Menacée par le Prosecco, la Clairette de Die réduit la voilure
AFP le 14/12/2024 à 11:05
Même pour les fêtes, la Clairette de Die ne séduit plus les consommateurs qui lui préfèrent le Prosecco, au point que de nombreux producteurs de ce vin emblématique de la vallée de la Drôme envisagent d'arracher des pieds de vigne.
La production de ce vin pétillant naturel, sous appellation d’origine protégée depuis 1942, représente 1 600 hectares, essentiellement concentrée sur les contreforts du Vercors sud, entre 200 et 700 mètres d’altitude.
Nettement moins cher que le Champagne, autour de dix euros la bouteille, il a longtemps représenté une alternative économique pour les apéritifs de Noël ou de la Saint Sylvestre.
Mais depuis quelques années, « les gens boudent la clairette, notre clientèle traditionnelle vieillit et les jeunes n’achètent pas assez », déplore Jérôme Vincent, viticulteur à Barsac. « On stocke plus qu’on ne vend. Nous sentons que ça tire. »
Le boom des « pet’ nat’ » ou vins pétillants naturels, tels que le Prosecco remis à la mode dans les cocktails Spritz aux tons orangés parfaits pour Instagram, a paradoxalement coûté cher à la Clairette de Die et au Crémant de Die (nouvelle appellation de la Clairette demi-sec et brut).
Cette mode aurait pu leur servir de tremplin mais ces vins français peu alcoolisés n’ont pas réussi à renouveler leur image. Ils souffrent aussi d’un déficit de notoriété à l’étranger, leurs ventes à l’international ne représentant qu’à peine 15 % des ventes.
Dans ce contexte, le syndicat de la Clairette envisage une réduction de 20 % de sa production. Soit 300 hectares de vigne promises à l’arrachage.
Franck Monge, maire de Vercheny et lui-même producteur de Clairette ne cache pas son inquiétude : « Si vous enlevez la Clairette, il ne reste rien.
Ici la terre est pauvre, on est en montagne, il n’y a bien souvent que la vigne qui pousse. » « Un hectare de vigne, c’est un emploi », martèle-t-il, en espérant que les viticulteurs « continuent à produire et exporter, sinon ça va plomber l’économie. »
« Marketing »
« Côté ministère, on a obtenu une prime d’arrachage de 4 000 euros à l’hectare », note de son côté Fabien Lombard, président du syndicat de la Clairette et viticulteur à Suze. Sur ses 17 hectares de vigne, ce producteur prévoit d’en arracher deux, « parmi les plus anciennes parcelles, ou les plus difficiles à travailler ».
Pour lui, il s’agit surtout de corriger une crise de croissance. « Nous avons planté beaucoup trop de vignes, il faut corriger le tir ».
En réalité, la consommation de la Clairette stagne depuis 2018, et ne redécolle pas. Un petit pic à +4 % des ventes en juillet a ainsi vite été corrigé.
« Le mois d’août n’a pas été aussi positif », concède Guillaume de Laforcade, directeur général de la Cave Jaillance, premier producteur de Clairette de Die avec 1 191 hectares de vigne, 210 viticulteurs et 8,5 millions de bouteilles produites chaque année.
« Dans le moment actuel, il faut trouver son équilibre entre nos ventes et nos stocks, on ne peut rentrer le raisin que lorsqu’on sait être en capacité de vendre », dit-il.
Pour contrer ce mauvais vent, Jaillance prévoit un investissement massif vers de nouveaux marchés sur le secteur des bars-restaurant mais aussi sur le secteur du cocktail. Et pour Noël, la maison a sorti le grand jeu avec des livraisons offertes, des bons cadeaux et des cuvées spéciales.
Du côté du syndicat de la Clairette, on mise aussi sur la communication.
Histoire d’expliquer qu’il existe un Prosecco made in France, bon et pas cher « et produit localement dans des bonnes conditions, pas comme le Prosecco dont on ne connaît pas les conditions de production », ajoute Fabien Lombard.
Le viticulteur Jérôme Vincent abonde : « Il y a une place pour la Clairette, à condition de mettre le paquet. Aujourd’hui, il n’y a que le marketing qui permet de se démarquer. »