Sur la Ferme de Maurepas, « 80 % des veaux naissent sans cornes »
TNC le 10/01/2025 à 05:07
Fatigués des odeurs de grillé à l’écornage, Nathalie et Luc Brouant ont fait le pari du Charolais sans cornes il y a dix ans. S’il était difficile à l’époque de trouver de bons reproducteurs « polled » (porteurs du gène sans cornes), les éleveurs sont parvenus à introduire le gène sans détériorer les qualités maternelles de leurs vaches. Riches d’une décennie de sélection, ils espèrent bientôt passer à 100 % de produits sans cornes.
Sur la Ferme de Maurepas, les Charolaises de Luc et Nathalie Brouant ont un petit truc en moins, et ça n’est pas pour déplaire aux éleveurs ! Depuis 10 ans, le couple eurois s’attelle à sélectionner des animaux sans cornes. Après une décennie d’effort, 50 % du troupeau de 36 têtes est naturellement sans cornes, ainsi que 80 % des veaux nés durant la dernière campagne.
Si le gène progresse doucement sur la structure, c’est parce que les éleveurs ne veulent pas détériorer le niveau génétique global du troupeau. « Longtemps, les taureaux sans cornes ont été moins bons que les autres », explique Luc Brouant, responsable d’exploitation sur la Ferme de Maurepas, pour UniLasalle.
Pour progresser, la race a eu besoin de quelques pionniers. « Le gène sans cornes a été introduit au schéma Gènes Diffusion charolais en 2003, mais pendant longtemps, on détériorait le potentiel des produits en utilisant ces taureaux », estime Julien Poussier, technicien bovin viande pour OrigenPlus. « Le gène sans cornes provient de l’Angus, mais la race écossaise n’a pas que du bon. Avant, les Charolais sans cornes n’avaient pas de bassin », ajoute l’éleveur, qui ne voulait pas se lancer dans le sans cornes au détriment de la facilité de naissance. Difficile également d’obtenir les croissances et conformations souhaitées sur les premiers produits.
Des taureaux sans cornes de plus en plus performants
Mais aujourd’hui, les taureaux polled n’ont plus à rougir. « Les processus de sélections sont aussi stricts pour les non cornus que pour les autres, et le génotypage a beaucoup aidé à faire progresser le sans cornes », confirme Julien Poussier. Si bien que la mode est lancée. « En 2017, nous faisions 7 % d’IA sans cornes en Charolais sur la région Normandie. Aujourd’hui, il représente 46 % des mises en place ».
Ainsi, sur les 10 taureaux d’insémination utilisés sur la ferme, 8 sont sans cornes. Et pour les rattrapages, le couple s’est offert les services de Ténor PP, un homozygote sans cornes arrivé sur la ferme l’année dernière. « Nous n’avons pas encore d’homozygotes parmi les mères, donc il y a encore un peu d’incertitude sur les naissances. Avec Ténor, on devrait avoir de beaux produits », apprécie l’éleveur. D’autant que les taureaux sans cornes deviennent des plaisirs accessibles. « Avant, il fallait compter dans le 10 000 €, ça n’était pas raisonnable. Aujourd’hui, on commence à trouver des animaux homozygotes autour des 5 à 6 000 € ».
Mais le but n’est pas de chercher l’homozygotie à tout prix. Ataxie, mais surtout facilité de naissance et recherche de qualité maternelle restent les priorités de l’éleveur. « Le sans cornes reste un plus, et l’objectif reste d’atteindre les 100 % de produits sans cornes à terme ».
Des animaux plus calmes
Car pour le couple, le sans cornes est plus qu’un confort. Rattachée à l’Institut Polytechnique Unilasalle, la Ferme de Maurepas a coutume d’accueillir des étudiants. « Nous avons beaucoup de visites pédagogiques sur la structure, et je trouve important d’avoir des animaux calmes. Avec le sans cornes, nous avons moins de problèmes de compétition ou de dominance dans les lots », ajoute Nathalie.
Je ne supportais plus l’odeur du fer à écorner
Autre avantage, les écornages sont de moins en moins fréquents. « L’idée du sans cornes est un petit peu venue du fait que je ne supportais plus l’odeur du grillé à l’écornage », confie l’éleveuse. « On s’est rapidement dit que s’il y avait des solutions génétiques pour éviter ça aux animaux, il fallait sauter le pas », ajoute son mari. Cette année, les éleveurs ont eu 7 veaux à écorner à la pâte.
Un plus pour la vente de reproducteurs
La génétique sans cornes a également été un plus pour la structure. « Nous croyons beaucoup en la polyculture élevage, et la génétique nous permet de maintenir un troupeau de Charolaises modeste, mais aux nombreuses plus-values », estime Luc Brouant.
Sur la ferme, le renouvellement est important : compter entre 37 et 43 % selon les années. Une manière de faire progresser la génétique et de vendre des produits intéressants. « L’année dernière, nous avons vendu 12 reproducteurs », souffle Luc, qui vend généralement des vaches pleines en plus de jeunes génisses.
Les éleveurs génotypent l’intégralité des laitonnes. Une manière de connaître le statut des animaux, et de certifier la généalogie. « C’est important d’avoir des garanties, parce que parfois, on voit des choses bizarres », concède Nathalie.
Parmi les meilleurs produits sortis de la Ferme de Maurepas figure Jackpot, un taureau présenté au catalogue Gènes Diffusion. Alors pour le couple, le sans cornes est aussi une manière de « se mettre à la page » pour la vente de reproducteurs. « Le niveau génétique, c’est ce qui permet à notre petit troupeau d’être rentable et de se maintenir », tranche Luc.