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Le coût de l’énergie va-t-il accélérer le déclin de l’élevage ?


TNC le 11/12/2024 à 07:46
VacheligneElectrique

Parce qu'il valorise des produits issus des productions végétales, l'élevage apparaît encore plus vulnérable que les grandes cultures en cas de hausse importante du coût de l'énergie. (© bidaya - AdobeStock)

L’énergie, une nouvelle composante à intégrer dans les exploitations agricoles ? Avec la raréfaction des énergies fossiles, Marc Benoît, ingénieur de recherche à l’Inrae, invite à réfléchir sur l’impact que pourrait avoir une importante hausse du coût de l'énergie.

Il y a quelques mois, l’envolée du prix de l’énergie faisait tousser l’agriculture toute entière. Aujourd’hui, les cours sont retombés, mais la question reste dans un coin de la tête des agroéconomistes. Car plus encore que la mécanisation, c’est l’abondance d’énergies bon marché qui a forgé l’agriculture d’aujourd’hui. « Cela a été le déclencheur de la mécanisation et de l’intensification de la production », fait remarquer Marc Benoît, directeur de recherche à l’Inrae à l’occasion des journées 3R (Rencontres recherches ruminants).

« La hausse du coût de l’énergie a montré qu’elle occupait une place importante dans les fermes, avec de très lourdes incidences sur les coûts des intrants », poursuit le chercheur. Au premier semestre 2022, le prix du carburant était 70 % plus élevé qu’à la même période en 2012. Même constat pour le prix des engrais, avec une hausse de 100 %. Le prix de l’aliment concentré affiche quant à lui une hausse de 45 %. Depuis, les prix se sont tassés. Au premier semestre 2024, le carburant étant « seulement » 38 % plus cher qu’au premier semestre 2014. Mais la raréfaction des ressources fossiles, couplée à des hausses de prix durables, pourrait très bien rebattre les cartes.

L’élevage au moins six fois plus exposé que les cultures au risque énergétique

« L’efficience énergétique des bovins est faible », constate Marc Benoît. Autrement dit : il faut beaucoup d’énergie pour avoir un nombre donné de kilos joules d’origine animale. « Il faut 6 à 12 fois plus d’énergie qu’en grande culture pour produire un méga joule de denrée alimentaire », détaille le chercheur dans ses travaux.

La majeure partie de l’énergie est utilisée par la production de fourrage, car pour avoir de la viande, il faut nourrir la vache longtemps ! « Les trois quarts de l’énergie utilisée correspondent à l’alimentation, que ce soit via les dérivés pétroliers pour faire fonctionner les machines, ou les engrais azotés utilisés pour fertiliser les terres ». En bref, cela veut dire que l’élevage est au moins six fois plus exposé au risque énergétique que les grandes cultures.

Encore une fois, tout est question de système. Dans ses travaux, Marc Benoît montre que les éleveurs en système herbager affichent une consommation d’énergie par litre de lait 17 % inférieure à celle du groupe maïs herbe. Mais globalement, difficile de produire autant avec moins d’énergie. « Le report massif de l’élevage sur ce type de ressources peu coûteuses en énergie conduira à une baisse importante des volumes de produits animaux », tranche l’agroéconomiste.

La grande culture en proie à la hausse du coût des engrais

Pas question pour autant de faire une croix sur l’élevage. Si les animaux consomment de l’énergie, ils sont également producteurs d’effluents. Et les cultures ont besoin d’azote ! Près de la moitié de l’énergie utilisée par une exploitation en grandes cultures sert à la production des engrais. Le carburant est loin derrière, couvrant seulement un cinquième des besoins en énergie en kilojoules. « Cela illustre vraiment la complémentarité entre élevage et cultures », résume le chercheur. L’un a besoin d’azote et de matière organique, l’autre valorise en protéines animales les aliments non digestibles par l’homme.

« Je pensais que le système de grandes cultures traditionnel allait au-devant de grandes difficultés avec la hausse des prix des engrais, mais l’augmentation du prix des céréales a en partie compensé celle des intrants. Difficile pour autant d’estimer si ce type de compensation pourra tenir à l’avenir », indique Marc Benoît. Et pour cause, le problème de l’énergie, c’est que le consommateur ne l’utilise pas que pour se nourrir. « On a du mal à imaginer une hausse du coût de l’énergie sans impact sur le pouvoir d’achat. » La hausse du prix de la viande pourrait alors ne pas tout à fait suivre celle du coût de l’énergie.