Plan Chlordécone : des progrès, mais « l’heure n’est pas au satisfecit »
AFP le 11/02/2025 à 12:15
« L'heure n'est pas au satisfecit » malgré des avancées dans la lutte contre les effets du chlordécone, a déclaré mardi à l'AFP Edwige Duclay, coordinatrice du plan Chlordécone IV, en présentant son bilan à mi-parcours en Guadeloupe.
Priorité absolue : réduire l’exposition à ce pesticide toxique, qui contamine encore plus de 90 % de la population antillaise, a-t-elle expliqué. Le chlordécone, utilisé contre le charançon du bananier, a été interdit en France en 1990 mais maintenu aux Antilles par dérogation de l’Etat malgré les connaissances sur sa dangerosité. Son impact sur la santé, notamment dans la prévalence du cancer de la prostate, est largement documenté.
« Notre priorité reste la lutte contre l’exposition à ce pesticide pour toutes les personnes concernées », a estimé Edwige Duclay, selon qui « si beaucoup de chemin a été parcouru » depuis le premier plan Chlordécone en 2008, « l’heure n’est pas au satisfecit ».
Doté de 130 millions d’euros sur six ans contre 92 millions pour le précédent, le plan Chlordécone IV (2021-2027) du gouvernement a déjà engagé 36 millions, a précisé Mme Duclay.
Il repose sur plusieurs mesures: analyses sanguines et de sols gratuites, prévention ciblée pour les femmes enceintes ou les personnes au taux de contamination dépassant 0,4 microgrammes par litre de sang, le seuil de surexposition fixé par les autorités. « On a aussi renforcé les contrôles des aliments et de l’eau potable et l’accompagnement des éleveurs et des pêcheurs », assure Edwige Duclay.
Le fonds d’indemnisation pour les professionnels atteints d’un cancer de la prostate a commencé à fonctionner, avec 13 dossiers acceptés fin janvier, selon l’association de défense des victimes des pesticides Phytovictime.
Mais les résultats restent limités. « On constate que la colère, compréhensible, autour de ce sujet est un frein aux actions de prévention », déplore Mme Duclay. Selon elle, moins de 5 000 personnes ont effectué un test de chlordéconémie en Guadeloupe et seuls 20 éleveurs ont rejoint le programme en 2024.
La suite du plan prévoit le financement de davantage d’études sur la santé des femmes et l’évolution de l’exposition au produit, tandis que la dépollution des sols, encore expérimentale, reste un défi majeur.
Selon un rapport publié par l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses) en 2023, près de 90% des populations de Martinique et de Guadeloupe sont contaminées au chlordécone.