La Moselle, seule chambre d’agriculture indépendante face aux syndicats
AFP le 29/01/2025 à 17:00
C'est une exception en France : conduite depuis six ans par une liste non rattachée à un syndicat, la Chambre d'agriculture de Moselle mise sur son programme résolument local et apolitique pour remporter à nouveau le scrutin face à la toute puissante FNSEA.
Dans toute la France, où les élections aux chambres d’agriculture s’achèvent vendredi, la FNSEA contrôle 97 chambres départementales sur 101. Mais en Moselle, l’organisme est piloté par « Territoires et filières », une liste indépendante.
Sa tête de liste, Stéphane Ermann, revendique une action « au plus près des territoires », loin des « grandes questions » nationales et internationales, qui n’ont pas leur place selon lui dans un débat local.
« La Chambre d’agriculture, ce n’est pas un syndicat, il faut que tout le monde l’intègre. Notre objectif, c’est d’accompagner tous les agriculteurs et de les représenter auprès des institutions », défend cet éleveur ovin, actuel vice-président de la chambre.
Agriculteur à Romelfing, à 80 kilomètres au sud-est de Metz, Marc-Edouard Beck a bénéficié de cet accompagnement: grâce au développement d’une nouvelle filière de volailles dans le département, les poulets à cou nu noir, distingués par un label rouge, il a diversifié son activité et augmenté ses revenus.
« La Chambre a fait son boulot. Elle m’a énormément aidé, que ce soit administrativement, financièrement, ou même politiquement, parce que mes poulaillers, il fallait les insérer dans une commune qui était plutôt sceptique à la base », explique le producteur, qui dispose depuis 2022 de deux hangars d’une capacité de 4 400 volailles chacun.
De manière plus inattendue, le discours est également positif dans la bouche d’Olivier Rousselle, représentant des éleveurs de cette filière en Moselle. Il faisait pourtant partie de la liste FDSEA-JA défaite en 2019. L’épisode l’a laissé « très déçu », mais il salue le travail réalisé par la liste concurrente.
Développement de nouvelles filières
« La filière a été très bien suivie. Je félicite la Chambre pour ce qu’ils ont fait », reconnaît-il, « fier » d’avoir pu embaucher son fils sur son exploitation « grâce aux poulets ». Il rappelle néanmoins que la création de cette filière remonte à la mandature précédente (2013-2019), quand la Chambre était encore étiquetée FDSEA.
Parmi les autres réalisations à l’actif de la Chambre, Stéphane Ermann met en avant le « Plan Herbe » élaboré avec l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, le développement des circuits courts, la création de la coopérative Mos-Laine, pour valoriser localement la laine de mouton auparavant exportée vers l’Asie, ou encore les nouveaux débouchés pour le lait de chèvre, dont la production approche les trois millions de litres par an, « alors qu’il n’y avait pas un litre il y a six ans ».
« On est dans la conciliation, dans la proposition et dans l’accompagnement. On n’est pas là pour bloquer avec des bennes de fumier », se targue-t-il.
Et la méthode convainc, parfois jusque dans les rangs des opposants : plusieurs membres actifs des JA et de la FDSEA ont rejoint cette liste indépendante à l’occasion de l’élection.
« Dans cette équipe, on s’écoute, on se respecte », admet Jonathan Nondier, vice-président des Jeunes Agriculteurs de Moselle jusqu’en décembre. « On est tout bêtement un regroupement d’agriculteurs locaux. A la FNSEA-JA, il y a peut-être la moitié ou les trois-quarts du programme qui sont des directives nationales. »
La FDSEA dénonce l’isolement de la Moselle
A l’inverse, Fabrice Couturier, président de la FDSEA, craint « l’isolement » de la Moselle dans une région où les autres Chambres sont tenues par le syndicat majoritaire.
« Moi, je lutte contre la cacophonie. A la Chambre régionale, ils sont tous issus de la FDSEA-JA. On discute avec les institutions, c’est tout un groupe qui marche ensemble. Et on a des paysans qui ne veulent pas le comprendre. Je suis écoeuré d’une attitude comme ça », explique celui qui compte bien reconquérir la Chambre départementale.
Il balaie d’un revers de main le développement de nouvelles filières, « une goutte d’eau dans un étang », et s’inquiète plutôt des « entraves à la production » des grandes cultures, sur lesquelles « la Chambre est aux abonnés absents ».
Une approche que ne partage pas David Suck, vice-président du Conseil départemental, également agriculteur. « Les grandes filières, c’est l’autoroute : elles s’organisent depuis l’Europe, depuis les politiques nationales », estime-t-il. « Cette Chambre, ce qu’elle a réussi à faire, c’est la capillarité, l’aménagement du territoire. Parce que la Moselle, ce n’est pas la Creuse, la Marne ou la Picardie. »