Suis-je un éleveur « robot-compatible » ?
TNC le 09/12/2024 à 05:22
À l’occasion des journées Les Visionnaires, Littoral Normand a dressé la liste des prérequis pour passer à la robotisation en élevage. Au-delà des aspects techniques et réglementaires, le rapport qu’entretient l’éleveur à la technologie tient une bonne place.
Traite, distribution d’aliment, entretien du bâtiment… Les robots sont de plus en plus présents sur les fermes laitières. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2018, 10 000 robots étaient en fonctionnement sur des exploitations agricoles, ils sont aujourd’hui 18 000. Mais certains doutent encore. Est-ce que tout le monde est vraiment fait pour travailler avec des robots ? À l’occasion des journées Les Visionnaires, Littoral Normand a donné quelques pistes pour déterminer les exploitations « robot compatibles ».
L’état d’esprit de l’exploitant
« Il y a beaucoup de freins psychologiques », remarque Julien Ouvry conseiller bâtiment chez Littoral Normand. Certains éleveurs craignent la charge mentale générée par le robot. « Il est vrai que le robot change la façon de travailler. On transfère une partie de la charge physique en charge mentale. On entend parfois des éleveurs dire qu’il est difficile de déconnecter avec les alertes robot ». Et pour cause : avec une traite en continu, les sollicitations peuvent venir de jour comme de nuit. Dans ce contexte, tout l’enjeu est de parvenir à déléguer une partie du travail de surveillance du robot. « Idéalement, il faut que plusieurs personnes soient formées au robot pour pouvoir mettre en place un système d’astreinte qui ne soit pas trop pesant », propose le conseiller.
La robotisation pose également beaucoup de questions quant à d’éventuelles pertes de compétences. Mais pour Marie-Flore Doutreleau, responsable de projets chez RobAgri, là n’est pas la question. La traite mécanique a bien remplacé la traite manuelle, alors pourquoi maintenant ne pas passer au robot ? D’autant que la robotisation est aujourd’hui éprouvée et ne relève plus d’un luxe. « Combien de temps un éleveur passe sur son exploitation ? Rarement 35 h. Et nous sommes dans un secteur où il y a de grosses difficultés sur l’embauche ou le renouvellement des générations, il est essentiel de trouver des solutions à ces problèmes et la robotisation y contribue ». Pour rappel, une installation sur deux s’effectue avec un robot de traite.
D’autant que la robotisation fait naître de nouvelles compétences. « On voit aujourd’hui dans les services de remplacement qu’il y a une demande en opérateurs formés à faire fonctionner les robots pour remplacer des éleveurs. Ça montre bien qu’il faut des compétences, et former des salariés pour accompagner les éleveurs dans cette transition », estime Marie-Flore Doutreleau.
Le robot modifie également le rôle de l’éleveur. « Lorsqu’on va dans la stabulation, ça n’est plus forcément pour aller pousser les vaches à la traite », résume Julien Ouvry. « Sur les fermes en robot de traite, je trouve qu’on peut circuler plus librement dans l’aire paillée pour voir si tout le monde va bien. Les troupeaux sont plus calmes, et l’on n’établit pas la même relation avec les vaches ».
Ce qui est certain, c’est que le passage au robot change le rapport au métier d’agriculteur. « Pour certains, la crainte vient de la maintenance. Il y a des éleveurs pour qui la mécanique est une passion, ou qui aiment bien fonctionner de manière plus au moins autonome. Mais lorsqu’on passe en système robot, il faut faire une croix sur l’auto-réparation ». Des contrats de maintenance existent, avec de grandes places de disponibilité de la part des constructeurs, mais l’agriculteur doit aussi accepter de ne plus avoir la main sur le volet mécanique.
Le réseau de concessionnaires
La disponibilité du service après-vente figure parmi les premières préoccupations des agriculteurs. « Sur cette question, le territoire normand est plutôt bien pourvu en élevages ce qui permet d’avoir un très bon maillage sur le territoire, avec des représentants de plusieurs marques », remarque Julien Ouvry. Et pour cause : la proximité reste essentielle pour assurer la rapidité d’intervention.
La couverture réseau
Parfois oubliée, la couverture réseau n’en demeure pas moins primordiale pour pouvoir communiquer avec son robot ! « 99 % du territoire est couvert a minima pour la 3G, ce qui est le minimum requis ». Pour plus d’informations, il est possible de vérifier la couverture sur monreseamobile.arcep.fr. Selon les robots, le réseau satellite peut également être nécessaire pour piloter des engins à distance. Le site centipede.fr permet d’avoir ces données.
La consommation d’électricité
La plupart des robots sont électriques, ce qui peut représenter un coût. Pour un robot d’alimentation, compter en moyenne 9,5 kwh/j/100 têtes soit environ 2 €/j/100 têtes. Pour un robot à lisier de 5 à 12kwh/j, prévoir 1€ à 2,4€/j de fonctionnement. « Nous sommes sur de grosses machines, mais les technologies font qu’elles consomment relativement peu. On estime que sur une ferme avec 100 UGB, le passage à la distribution d’aliment robotisée permet d’économiser 2,70 € par jour par rapport à la distribution d’aliment avec une machine fonctionnant au GNR ». Plus la taille du troupeau augmente, plus le différentiel est important : compte 12 € de différence par jour en faveur de l’électrique sur un troupeau de 300 UGB.
La réglementation
La législation interdit à un automate de circuler sur la voie publique. Impossible par exemple d’installer un robot d’alimentation qui devrait traverser une route communale qui diviserait une exploitation en deux sites. « Le caractère clos des exploitations agricoles est un des facteurs qui explique le développement de la robotique, parce qu’il permet de passer outre ces problématiques de circulation », remarque Marie-Flore Doutreleau.
L’organisation de l’exploitation
La topologie du corps de ferme est également à étudier : pente, type d’enrobé au sol, taille des silos… « Aujourd’hui, les freins sont de moins en moins nombreux, et les robots d’alimentation peuvent accepter jusqu’à 20 % de pente, mais il est vrai qu’il y a généralement des exploitations à prévoir », sans parler de l’agencement des bâtiments. « Selon l’éloignement du silo à l’auge, le système d’alimentation n’a pas besoin d’être dimensionné de la même manière ».
Le système de production
Enfin, l’organisation de l’atelier animal est une composante importante. « Le type de production et la taille du troupeau rendent certains investissements plus ou moins rentables », tranche le conseiller. Le tout est de trouver un système qui permette des compromis entre pratiques agricoles, et amortissement du robot. « Aujourd’hui, avec en moyenne 85 vaches laitières sur les fermes, se posent de gros dilemmes sur la robotisation de la traite. Soit il faut diminuer à 70 pour saturer un robot, soit monter un peu en effectif pour viser les deux robots… »
Le type de logement, entre paillage, aire raclée ou logettes à entretenir pose également la question de l’entretien du bâtiment, mais encore une fois, du paillage automatique au nettoyage de caillebotis ou de logette, des solutions automatisées existent.