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Orge d’hiver : une campagne 2023/24 marquée par une pression ramulariose record


TNC le 28/11/2024 à 05:30
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Les premiers symptômes de ramulariose ont la particularité d'apparaître généralement après l'épiaison sur les feuilles supérieures. (© Banque d'images FranceAgriTwittos)

Quelles maladies ont été prédominantes en orge d’hiver cette année ? Et quelles stratégies fongicides ont obtenu les meilleurs résultats ? Les experts Arvalis nous partagent les enseignements de la campagne 2023/24, marquée par une pluviométrie exceptionnelle.

« Sur neuf essais réalisés sur la variété KWS Faro (sensible à la rouille naine et à la rynchosporiose), la nuisibilité maladies est estimée à près de 17 q/ha en moyenne pour la campagne 2023/24 », présente Jérôme Thibierge, ingénieur en protection intégrée des cultures, à l’occasion du bilan de campagne céréales à paille d’Arvalis.

« Les maladies classiques, observées ces 4 dernières années, comme l’helminthosporiose et la rynchosporiose, sont restées plutôt calmes ». En revanche, l’expert fait part d’une forte présence de symptômes de ramulariose, grillures et par endroits, de rouille naine.

(© Arvalis)

Une nuisibilité de la ramulariose de 15 q/ha en moyenne

« Identifiée pour la première fois en France en 2022 par Arvalis, la ramulariose s’est largement généralisée la campagne dernière, avec une pression moyenne dans la moitié Nord de la France et forte dans le Sud-Ouest. » Pourquoi cette pression record par rapport aux 10 dernières années ?

Jérôme Thibierge y voit deux raisons conjuguées : « tout d’abord, l’évolution des variétés cultivées en orge d’hiver avec KWS Faro, qui est devenue hégémonique parce qu’elle est recommandée par les malteurs. Cette variété est sensible à la ramulariose, beaucoup plus que ne l’était Etincel notamment. Et puis, le contexte climatique 2024 a particulièrement été favorable à la maladie ».

« La ramulariose se développe à bas bruit dans le début du cycle. Bien souvent on voit apparaître les tâches noires caractéristiques sur les feuilles supérieures seulement après l’épiaison et en quelques jours, ces feuilles peuvent devenir totalement sénescentes. »

La nuisibilité de cette maladie est importante : 15 q/ha en moyenne et jusqu’à 30 quintaux, en situation à dominante ramulariose, selon la synthèse de 146 essais menés sur orge d’hiver par Arvalis entre 2007 et 2024. « La ramulariose peut également contrarier le calibrage de l’orge, qui est un critère important dans les barèmes de prix. »

Méfentrifluconazole, prothioconazole et folpel intéressants sur ramulariose

Pour accompagner les producteurs dans la protection des orges d’hiver, l’institut technique présente les résultats de ses essais fongicides, notamment ceux menés en 2024 dans le Centre et en Champagne, sur KWS Faro et KWS Splendis, variétés sensibles. « Dans les témoins, on peut noter une intensité de ramulariose de 62 % », indique Gilles Couleaud, ingénieur protection des plantes.

(© Arvalis)

– « Pour les solutions classiques, Unix Max 0,6 (cyprodinil) + Meltop One 0,3 (fenpropidine) /Kardix 0,7 (bixafen + fluopyram + prothioconazole) + Quibilim 0,35 (pyraclostrobine) : on est qu’à 53 % d’efficacité. Et quand on compare les deux lignes au-dessus : une impasse au T1 puis Kardix 0,7 + Quibilium et une impasse au T1 puis Isix 0,7 (mefentrifluconazole + pyraclostrobine) + Curbatur 0,35 (prothioconazole), on voit qu’on passe d’une efficacité de 44 à 64 %. Le mefentrifluconazole et le prothioconazole ont une certaine activité sur ramulariose », observe Gilles Couleaud.

« La ramulariose est résistante aux strobilurines, donc dans le mélange Kardix + Quibilium, c’est le prothioconazole du Kardix qui fait le boulot (44 % d’efficacité). Et en ajoutant le mefentrifluconazole, on améliore la protection. »

– « Avec un T1 composé de Juventus (metconazole) + Comet (pyraclostrobine), l’objectif est d’avoir une solution efficace sur rouille naine. Puis en T2, si on remplace la pyraclostrobine du mélange de référence par Sesto, un multisite folpel à 600 g/ha sur une base Kardix, on est largement bénéfique à la fois en termes d’efficacité (+ 23 points) et de rendement (+ 3 q/ha significatif). »

– « On peut également juger de l’apport d’une solution en cours de développement FB1806 (pydiflumetofène + prothioconazole), qu’on espère pour la campagne 2026, avec une efficacité ramulariose de 97 % et un gain de rendement significatif de 12,4 q/ha par rapport à la solution actuelle Kardix 0,7 + Sesto 1,2. »

« D’autres produits sont en développement, avec de très bonnes efficacités sur ramulariose, mais pour le moment on est limité par les résistances, ajoute l’expert Arvalis. La ramulariose est résistante aux strobilurines, partiellement résistante aux SDHI… Dans les matières actives efficaces aujourd’hui, on peut donc citer le méfentrifluconazole, le prothioconazole, qui garde une certaine activité et enfin, le multisite folpel qui amène également une activité intéressante sur ramulariose. L’idéal serait de mixer les trois ! »

(© Arvalis)

« La bonne efficacité du folpel sur la ramulariose est également confirmée sur le regroupement de trois essais 2023/24 (graphique ci-dessus). Seule une base Madison 0,7 l/ha (prothioconazole + trifloxystrobine) a montré 47 % d’efficacité sur ramulariose, l’ajout de 1,2 l/ha de Sesto a fait significativement progresser cette efficacité de 17 points pour atteindre 64 %. Appliqué seul en T2 l’association prothioconazole + fluxapyroxad (Avastel 0,9 l/ha) a montré une efficacité de 64 % sur la ramulariose ; l’efficacité progresse de 8 points (72 %) avec une application complémentaire de Sesto 1,2 l/ha à BBCH 59-61 », complète Jérôme Thibierge.

Un poids du T1 relativement faible

Arvalis a aussi regardé le poids du T1 pour la campagne 2024 sur variétés d’orge d’hiver sensibles et peu sensibles, « avec comme T1 unique : Unix Max 0,6 + Meltop One 0,3, qui est une très bonne solution pour gérer la rynchosporiose et l’helminthosporiose précoce. Mais on remarque que dans une situation de ramulariose, ce T1 n’a aucun impact, la cyprodinil et la fenpropidine n’ont, en effet, aucune activité sur cette maladie », indique Gilles Couleaud.

(© Arvalis)

« Le T1 a, en général, peu d’effet sur ramulariose, et c’est surtout le T2 qu’il faut bien choisir. La difficulté lorsqu’on fait le traitement à dernière feuille étalée/sortie des barbes, c’est qu’on a rarement des symptômes visibles. Il doit surtout se raisonner en fonction de la sensibilité variétale et du climat. Une météo pluvieuse pendant la montaison est notamment très favorable à la ramulariose », rappelle Gilles Couleaud.

« Le poids du T1 est donc relativement faible, en moyenne de 3 q/ha. En revanche, comme le montre le graphique ci-dessus, il se montre plus important lorsqu’on est dans une situation de rouille naine précoce ou d’helminthosporiose précoce. Et dans ces cas-là, Unix Max est tout à fait adapté. »