Dans un climat de rivalité, les agriculteurs poursuivent leur mobilisation
AFP le 24/11/2024 à 08:40
Après le Mercosur, les « entraves » et les « normes » : dans un climat tendu, à quelques semaines de leurs élections professionnelles, les agriculteurs s'apprêtent à entrer dans une deuxième semaine de mobilisation, toujours en ordre dispersé mais déterminés à maintenir la pression sur le gouvernement.
Moins d’un an après une mobilisation historique et après un « été pourri » marqué par de mauvaises récoltes et une flambée de maladies animales émergentes, les syndicats agricoles ont ressorti les tracteurs, estimant n’avoir pas obtenu suffisamment d’avancées concrètes dans les cours de ferme.
Après une première semaine de mobilisation contre le traité de libre-échange que l’Union européenne négocie avec des pays latino-américains du Mercosur, les actions devraient s’élargir à la dénonciation des « entraves » à la production dénoncées par l’alliance majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA) comme par son concurrent de la Coordination rurale (CR), 2e syndicat agricole.
Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé de nouvelles actions avec les JA « mardi, mercredi et jeudi » pour « dénoncer les entraves à l’agriculture et tout ce qui aujourd’hui contraint notre activité ».
Après des actions symboliques – feux de la colère, rassemblements – revendiquées dans 85 départements, les actions cibleront par exemple des préfectures, agences de l’eau ou bureau de l’Office français de la biodiversité (OFB). « La quasi-totalité des départements prévoit d’entrer en action d’ici les prochains jours », ont prévenu les JA.
Suivant le credo de la FNSEA -« Pas d’interdiction sans solution »-, les manifestants défendront notamment le retour de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, réclamé par les producteurs de noisettes et de betteraves à sucre. Nocif pour les pollinisateurs, il est interdit en France mais utilisé dans d’autres pays de l’Union européenne.
« Buzz »
Ils réclament aussi un accès accru à l’eau et la simplification du millefeuille de normes françaises et européennes, jugeant encore insuffisants les efforts consentis par le gouvernement.
La Coordination rurale, qui a multiplié les coups d’éclat ces derniers jours, prévoit « d’amplifier » sa mobilisation au-delà du Sud-Ouest où se sont concentrées ses actions ces derniers jours.
Après un barrage filtrant à la frontière espagnole, le blocage du port de commerce de Bordeaux ou une intrusion musclée dans un bureau de l’OFB, dont il demande la « dissolution », le syndicat prévoit un rassemblement mardi devant le Parlement européen à Strasbourg mais aussi une opération de curage des fossés dans les Hautes-Alpes et la poursuite du blocage de centrales d’achats des distributeurs.
Opposée depuis des décennies au libre-échange, la Confédération paysanne, héritière des luttes paysannes altermondialistes, continue ses mobilisations contre le Mercosur et « pour la défense du revenu paysan » et la transition agro-écologique. Elle prévoit notamment une mobilisation dans un supermarché en Essonne lundi et une action anti-Mercosur en Dordogne mardi.
Vendredi, la tension était brusquement montée entre la FNSEA et la Coordination rurale, dont une cinquantaine d’adhérents de son fief du Lot-et-Garonne ont perturbé un déplacement d’Arnaud Rousseau à Agen.
Dans une atmosphère électrique, les militants aux bonnets jaunes ont hué le patron de la FNSEA et menacé de l’empêcher de sortir, avant de le laisser rejoindre son véhicule sous escorte policière.
Le président de la FNSEA, dans une déclaration à l’AFP, a déploré des « méthodes lamentables » et des « menaces pas acceptables », estimant que cette recherche de « l’escalade » ou du « buzz » ne faisait « pas avancer le projet agricole ».
Cette confrontation intervient à quelques semaines du scrutin visant à élire les chambres d’agriculture départementales. La Coordination rurale, qui en préside trois actuellement, dont celle du Lot-et-Garonne depuis deux décennies, espère briser l’hégémonie de l’alliance FNSEA-JA et ravir « 15 à 20 chambres » supplémentaires.
Dans ce climat tendu, où le risque de surenchère est scruté par les observateurs politiques, le gouvernement assure que la France progresse dans la construction d’une minorité de blocage à l’accord UE-Mercosur: après l’Italie, la Pologne a exprimé son rejet vendredi.
Et la ministre française de l’Agriculture Annie Genevard a promis de s’attaquer au dossier des pesticides interdits et de nouvelles annonces dans les prochains jours sur « la simplification ».