Accéder au contenu principal

« Via le coaching : de la sérénité sur sa ferme, et dans sa vie personnelle »


TNC le 05/02/2025 à 04:53
deux-agriculteurs-travaillant-ensemble-adobe-stock-budimir-jevtic

Le but du coaching est « d'accompagner les chefs d'entreprise pour qu'ils atteignent leurs objectifs, avec une approche basée sur l'humain », précise Michel François, coach agricole. (© Budimir Jevtic, Adobe Stock)

Michel François, coach spécialisé en agriculture, explique l’intérêt du coaching pour accompagner les chefs d’exploitation, confrontés à des enjeux de plus en plus complexes et multiples. À travers une méthode basée sur l’écoute, le questionnement et la mise en œuvre de projets, il les aide à trouver des solutions à leurs difficultés qu'ils n'avaient pas encore explorées ou osé explorer. Une démarche qui fait ses preuves dans les transmissions d’exploitations agricoles.

Fort d’un parcours professionnel de 35 ans, de conseil et formation en chambre d’agriculture et centre de gestion principalement, Michel François a voulu mettre à profit son expérience terrain, au contact des agriculteurs, sur le plan des relations humaines notamment, en devenant coach agricole et lance, en mars 2020, la société Cresco Conseil près de Laon dans l’Aisne. Il est l’un des quatre membres du réseau Agricoaching, qui entend développer le coaching en agriculture, partout sur le territoire.

Il s’agit « d’accompagner les chefs d’entreprise pour qu’ils atteignent leurs objectifs, avec une approche basée sur l’humain, qu’ils dépassent leurs freins et retrouvent de la sérénité dans leur vie professionnelle et personnelle », peut-on lire sur son site internet www.crescoconseil.fr.

L’approche classique de l’entreprise ne suffit plus

Autrement dit : les aider à « s’adapter à leur environnement économique, dans leur manière de produire et de gérer leur exploitation, et à faire les bons choix sans stresser (changement de pratiques, de fonctionnement, de productions, de débouchés), de même qu’à améliorer la valorisation de leurs produits et leurs revenus, prendre du temps pour eux et leurs proches, fluidifier les relations avec les associés/salariés : renforcer l’esprit d’équipe, désamorcer les conflits, etc. ».

Pour Michel François en effet, « une vision classique de l’entreprise ne suffit plus » : « les choix stratégiques auxquels sont confrontés les exploitants sont de plus en plus complexes, d’autant qu’ils doivent tenir compte aujourd’hui de l’épanouissement personnel et de la vie de famille. » L’environnement aussi se complexifie, avec la volatilité des prix et des marchés, les aléas climatiques… Le coaching permet de prendre du recul.

« Mon rôle n’est pas de donner la solution, mais d’aider à la trouver »

« Malheureusement, j’interviens beaucoup en curatif, quand les problèmes sont bien installés et qu’il est plus difficile de les résoudre, qu’en préventif », explique Michel François. De nombreux agriculteurs ne connaissent pas le coaching, n’osent pas, ou ne voient pas son intérêt. Ils restent dans une situation compliquée alors que souvent, des solutions existent, et certaines sont simples à mettre en place. « L’approche est proactive. Mon rôle n’est pas de les fournir sur un plateau, met en avant le coach. Mais d’amener les exploitants à les trouver par eux-mêmes, pour qu’ils puissent plus facilement se les approprier. »

Il procède par questionnement, en s’appuyant sur différents outils (tels que l’analyse transactionnelle) et l’écoute active pour, dans un premier temps, leur faire prendre conscience de leurs difficultés et de ce qui est important pour eux dans chaque problématique évoquée, sans négociation possible, et ce sur quoi ils peuvent transiger ou pourraient renoncer. Ce qui renvoie aux valeurs de chacun. La finalité, derrière : faire émerger des propositions d’actions. Michel François propose alors un accompagnement pour leur mise en œuvre.

« Redonner confiance, assurance, autonomie »

Autre principe : travailler en mode projet, en partant des succès professionnels des producteurs, de leurs propres forces, pour garantir les conditions de réussite et faire naître de nouvelles idées. Et, ensuite, les formaliser, les structurer, les prioriser, ce qu’ils ont généralement plus de mal à faire. « Cette méthode permet de redonner de l’assurance, de la confiance, de l’autonomie, précise-t-il. Tout le monde a un projet en lui, et le révèle ou non. La démarche va faciliter cette révélation, en créant un état d’esprit propice et en vainquant les timidités. »

Et d’ajouter : « Avant de commencer tout coaching, il importe de s’assurer que le projet en question est bien celui de notre interlocuteur, pas celui de son associé, ou son père en train de lui transmettre la ferme. » « Contrairement aux rendez-vous que j’ai pu mener en chambre d’agriculture et a fortiori en centre de gestion, il faut accepter de ne pas savoir ce qu’il va se passer, de ne pas tout maîtriser, c’est ce qui est enrichissant », souligne le coach.

Les entretiens sont individuels, d’une heure et demie, et espacés d’une quinzaine de jours. Leur nombre peut varier de 2-3 à 10-12, et ils s’effectuent en présentiel ou en visio avec, à la fin de chacun, un compte rendu et des exercices et tests pour la prochaine fois. Au début, « j’explique le but de la démarche et les missions/places de chacun. Les objectifs sont fixés ensemble, de même que la durée de l’accompagnement, la fréquence des séances… »

Cresco Conseil suit aussi des groupes de personne travaillant ensemble, réalise des formations collectives et peut intervenir au sein des OPA, sur la clarification de projet, la communication et les aspects relationnels (gestion des ressources humaines, management, travailler en collectif, en famille), la cession d’exploitations agricoles.

Un quart des suivis pour des transmissions

Cette dernière représente une part substantielle de l’activité de l’entreprise, 20 à 25 % des clients (25 % la sollicitant pour clarifier un projet et un tiers autour d’un sujet relationnel ; la plupart prennent contact via Linkedin ou suite à un article de presse), et celle-ci progresse même. « L’idéal est de me contacter deux-trois ans avant de transmettre », conseille Michel François qui, au cours de sa carrière en chambre d’agriculture et centre de gestion, a accompagné 200 cédants et 400 futurs installés (ainsi que de nombreuses coopératives et Cuma).

En ligne de mire, ici encore, bien sûr : le projet, ici, de transmission d’exploitation et ce que les agriculteurs sont prêts à y apporter. Par exemple, vont-ils rester quelque temps auprès du repreneur ou se retirer tout de suite totalement ? « Construire un projet qui correspond au cédant et au repreneur : là est tout l’enjeu », pointe le coach qui déplore que de nombreux producteurs près de la retraite n’en aient aucun, et ne savent pas ce qu’ils vont faire quand ils auront cédé leur ferme, ce qui peut les empêcher de décrocher et être mal vécu par leur successeur. Il les incite donc à parler de leur ressenti face à la retraite, de ce dont ils sont fiers, etc.

Libérer la parole

Les rapports cédants/repreneurs sont loin d’être faciles, entre difficulté à lâcher du lest d’une part et besoin d’autonomie de l’autre, parfois encore plus entre parents et enfants, voire père et fils. Par ailleurs, « le conjoint, qui ne participe pas aux travaux agricoles, doit être associé à la réflexion et au plan d’actions, détaille-t-il. De même que les enfants qui ne reprennent pas. Ils ont quand même passé leur enfance à la ferme et peuvent ressentir un certain attachement, notamment vis-à-vis de la maison d’habitation. »

« Ainsi, ils adhèrent plus facilement aux décisions. Ils peuvent également avoir des suggestions intéressantes. Tous ont leur mot à dire, il faut leur laisser l’occasion de s’exprimer. Ces discussions au sein de la famille sont capitales, sinon on va au devant de tensions, qui peuvent mener à la rupture. » Michel François voit régulièrement des agriculteurs qui ne demandent pas l’avis des enfants n’ayant pas manifesté leur intention de prendre la suite. « Or, c’est essentiel qu’ils sachent ce qu’il va se passer, pour ne pas qu’ils se sentent écartés et au cas où leur position aurait changé. »

Donner des échéances, dire qu’on les tiendra informés est, par ailleurs, important. Surtout : il faut être clair. « Certains cédants reconnaissent que, sans ce coaching, ils n’auraient pas pris conscience de tous ces points primordiaux et n’auraient pas trouvé le bon repreneur. Ils ressentent une vraie tranquillité d’esprit. »