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Bovin viande : les OS prennent les taureaux… sans les cornes !


TNC le 08/01/2025 à 05:49
Vachessanscornes

Les OS Charolais, Blond, Limousin, Salers et Aubrac expliquent comment ils travaillent la problématique du sans cornes. (© TNC)

Pionniers du sans cornes français, le Charolais a été la première race allaitante à essayer de dompter le gène « polled », suivi de près par les OS Limousins et Blonds. Avec plusieurs années de sélection à leur actif, tous trois proposent une gamme de taureaux sans cornes de plus en plus étoffée. Et même les races rustiques s’y mettent, avec des taureaux sans cornes au catalogue pour les races Aubrac et Salers.

Et si la génétique était une solution à l’écornage ? Parmi les cinq grandes races allaitantes françaises, le sans cornes à la côte. Toutes présentent une offre plus ou moins développée de taureaux « polled », et les animaux porteurs du gène occupent une part de plus en plus importante dans les effectifs raciaux.

Difficile pourtant d’imaginer tous les bovins chauves à l’avenir. S’il y a des demandes pour le sans cornes, les organismes de sélection insistent sur l’importance de conserver des lignées cornus afin de maintenir de la diversité génétique au sein des races. 

Le Charolais travaille le sans cornes depuis les années 90

En 1967, sur l’élevage Jumentier dans le Val d’Oise, sont nés les premiers Charolais sans cornes. Mutation spontanée ou croisement avec une race étrangère ? L’histoire ne le dit pas. Mais ces premiers individus, repris par l’élevage Boiret, ont servi de base pour la sélection sans cornes. « Gènes Diffusion, comme nous (Charolais Univers) avons commencé à travailler le sans cornes dans les années 90 », explique Pascal Soulas, responsable du programme de sélection Charolais Univers.

Les premières diffusions sur les catalogues d’IA étaient autour de 2005. « En ce qui nous concerne, c’était avec des taureaux de M. Boiret. Roi Charol, et ses fils UT de Reve et UT de Chance ». 

Les premiers individus étaient loin des standards traditionnels du Charolais. « Nous sommes sur une race à gros potentiel de croissance, alors forcément, les veaux décrochaient un petit peu ». Les qualités maternelles laissaient aussi à désirer. « Il était difficile de travailler les gènes d’intérêt, sans faire rentrer des choses dont nous ne voulions pas dans la race, comme le gène culard », détaille Pascal Soulas.

Mais la transplantation embryonnaire a permis d’accélérer l’affaire. « On a pu recruter les meilleures femelles, les rentrer en station et les accoupler avec les taureaux cornus. Grâce au tri d’embryons, on a eu rapidement des animaux sans cornes proches des standards charolais ».

Si bien qu’aujourd’hui, Charolais Univers pose 25 à 30 % d’animaux sans cornes lors de ses mises en place. Une engouement qui s’explique par le niveau génétique des taureaux polled actuellement disponibles. « On ne fait plus du sans cornes simplement pour le sans cornes, il faut que les qualités de race suivent » tranche Pascal Soulas.

« Aujourd’hui, l’offre égale la qualité des cornus, avec des taureaux Super Naissance, comme Penny P, ou des produits au profil plus viande, comme Teddy PP ou Traille P. Pour la mixité, opter pour Riboul P ou Rio P » conseille le sélectionneur. Pour les éleveurs sélectionnant sur du type élevage, Pascal Soulas conseille « Oriflam PP est disponible sur les génisses, et Playboy P sur les vaches ». 

Il faut garder de la diversité pour créer de nouvelles lignées

Mais attention, la race n’a pas vocation à se débarrasser des cornes. « Il faut garder de la diversité », insiste le sélectionneur. Et pour cause : les vendeurs de génétiques misent sur les animaux cornus pour créer les lignées sans cornes. « On arrive à diversifier les origines sans cornes en fabriquant des hétérozygotes à partir de bonnes lignées cornues ». D’autant que le sans cornes n’est pas forcément recherché par tous les éleveurs « il y en a qui sélectionnent sur d’autres critères », rappelle Pascal Soulas.

Le Herd Book Charolais a entrepris de tester systématiquement les animaux génotypés afin d’identifier la fréquence de la mutation « sans cornes » au sein de la population. Parmi les cheptels faisant appel au HBC, le taux de porteurs du gène polled (homozygote ou hétérozygote) est des 19,6 %, et la fréquence allélique est de 12,8 %. Une tendance en progression ces dernières années.

Les porteurs homozygotes restent toutefois peu nombreux : seulement 3,4 % de la population analysée par le HBC

5 % des Limousines inscrites ont des origines sans cornes

L’histoire de la Limousine sans cornes a débuté au début des années 2000, avec l’importation de doses de taureaux nord-américains. « Aux États-Unis, ils n’ont pas du tout le même rapport au livre généalogique que nous, on peut trouver des Limousines noires si l’on cherche un peu », sourit Julien Mante, directeur technique chez France Limousin Sélection. Ces excentricités ont toutefois permis à la race de trouver des taureaux proches des standards français ayant intégré le gène sans cornes depuis l’Angus. Mais le projet a longtemps vivoté. « Les produits de ces taureaux n’étaient pas des champions », concède le sélectionneur.

En 2014, l’OS a pris le taureau par les cornes, et proposé des protocoles de sélection pour garder les avantages du sans cornes, sans les inconvénients : « on ne veut pas des culs pointus, ni des bassins étroits de l’angus et encore moins des qualités maternelles médiocres ». Ainsi l’OS préconise d’accoupler les filles de taureaux sans cornes avec des taureaux cornus sur quatre générations. « Cela permet, in fine, d’avoir des animaux sans cornes avec plus de 96 % de sang limousin ». Un processus efficace, mais long ! Depuis les années 2000, il aura fallu attendre 20 ans pour avoir des animaux disponibles pour véritablement démultiplier la génétique.

40 % des élevages inscrits ont des animaux d’origine sans cornes dans le troupeau

Dix ans après, les animaux « polled » commencent toutefois à se démocratiser dans les rangs limousins. « En 2020, on a estimé que parmi les 100 000 vaches détenues au HBL, on avait dans les 5 000 vaches avec des origines sans cornes ».

Les têtes nues sont recherchées. 40 % des élevages adhérant au HBL ont des animaux d’origine sans cornes dans le troupeau, et un petit nombre de naisseurs se spécialise dans cette branche.

D’autant que la génétique polled commence à proposer des produits intéressants à la reproduction. « Nous avons maintenant des offres solides, avec des taureaux qui ont été testés sur descendance », poursuit le directeur. « Vous pouvez avoir 400 taureaux sans cornes, si tous les produits vont à la boucherie, ils ne font pas évoluer la race ».

Parmi eux, Obsum PO. Sorti en 2024 de la station d’évaluation de Moussours, il a obtenu à la fois les labels qualités maternelles et aptitudes bouchères. « Chaque année, Créalim évalue une dizaine de taureaux, et la politique est de sélectionner les meilleurs taureaux, indépendamment des cornes », avertit Julien Mante. En bref, pas question de laisser la place d’un cornu à un animal sans cornes qui n’afficherait pas un potentiel au moins équivalent.

En Blond, la transplantation embryonnaire a fait progresser le gène rapidement

La Blonde d’Aquitaine s’est attelée à la question du sans cornes en 2008. « Nous sommes partis au Danemark acheter des doses de taureaux d’homozygotes non cornus », détaille Pierre Etchecopar, technicien Blonde d’Aquitaine chez Auriva. Une vingtaine d’embryons ont alors été posés sur des vaches à fort potentiel pour faire naître les premiers individus sans cornes hétérozygotes français. « La race a fait le choix de passer par Auriva pour le développement du sans cornes afin de mettre en place une démarche collective. L’idée était de ne pas faire prendre de risque aux éleveurs » précise Raphaël Beteille, apprenti au sein de l’OS Blonde d’Aquitaine. 

D’années en années, le sans cornes s’est développé. « Nous avons fait des contrats avec les éleveurs pour racheter les génisses les plus intéressantes ». Pour avoir rapidement des individus intéressants, la race a misé sur le transfert d’embryons. « Nous avons prélevé des embryons sur des femelles sans cornes, que nous avons associés à des doses de taureaux cornus, et nous n’avons posé que les produits qui nous intéressaient sur les porteuses ». Une manière de faire naître à coup sûr des animaux polled à partir d’une mère hétérozygote, et d’un père homozygote cornu.

Si bien qu’aujourd’hui, le gène tend à se développer. « Il y a un peu moins de 5 % des animaux inscrits porteurs du gène polled, et un intéret croissant de la part des éleveurs », décrypte Pierre Etchecopar.

Le premier taureau sans cornes a été présenté en 2018 au catalogue Auriva

La race commence à proposer de beaux produits. Un premier taureau hétérozygote, Ian, a été présenté au catalogue Auriva en 2018. « Nous étions sur des index moyens, avec un Isevr à 80 », se remémore le technicien. Aujourd’hui, les index des taureaux sans cornes ont été revus à la hausse. « Self, un taureau hétérozygote au catalogue est sorti premier en performance au contrôle individuel. Cela veut dire qu’il est au moins aussi bon qu’un cornu, l’on commence à avoir des animaux qui sont au niveau ». Aujourd’hui, Auriva propose deux taureaux homozygotes et trois hétérozygotes dans son catalogue. « C’est encore difficile d’avoir de très bons homozygotes, mais Relax a une indexation qui est positive ».

Pour le sélectionneur, il y a fort à parier que le gène soit de plus en plus présent dans les années à venir : « il y a beaucoup d’éleveurs qui sont intéressés, mais qui ne voulaient pas faire de concessions sur les qualités de race. Cela commence à être possible ».

Les premiers Aubracs sans cornes arrivés en France en 2018

« En race Aubrac, le sans cornes en est vraiment au commencement », explique Marion Vernoux, chargée de communication pour la race. Contrairement aux autres races, impossible d’importer des animaux sans cornes de l’étranger : il n’y en a pas. Un éleveur a donc monté un programme en Allemagne avec des Shorthorn x Galloway afin de les recroiser avec des taureaux Aubrac. Une manière d’avoir des Aubrac sans cornes par intégration au fil des ans. « Les premiers animaux sont rentrés en France en 2018, c’est donc assez récent ».

Depuis, un programme conduit par Auriva vise à poursuivre les travaux. « L’objectif est de diffuser des taureaux porteurs, mais avec de bons caractères en général et des critères morphologiques qui correspondent à ce qu’on attend d’un Aubrac ».

Nous n’avons pas volonté d’en faire un standard de race

En 2020, le premier taureau d’IA sans cornes est arrivé au catalogue. Aujourd’hui, les filles de son taureau ont quatre ans. « Nous avons trois taureaux d’IA, donc cela va permettre de faire des produits sans cornes tout en gardant de la diversité », commente Marion Vernoux.

Si les Aubracs sans cornes ont de quoi surprendre les puristes de la race, elles sont acceptées au livre généalogique. « Cela reste confidentiel, mais il y a de la demande. L’objectif, c’est de répondre aux éleveurs qui ne veulent plus écorner. Il n’y a pas forcément la volonté d’en faire un standard, mais c’est accepté ».

Des taureaux sans cornes au catalogue salers

Bien que les cornes en forme de lyre soient emblématiques de la race Salers, le groupe Salers Evolution propose des options pour le sans cornes. « Ça n’est pas forcément quelque chose qui est demandé par les éleveurs du berceau, mais il y a tout de même un public pour ce genre d’animaux », constate Corentin Paris, ingénieur génétique pour la race.

Un GIE Salers s’est penché sur la question il y a une quinzaine d’années. « La Salers s’est bien exportée vers le Canada ou le Royaume-Uni, ce qui nous a permis d’avoir un réservoir d’animaux non cornus », poursuit le généticien. Quatre taureaux sont ainsi à l’origine de la génétique sans cornes qui a marqué la population. Parmi eux, Joker Poll,  un taureau écossais qui est passé par 24 cheptels puis a été prélevé par le GIE Polled Salers. Valligan (issu de parents danois), Gizmo PP (issu d’embryon canadien) et Garou Poll (provenant d’un embryon Canadien) ont également contribué à disséminer le gène.

Le gène sans cornes reste marginal au sein de la race

Si bien qu’aujourd’hui, la race compte 172 animaux sans cornes parmi les quelque 3 000 animaux génotypés. Parmi eux, 21 sont homozygotes sans cornes. « Le sans cornes reste marginal » commente Corentin, d’autant que les animaux sans cornes sont peut-être sur représentés parmi les individus génotypés. « Il est difficile de suivre précisément la population, tous les éleveurs ne sont pas forcément inscrits ».

Des taureaux sans cornes sont toutefois accessibles en IA via l’UALC, Gènes Diffusion et Elitest.