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Transport des animaux vivants : le projet de loi européen inquiète la filière


TNC le 12/12/2024 à 11:51
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Le projet de loi européen sur le transport des animaux vivants est actuellement en discussion au sein des différents Etats membres. (© ©Stéphane Leitenberger, tous droits réservés)

Alors que la France étudie le projet de loi européen sur le transport des animaux vivants, un syndicat de transporteurs alerte sur les conséquences du texte pour la filière bovine. En l’état, les injonctions sur le dimensionnement du chargement des camions, et les restrictions de durée horaire des tournées pourraient avoir un impact conséquent sur la logistique des filières viandes.

Le 7 décembre 2023, la Commission européenne présentait son projet de loi sur le transport des animaux. Un texte qui s’inscrit dans la stratégie Farm to Fork portée par Ursula von der Leyen. Parmi les mesures phares figurent des restrictions sur le transport des jeunes veaux, mais également de nouvelles normes sur le dimensionnement du chargement des bétaillères. Alors que le texte est redescendu pour consultation au sein des États membres, le conseil de métier transport d’animaux vivants de l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) dénonce des mesures pas toujours très réalistes, qui « mettraient en péril la soutenabilité économique de l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière viande ». L’objectif du syndicat : sensibiliser les rapporteurs du texte pour assouplir certains points.

Le transport à étages en péril

Car le syndicat a un problème de taille. Dans son projet de loi, la Commission plaide pour une augmentation de la hauteur minimale des étages de bétaillère. Une mesure qui rendrait impossible le transport de certains gros bovins sur deux étages. « On nous demande d’avoir 20 cm de plus au-dessus des vaches ou des grands bœufs. Ça n’est pas réaliste », tranche Mathieu Langevin, président de la section transport d’animaux vivants au sein de l’OTRE. Et pour cause, les transporteurs de bestiaux comptent déjà parmi les véhicules les plus hauts de la flotte française. « On roule actuellement avec des camions de 4 m, que l’on peut rehausser à 4,5 ou 4,6 m pour les grands animaux. Il n’est pas envisageable de monter à 5 m. Ça serait trop risqué pour les chauffeurs », estime le transporteur, déjà forcé de calculer ses itinéraires en fonction des hauteurs de ponts.

Pour appliquer le projet de loi en l’état, les transporteurs n’auraient d’autre choix que d’abandonner les étages pour le transport de certains gros bovins. Et entre renouvellement de la flotte de camion, et impact logistique, « une telle mesure aura d’énormes conséquences financières sur la filière toute entière », estime Mathieu Langevin.

Diminution de la densité lors du transport

Autre mesure dans les tuyaux : la réduction de la densité d’animaux. « Actuellement, on peut mettre 36 gros bovins (plus de 750 kg) sur un camion avec 65 m² au sol sur deux étages. Le projet de loi nous ferait descendre à 22. Pour nous, ça ne change rien, nous facturerons le trajet au même tarif car les charges restent les mêmes, mais ça va forcément peser à un moment sur la filière ». L’organisation professionnelle n’est toutefois pas contre des allégements de densité « avec les densités actuelles, on peut parfois être en surcharge. Nous ne sommes pas fermés à des évolutions, le bien-être animal est une cause importante, mais il faut garder en tête qu’il y aura des conséquences sur les prix », insiste Mathieu Langevin.

Des temps de transport davantage encadrés

Le projet de loi prévoit également une refonte du mode de calcul du temps de transport. « Actuellement, on prend en compte le temps de conduite du conducteur. Le nouveau texte est pensé dans une autre logique, qui vise à limiter à 9 h le temps de présence des bovins dans le camion en route vers l’abattoir. Sur le papier, c’est une bonne idée, mais c’est compliqué à mettre en place sur le terrain », estime le transporteur. En gros bovins, les bétaillères passent parfois par deux, trois, quatre fermes ou plus pour obtenir un chargement complet. Combiné aux coupures réglementaires en milieu de trajet, le syndicat craint que les entreprises soient restreintes dans leurs voyages. « On estime qu’on ne saura pas faire des tours de plus de 450 km, alors qu’aujourd’hui on arrive parfois à monter jusqu’à 700 km ».

À voir comment intégrer ces contraintes à l’échelle de la chaîne logistique tout entière. « L’abattoir est donneur d’ordre, et fait qu’on s’approvisionne parfois sur des zones très larges. Il y aura sûrement une réflexion à avoir pour rationaliser l’approvisionnement de certains sites ».

Le syndicat espère être entendu par les rapporteurs

« Nous avons présenté tous ces arguments au Ministère de l’Agriculture. Nous avons bon espoir d’avoir des adaptations, d’autant que beaucoup de ces contraintes sont partagées par nos confrères européens », tente de rassurer Mathieu Langevin. Mais difficile pour lui d’être totalement serein, « l’un de deux rapporteurs du texte se revendique animaliste, et est également sensible à d’autres arguments… À voir comment nos observations seront retranscrites à Bruxelles ».

Le syndicat a également profité des échanges pour mettre sur la table la question de la responsabilité du doneur d’ordre au chargement. « À partir du moment où la bête monte dans le camion, nous sommes responsables de tout. Mais il y a souvent des blessures ou des gestations dissimulées… Vu les horaires de chargement, il n’est pas toujours évident pour les conducteurs d’identifier des holsteins gestantes… Nous aimerions davantage de partage de responsabilité dans la filière ».

Pour le reste, difficile de se prononcer sur les échéances. « Le projet de texte est dans les tuyaux, mais les discussions avancent plus ou moins vite selon les pays qui prennent la présidence de l’Europe. Les Portugais ont plutôt porté le projet, la Belgique a mis un frein… Ce sont des travaux au long cours, mais il faut rester vigilant. On a tendance à trop attendre que les textes nous tombent sur le coin du nez pour réagir, mais une fois que c’est voté, c’est bien souvent trop tard ».