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Une souveraineté alimentaire impossible avec le modèle agricole existant


TNC le 17/02/2025 à 08:30
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Le modèle agricole et alimentaire français ne permet pas de nourrir toute la population, explique Terre de Liens (© Adobe Stock)

Si la France dispose, en théorie, de suffisamment de terres agricoles pour nourrir l’ensemble de ses habitants, une partie de l’agriculture est tournée vers l’exportation, ce qui réduit considérablement les surfaces disponibles par habitant, et la possibilité d’atteindre la souveraineté alimentaire, souligne le dernier rapport de Terre de Liens.

Avec 28 millions d’hectares agricoles, soit 4 300 m2 par habitant, la France aurait la capacité de nourrir sa population, puisque 4 000 m2 sont nécessaires pour nourrir une personne au régime alimentaire actuel. Cependant, intégrée à un marché international, l’agriculture française est en partie tournée vers l’exportation de produits bruts (céréales, carcasses, etc.) dont la production utilise 43 % des terres arables, réduisant à 2 100 m2 par personne la surface disponible pour se nourrir, pointe le rapport 2025 de Terre de Liens. Pour compenser ce déficit, les importations s’avèrent donc indispensables.

Les faiblesses du système alimentaire actuel

Si les exportations réduisent les terres disponibles, d’autres facteurs rendent aujourd’hui la souveraineté alimentaire difficilement atteignable en France. Ainsi, la spécialisation de la production, et la spécialisation géographique qui se sont accentuées au cours des dernières décennies ont renforcé le recours aux intrants importés (que l’on n’intègre pas à la balance commerciale française) et aux produits phytosanitaires.

A l’aval, trois-quarts des achats alimentaires des ménages sont réalisés dans les supermarchés, où les produits subissent une concurrence internationale. Sans compter les produits transformés, dont l’origine des ingrédients n’est pas toujours connue, rappelle Terre de Liens. Enfin, 70 % de la production agricole française est transformée, ce qui la rend dépendante des industriels.

Or, les outils de transformation ont grossi et se sont concentrés pour augmenter la rentabilité. Ils sont donc moins proches des exploitations agricoles, ce qui limite la possibilité de diversification.

Un accès difficile à la terre

En parallèle, le nombre d’agriculteurs ne cesse de diminuer, et les fermes qui ne sont pas reprises contribuent à l’agrandissement des exploitations existantes. « En 2022, l’actif moyen d’une ferme s’élève à près d’un demi-million d’euros, une somme impossible à rassembler quand on veut s’installer, sauf à s’endetter très fortement », rappelle Terre de Liens.

Or, ces fermes qui s’agrandissent ne sont pas « celles qui remplissent nos assiettes », car « augmenter la taille des fermes et réduire le travail humain incite à simplifier les systèmes de production, qui seront alors moins résilients face aux aléas climatiques et plus gourmands en intrants, en pesticides et en eau. Ce n’est pas vraiment le modèle plébiscité par la nouvelle génération, qu’elle soit issue ou non du milieu agricole : un tiers des nouvelles installations se fait en agriculture biologique et un tiers inclut de la vente en circuit court. Mais la majorité des terres qui se libèrent ne bénéficient pas à ces installations et viennent alimenter la concentration des terres et la financiarisation du secteur agricole », souligne le rapport. Cette dynamique cantonne souvent l’approvisionnement local au maraichage, qui demande moins de surface, mais restreint la portée de la relocalisation.

Mais l’objectif reste atteignable, à plusieurs conditions

Cependant, des études prospectives estiment que la Ferme France peut nourrir sa population « sans pesticides ni engrais de synthèse », et en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre (Afterres 2050). Un scénario qui nécessite de mettre en place des moyens ambitieux et de politiques publiques dédiées.

Pour Terre de Liens, cela doit notamment se traduire par une réorientation de la Pac vers « une politique agricole et alimentaire commune », une massification des installations agricoles, une participation citoyenne dans les instances agricoles, un renforcement du pouvoir des collectivités territoriales, souvent plus engagées dans la transition du système alimentaire, et dans l’attribution de moyens dédiés aux territoires.