucratique ». La droite reprend son positionnement anti-normes affiché lors de la colère agricole début 2024.

Cette nouvelle législation est pourtant jugée essentielle par les organisations environnementales qui espèrent une première mondiale susceptible d’entraîner d’autres régions du monde. Les ONG avaient déjà fustigé le report d’un an de l’entrée en vigueur du texte, un « coup de tronçonneuse ».

Et elles s’alarment des nouveaux amendements de la droite. « On croise les doigts pour que ça ne passe pas. S’ils sont adoptés, cela rouvre le débat de manière délétère, alors que cette législation est assez ambitieuse et innovante », estime Blaise Desbordes, directeur général de l’association de commerce équitable Max Havelaar.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que 420 millions d’hectares de forêts ont été détruits à cause de la déforestation entre 1990 et 2020. La consommation européenne représente environ 10 % de la déforestation mondiale, selon le Parlement européen.