La Coopération agricole, une valeur sûre dans des temps obscurs ?
TNC le 19/12/2024 à 16:51
Alors que le nouveau gouvernement se fait attendre et que les mesures en faveur du monde agricole se voient régulièrement reportées, le congrès de la Coopération agricole a tenu à mettre l’accent sur le collectif en tant que « clé de la réussite » pour construire l’avenir.
Si l’instabilité politique vient s’ajouter aux difficultés de fond du monde agricole, il est indispensable de « mieux coopérer pour retrouver des voies communes », a rappelé Dominique Chargé, président de la Coopération agricole, en introduction du congrès de son organisation le 18 décembre, à Paris.
La coopération a en effet permis, par le passé, de réaliser de grands progrès, sur le plan agricole mais également social. Pour autant, les formes de l’engagement sont aujourd’hui en profonde mutation, jusqu’à remettre en cause la validité du modèle coopératif. Ce dernier est-il encore capable de construire un avenir résilient, et désirable pour les générations futures ?
Un engagement qui devient individuel et ponctuel
Aujourd’hui, l’engagement collectif n’est plus une évidence. Les Français continuent cependant à s’engager mais de façon plus individuelle, et de moins en moins dans la durée, constate Adelaïde Zulfikarpasic, directrice générale de BVA Xsight. « On ne réussit rien sans être ensemble, mais on a de la difficulté à créer ces conditions de l’ensemble », poursuit-elle.
Il est d’autant plus complexe, pour les coopératives, de se différencier que les grandes entreprises « se sont mises à capturer les discours d’engagement qui étaient le propre des coopératives » et, en parallèle, « les acteurs coopératifs ont de leur côté traduit leur engagement en langue corporate », explique Raphaël Llorca, co-directeur de l’observatoire des marques de la fondation Jean Jaurès.
Quels atouts des coopératives ?
Pourtant, sans engagement, pas de coopération. Mais le modèle coopératif n’est pas exempt d’atouts. « Le modèle démocratique protège, en ce qu’il n’est pas dépendant de la volonté d’un seul dirigeant qui suivrait la tendance du moment », estime Raphaël Llorca. « Vous allez être de plus en plus rares à défendre authentiquement un discours d’engagement », ajoute-t-il.
De la même façon, « les coopératives s’approprient les changements de la société beaucoup plus vite », grâce à ce processus démocratique. « On intégrera plus de gens dans nos coopératives s’ils voient que la délibération est continue. C’est une opportunité à saisir », souligne Jérôme Saddier, président du Crédit Coopératif et de Coop Fr.
Sur les territoires, les coopératives ont l’avantage de la souplesse, de l’adaptabilité au terrain, estime de son côté Loïg Chesnais Girard, président de la Région Bretagne. Aujourd’hui, dans un contexte de mutation pour le monde agricole, les coopératives constituent également une force pour réussir la transition. « Face au changement climatique, chaque exploitation ne pourra pas faire face seule aux investissements », explique le politologue Jérôme Fourquet, qui met en avant la force du collectif.
« Créer du consensus sans compromission »
Les calculs politiciens ont désormais raison du bien commun, déplore Dominique Chargé en conclusion du congrès, et pourtant, « créer du consensus sans céder à la compromission, c’est possible, ça s’appelle la coopération », salue-t-il.
Une coopération qui devrait être plus rapprochée avec le monde agricole et ses organisations, alors que le décrochage de l’agriculture française se poursuit, constate-t-il, après des années passées à alerter à ce sujet. Le président de la Coopération agricole appelle le nouveau Premier ministre à donner un cap et une vision au secteur agricole, à travers plusieurs leviers : la simplification administrative, le patriotisme économique valorisant l’origine France dans les cantines, l’investissement dans l’entrée et le milieu de gamme sans laisser « les normes et les radicalités » étouffer l’initiative. Enfin, Dominique Chargé rappelle l’importance de mettre fin à la séparation de la vente et du conseil, véritable frein à l’accompagnement des agriculteurs dans la transition, estiment les coopératives.
Pour mettre en avant leurs revendications et l’acuité de leur modèle, la Coopération agricole pourra en tout cas s’appuyer sur 2025, proclamée année internationale des coopératives par l’ONU.