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Ferme Dunant : du temps, de l’argent et beaucoup de plaisir à transformer son lait


TNC le 15/11/2024 à 05:00
peggy-delage

(© TNC)

C’est dans l’Allier à 50 km au nord de Montluçon que Peggy Delage transforme le lait de ses vaches en yaourts, glaces et autres gourmandises qu’elle vend ensuite à la ferme, sur les marchés et dans les magasins de producteurs. Bien que cela représente énormément de travail, elle ne reviendrait pas en arrière.

« Mon beau-père devait prendre sa retraite, mon mari allait se retrouver seul sur l’exploitation. Et comme il ne voulait arrêter aucun atelier, c’était logique pour moi de le rejoindre. » C’est ainsi qu’en 2017, Peggy Delage a quitté son poste de commerciale pour revenir sur l’exploitation aux côtés de son compagnon Frédéric. Et si elle aime le travail autour des vaches, elle s’épanouit surtout depuis 4 ans dans son laboratoire de transformation laitière. Un comble pour cette exploitation située en pleine zone allaitante !

Le troupeau est nourri sans OGM, avec une part d’herbe importante dans la ration. (© Terre-net Média)

Mieux valoriser le lait

L’exploitation familiale produit du lait depuis les années 80, livré à la laiterie Rians. Mais pour son installation, Peggy souhaitait développer le circuit court. « Je trouvais ça dommage de produire du lait sans choisir son prix, qu’il nous soit imposé. » En transformant à la ferme, je prends en compte le vrai prix que vaut mon lait. Dans ses calculs, elle prend en base entre 70 et 80 centimes du litre, « c’est raisonnable pour le travail qu’on fait et les heures qu’on passe à s’occuper de nos vaches », estime-t-elle.

Non issue du milieu, c’est donc une reconversion pour cette quadra hyper active qui enchaîne un BPREA option transformation, réalise un stage dans un atelier puis se lance dans la conception de son futur local. « J’avais regardé ce qui se faisait déjà dans le coin en produits fermiers, c’était beaucoup de fromages. Moi je voulais aller sur le yaourt car c’est une consommation journalière pour ce produit de base. Et la glace me plaisait beaucoup pour le côté gourmand et surtout pour toutes les possibilités autour. » Car ce que Peggy ne dit pas c’est qu’elle a un vrai don pour la pâtisserie, ses réalisations en témoignent…

300 000 € d’investissements

Accompagné par l’entreprise Glace concept pour l’achat du matériel et la formation, le couple a investi un peu plus de 300 000 € répartis pour moitié dans l’agencement du laboratoire (une ancienne grange réhabilitée) et l’autre moitié dans le matériel de transformation et l’achat d’un véhicule. « C’est très cher, reconnaît Peggy. Je ne pensais pas que ça nous coûterait autant. Mais par chance, cela a pris immédiatement et dès la première année nos ventes ont couvert les mensualités de crédit qui s’élèvent quand même à 2 000 €/mois. » En ce qui concerne les prêts, ils s’étalent de 5 à 15 ans selon le matériel.

Peggy et son conjoint ont rénové une grange de l’exploitation pour y installer le laboratoire de transformation. (© Terre-net Média)

Depuis 4 années maintenant, l’agricultrice transforme en moyenne 21 000 l/an et sa gamme de produit s’est bien élargie : yaourt, glace, faisselle, fromage frais, desserts glacés, skyr, riz au lait… Et la transformation laitière, c’est son dada : « Frédéric s’occupe des deux troupeaux et de la plaine avec la salariée. Il me laisse gérer le labo et la vente. J’ai une apprentie avec moi, heureusement ! » L’objectif, à terme, est d’ailleurs d’embaucher l’apprentie.

Côté distribution, les ventes se font sur l’exploitation, sur les marchés, en cantines scolaires, dans les magasins de producteurs et dans quelques grandes surfaces. Et la ferme étant située à 45 km des grandes villes, il faut quand même faire pas mal de route pour livrer les points de vente.

Du travail, beaucoup de travail…

Si elle « s’éclate » dans ce qu’elle fait, Peggy passe quand même beaucoup de temps dans son laboratoire et les journées sont parfois trop courtes : « Je démarre à 5h30 avec la traite, voire plus tôt si j’ai du retard au labo. Ensuite tout dépend des jours : j’enchaîne souvent avec les livraisons le matin. Mon apprentie démarre la transformation et je la rejoins ensuite pour poursuivre l’après-midi ensemble, sauf le mercredi après-midi où je suis sur un marché. Le vendredi et samedi, je fais les allers-retours entre le labo et la boutique à la ferme. Et le dimanche, je relance une production seulement si besoin. »

Je pense être à 80-90 heures/semaine !

« On transforme de tout toute l’année, mais les quantités fluctuent car on est sur des produits saisonniers. La glace par exemple, on est sur du 300 l/semaine en été, un peu moins le reste de l’année, sauf pendant les fêtes de fin d’année où je fais beaucoup de bûches glacées. »

Peggy est épaulée d’une apprentie pour la transformation laitière. (© Terre-net Média)

C’est donc du 7 jours sur 7 pour l’agricultrice qui pour autant ne regrette pas du tout ce changement de vie. « J’adore ce que je fais, même si j’y passe tout mon temps. Et les retours des clients me boostent. Donner du plaisir aux gens, ça n’a pas de prix ! » Elle tempère tout de même : « J’ai 4 enfants, c’est forcément un peu plus dur pour eux… »

… un faible revenu mais assumé

« Fréderic et moi, on se sort un Smic chacun. Je trouve ça déjà bien, tous les agriculteurs n’y sont pas. » Qu’on ne se trompe pas, Peggy assure hors caméra : « Le Smic, c’est ce qu’on se prélève en salaire. Ça nous suffit pour vivre. Le reste nous sert de trésorerie car on préfère autofinancer la plupart de nos achats plutôt que de dépendre des banques. »

Actuellement, l’agricultrice passe chaque semaine 200 litres de lait en yaourt, « le produit d’appel », avoue Peggy puisqu’elle vend le pot 50 centimes au plus cher : « Étant moi-même maman, je sais que les enfants en consomment beaucoup. Je préfère réduire la marge là-dessus pour être sûre que ça passe en collectivité. ». Même rythme en faisselle actuellement avec 140 l/semaine. Le reste passe en glace, le produit le mieux valorisé à 7,50 €/l.

Un projet qui rajoute du travail au travail, les agriculteurs en sont conscients, mais pour eux c’est une question de passion : « Vendre notre lait à perte, je ne pouvais pas le concevoir ! Et la transfo permet de fournir de bons produits autour de nous, ça me semble important. » Et dans cette zone où les élevages laitiers fondent comme neige au soleil, Peggy n’en voit pas le bout : « On compte bien continuer le lait, d’autant plus avec la transformation aujourd’hui, ça nous motive ! »