FCO, MHE… Pourquoi les épidémies se multiplient chez les bovins ?
TNC le 18/11/2024 à 07:22
En 24 mois, l'élevage français a été confronté à l'arrivée de la MHE, la recrudescence des la FCO-8, l'arrivée de la FCO-3... Un contexte sanitaire inédit, dans lequel le changement climatique porte une part de responsabilité.
Depuis 2006, « nous sommes face à une multiplication d’épisodes sanitaires liés à des maladies vectorielles », constate Valérie David, du service santé animale de l’Institut de l’élevage. D’abord la FCO, qui se décline encore aujourd’hui sous une grande diversité de souches et de variants, suivie en 2011 par l’arrivée du virus Schmallenberg et de la MHE en 2023.
Au regard des cartes dessinant les fronts épizootiques, les éleveurs devront apprendre à composer avec la problématique sanitaire. Tout d’abord en France, ou les couleurs commencent à manquer pour colorier la carte des cas cliniques des différentes maladies. « Avec la FCO, c’est un peu le loto en ce moment. On ne sait pas sur quel numéro de la maladie on va tomber, et surtout si cela se caractérise par une petite grippette, ou par quelque chose de beaucoup plus impactant », déplore David Ngwa-Mbot vétérinaire conseil à GDS France. Même constat à l’échelle européenne : « on a appris il y a quelques semaines qu’il y avait de la FCO-12 qui circulait aux Pays-Bas ».
Le changement climatique favorise la circulation des vecteurs
Mais pourquoi un tel acharnement sur la filière bovine ? Le changement climatique n’est pas innocent dans la propagation des maladies vectorielles. « Les conditions climatiques en Europe du Nord étaient favorables à la propagation de la FCO quinze ans avant son émergence, en 2006 ». En bref, la hausse des températures agrandit le terrain de jeu potentiel des culicoïdes.
La température joue aussi sur la vitesse de propagation de la maladie, notamment en Europe du Nord. Plus il fait chaud, moins la réplication du virus dans le culicoïde prend de temps. « Cela veut dire que le virus devient plus vite contaminant au sein du moucheron », traduit le vétérinaire.
En Europe du Sud, l’augmentation du nombre de vecteur est autrement impactant. « La chaleur démultiplie la population de culicoïdes, et l’on se retrouve avec un nombre d’hôtes potentiels plus important autour des animaux ».
Le changement climatique n’impacte pas que les culicoïdes. Stomoxes, taons, puces, moustiques ou encore tiques sont à surveiller. En tête de liste, la Fièvre hémorragique de Congo Crimée, qui est une zoonose transmise par les tiques et les moustiques. « La tique Hyalomma est le premier vecteur de la maladie en santé animale. Elle est maintenant présente sur le continent depuis 2015 », prend pour exemple Virginie David. Non zoonotique, la dermatose nodulaire contagieuse est également surveillée par les services vétérinaires. En bref, l’heure n’est pas au relâchement sur la biosécurité.
Les mouvements d’animaux pointés du doigt
Mais tout n’est pas qu’affaire de climat. « L’anthropocène favorise aussi l’émergence de ce type de pathologies », poursuit David Ngwa-Mbot. « Le culicoïde progresse en tache d’huile autour d’un foyer, avec une portée de 10 km par semaine environ. Mais lorsque la maladie fait des bonds d’une centaine de kilomètres, c’est qu’il y a eu un pont. » C’est souvent le transport d’animaux qui est en cause. Cela peut d’ailleurs expliquer l’apparition de la FCO-3, puis de la 12 aux Pays-Bas. « Rotterdam compte parmi les plus gros ports d’Europe, avec beaucoup de mouvement d’import-export », détaille le vétérinaire. Conclusion, gare au mouvement d’animaux.
Mais difficile d’établir un équilibre entre sanitaire et économique. « Le marché de la viande bovine ne peut se faire sans mouvement d’animaux. Il ne faut pas que le remède achève le malade », lance David Ngwa-Mbot en prenant l’exemple des éleveurs coincés avec leurs animaux suite aux restrictions mises en place lors de la découverte des premiers cas de MHE.
Se préparer aux prochaines épizooties
L’heure est à l’encadrement de ces transferts. Pour sortir de la zone réglementée, PCR et désinsectisation sont de mise. Aussi contraignants soient-ils, ces protocoles sont essentiels aux yeux du vétérinaire. « Au fil des maladies vectorielles, on commence à avoir des automatismes qui permettent de moins peser sur les marchés. Il faut que l’on continue à s’organiser en amont pour savoir comment réagir. »
Exemple à l’appui avec l’arrivée sur le marché français du vaccin contre la FCO-3. « Nous sommes sur des nouveaux vaccins qui bénéficient d’une ATU (autorisation temporaire d’utilisation) qui se décide à l’échelle nationale. Les Pays-Bas disposaient de la leur. Et lorsque la maladie est arrivée en France, nous en avons fait la demande. Mais le temps que l’on discute, la maladie avance », conclut le vétérinaire, en espérant que ces expériences permettront de gagner en réactivité.