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Campagnol terrestre : comment éviter ce discret rongeur aux dégâts colossaux ?


TNC le 26/11/2024 à 04:57
Rattaupier

Les rats taupiers se nourrissent des racines des plantes et ensevelissent la végétation en faisant remonter de la terre à la surface. (© Focus Finder)

Avec le mode de vie d’une taupe et la prolificité d’un rat, le campagnol terrestre peut causer des dégâts considérables sur les parcelles. Pour l’éviter, une seule solution : agir tôt.

Un campagnol, ça va, une colonie : bonjour les dégâts ! Également connu sous le nom de rat taupier, le campagnol terrestre n’a rien d’impressionnant, il est même très discret… Du moins jusqu’à un certain point ! Du haut de sa vingtaine de centimètres, il vit exclusivement dans des galeries à une douzaine de centimètres sous terre. Sans jamais remonter à la surface, il se nourrit des racines de plantes. « Pour se maintenir, il mange chaque jour l’équivalent de son poids en végétation », explique Adrien Pinot, chercheur à VetAgro Sup. Compter une centaine de grammes par jour… Mais le problème, c’est que les campagnols ne vivent pas seuls !

Avec une dizaine de colonies en sortie d’hiver, il est possible d’être très vite infesté. Chaque année, la saison de reproduction démarre au printemps, avec des naissances entre le 15 mars et le 15 octobre. Avec une vingtaine de jours de gestation, pour 2 à 10 petits, l’espèce progresse rapidement. D’autant que « les jeunes nés avant la mi-juillet sont capables de se reproduire à deux mois d’âge. La nouvelle génération vient donc prêter main-forte à la précédente. Les autres attendront le printemps prochain », poursuit Adrien Pinot, qui travaille sur la démographie du campagnol. « À l’automne, on peut observer des pics à 800 animaux/ha, avec la cohabitation de deux générations ». ​​​​​​La densité de population baisse ensuite à la fin de la période de reproduction, l’espérance de vie de l’animal se limitant généralement à un an.

Mais avec une telle densité hectare, les dégâts sont considérables. « Les animaux mangent littéralement les plantes par la racine ». Une manœuvre qui fait bien souvent mourir la végétation, mais pas seulement. Depuis ses galeries, le campagnol fait remonter de la terre en surface qui enfouit la flore prairiale. « Dans certains cas, on a l’impression que le sol a été travaillé par un outil ».

À ce niveau, quantité et qualité de fourrage sont affectées. Sans parler du risque bactérien qu’ils font peser. « Salmonelles, listeria, cellules dans le lait… On le suspecte même de maladies létales comme l’échinococcose alvéolaire ».

Les infestations s’étendent parfois à l’échelle du territoire. « Il ne suffit pas toujours de changer de parcelle pour l’éviter. Pour certains éleveurs, c’est toute la ferme qui est touchée », précise Adrien Pinot, en prenant l’exemple du Massif central.

Repérer les débuts d’infestation

Mais si l’animal fait consensus contre lui, il reste difficile de s’en débarrasser. Tout d’abord parce qu’il est difficile de repérer le début de l’infestation. « Souvent, on commence à s’alarmer trop tard, lorsque le développement de la colonie devient exponentiel », constate le chercheur. « Quel que soit le traitement, il faut intervenir tôt ». Pour ce faire, mieux vaut être vigilant sur les indices de présence, notamment sur la formation de petits monticules.

La lutte chimique reste la plus répandue

Côté lutte, les modalités chimiques restent les plus répandues, même si le panel de produits est assez restreint. « Il n’y a que le phosphure de zinc qui reste autorisé ». Et pour cause : en plein champ, difficile de faire la différence entre le campagnol terrestre, et le reste de la faune sauvage. Les traqueurs se dotent d’une sonde en métal pour détecter les galeries à proximité des monticules, et y déposer le poison. Dans certains cas, les solutions chimiques peuvent être déposées à l’aide d’une sous-soleuse. « On dépose les graines directement dans un sillon. Cela crée une galerie artificielle qui va couper des galeries naturelles ».

L’utilisation de phosphine peut également être envisagée. Les pastilles de PH3 sont pensées pour réagir avec l’humidité du sol, et dégager un gaz qui asphyxiera le campagnol. « C’est assez délicat à mettre en place, et il faut être formé pour pouvoir utiliser le produit », tempère Adrien Pinot.

Miser sur la prévention

Le plus efficace est peut-être de faire en sorte que les campagnols ne s’installent pas. Pour les éviter, il est essentiel de prévenir la formation de galeries dans les parcelles. « La taupe est un très bon précurseur de campagnols. Une fois les taupes parties, ils récupèrent les galeries et peuvent démarrer leur travail en silence ».

Le labour ou le décompactage permet alors de détruire les réseaux de galeries. L’implantation de haies favorise la présence de prédateurs et le pâturage vient également les déranger. « Elles n’aiment pas le piétinement des bovins ».

De nouveaux moyens de lutte dans les tuyaux

D’autres moyens de lutte sont également dans les tuyaux. « Il y a plusieurs groupes de chercheurs qui travaillent sur la question, parce que le campagnol est une problématique qui couvre de larges territoires, et peut mettre en péril des exploitations ».

Un travail sur les phéromones devrait permettre d’améliorer l’attractivité des pièges et appâts. Un vaccin contraceptif pourrait également venir enrichir les moyens de lutte. « L’idée, c’est de proposer le vaccin sous forme de granulés que l’on mettrait dans le sol. Une manière d’éviter l’utilisation de phosphure de zinc qui reste un poison, et qui par exemple ne pas être employé en agriculture biologique ».

Des travaux sur l’impact de la flore prairiale sur l’installation du campagnol donnent également davantage d’informations sur ses préférences. « On s’interroge sur les modalités de restauration de prairie. Parce que si l’on réimplante une parcelle infestée par des espèces dont raffole le campagnol, il y a fort à parier qu’ils reviennent », explique Adrien Pinot. « On voit par exemple qu’il adore le pissenlit ». Le campagnol a également un faible pour les chicorées et légumineuses, qui peuvent être implantées par l’éleveur dans le cadre d’un ressemis. « Mieux vaut plutôt installer une graminée à faible pérennité pour éviter de relancer un cycle d’infestation ».

D’autres moyens de lutte encore plus originaux sont en réflexion. « Un groupe de travail cherche à mettre au point un robot qui déposerait les appâts grâce à des coordonnées relevées par drone. Cela donne des perspectives ».