Ration et minéraux : « les taries doivent être les VIP du troupeau »
TNC le 19/02/2025 à 05:03
Le tarissement, c’est un peu comme le passage au stand d’une formule 1. L’éleveur dispose d’un laps de temps donné pour réajuster la machine pour la course à venir. Les vaches doivent être chouchoutées avec une alimentation et une minéralisation précise pour démarrer la future lactation sur les chapeaux de roues.
« Une étude menée au Quebec montre que 22 % des réformes ont lieu dans les 60 jours suivant le vêlage », alerte Benoît Verrielle, spécialiste nutrition d’Avenir conseil élevage à l’occasion des réunions Hivernales organisées par l’entreprise. S’il est difficile de trouver l’équivalent français de cette donnée, la statistique interpelle. « J’invite les éleveurs à regarder leurs taux de réforme en début de lactation car c’est un indicateur de la qualité de la préparation au vêlage ».
Car s’il est bien une période durant laquelle il ne faut pas être économe, c’est le tarissement. Ce moment crucial conditionne le bon démarrage de la lactation. Régénérescence de la mamelle, développement du veau, qualité du colostrum ou encore mobilisation des ressources en calcium… Faire l’impasse sur la préparation vêlage peut coûter cher. Très cher même, « entre les frais vétérinaires et la baisse de production laitière, on estime que les maladies du péri-partum coûtent chaque année dans les 20 000 € à une exploitation de 100 vaches ».
Une ration bien encombrante
Autrement dit : c’est l’heure de jeter un œil à la ration des taries ! On conseille traditionnellement de les gérer en deux lots sur 40 à 45 jours pour les multipares, et 55 jours pour les primipares. Tout l’enjeu de la préparation vêlage est de conserver de la capacité d’ingestion alors que le rumen est de plus en plus comprimé par le veau à naître. « Si une vache ne mange pas, elle ne fera pas de lait », martèle le conseiller.
Durant la première phase, viser une ration encombrante et peu riche, qui aura pour effet de maintenir la taille de la panse sans engraisser. « On est sur un moteur qui tourne à bas régime », sourit Benoît. « On vise les 8 à 9 UFL pour le début de tarissement », ajoute Élise. Mais attention : pas de diète sévère. « La paille et l’eau, c’est fini », insiste Benoît. Compter un minimum de 14 kg MS pour les taries, et cela peut monter jusqu’à 18 kg MSI pour les bovins les plus productifs.
La seconde partie de la préparation intervient trois semaines avant vêlage. Le veau prêt à naître est alors de plus en plus exigeant pour la vache, et il est temps de réhabituer la flore ruminale à des rations plus riches en énergie et en azote. « On adapte le niveau de la ration au niveau de production des vaches. Si l’on vise 10 000 kg, on tourne dans les 10 UFL. Si on a des vaches à 11 000 kg, on peut monter à 11 UFL », détaille Élise Coudeville. Viser également les 12 à 14 % de MAT pour la ration de préparation vêlage en fin de tarissement.
Prévenir les troubles métaboliques
La fin de gestation et le début de lactation sont des périodes très exigeantes pour la vache. Pour l’aider à passer ce cap, il faut faire en sorte d’accompagner son métabolisme pour qu’elle bénéficie de tous les éléments nécessaires à sa bonne santé. Parmi eux figure le calcium. « On constate que 14 % des primipares font de l’hypocalcémie », note Élise Coudeville, conseillère élevage bovin chez ACE. Et les troubles métaboliques s’accentuent au fil des lactations : « 44 % des vaches font de l’hypocalcémie au deuxième vêlage, et 63 % au troisième vêlage ».
Dans certains cas, l’hypocalcémie peut donner lieu à des symptômes flagrants, tels que la fièvre de lait, mais elle est bien souvent silencieuse. « Les prélèvements sanguins montrent que la moitié des vaches en début de lactation sont en hypocalcémie subclinique », remarque Benoît Verrielle. Bien que presque physiologique au moment du vêlage, ce trouble métabolique n’est pas à banaliser. « L’hypocalcémie affecte les muscles lisses. Ça peut expliquer plein de petits troubles qu’on retrouve en début de lactation, comme des sphincters qui laissent passer le lait, ou des retournements de caillette — qui est un muscle lisse ». L’hypocalcémie peut également être un précurseur de cétose, via une mobilisation excessive des graisses qui engendre une hausse de la production de corps cétoniques. Autrement dit, mieux vaut mettre en place une stratégie de minéralisation pour les vaches taries.
Se pencher sur le BACA de la ration
Des solutions existent pour éviter de voir le taux de calcium sanguin chuter. « La première stratégie consiste à donner une ration pauvre en calcium — environ 60 g par jour — au tarissement pour habituer la vache à mobiliser le calcium osseux. Le tout avec un BACA faible — pas forcément négatif — qui va favoriser ce transfert », détaille Benoît. Autrement dit, on met la vache en condition de puiser dans les réserves du squelette.
L’autre option consiste à couvrir les besoins en calcium de l’animal, avec 140 g/j, mais de procéder à une acidification métabolique (BACA négatif) qui va permettre de stimuler la mobilisation du calcium osseux, et ce malgré des apports importants.
Mais pour viser une valeur de BACA de référence, il faut connaître la valeur des aliments. La complémentation azotée compte parmi les leviers : « le tourteau de soja présente un BACA de 327 mEq/kg, contre — 68 mEq/kg pour le tourteau de soja. Si on veut faire descendre le BACA, on peut se rabattre sur du colza pour la préparation vêlage », note Benoît. Noter également que l’herbe jeune, la luzerne ou encore le trèfle sont des aliments avec un BACA très positif. Enfin, des additifs acidifiants comme le chlorure d’ammonium, le sulfate d’ammonium peuvent aussi aider à modifier le BACA de la ration.
Attention également à bien maîtriser les apports en calcium via l’alimentation pour être en cohérence avec le BACA.
Ne pas négliger le bien-être
Mais la prépa vêlage n’est pas qu’une question de rationnement et de minéraux. « Le tarissement, ça n’est pas la punition. On ne met pas les vaches dans un coin sombre au fond du bâtiment », poursuit le conseiller, « on devrait presque leur réserver les meilleures places ». Ainsi même avec la meilleure des rations, il faut que les conditions soient réunies pour maximiser l’ingestion. « On devrait compter dans les 95 cm par vache à l’auge en prépa vêlage. Elles ont un ventre plus volumineux, une ration avec volumineuse qui contient plus de paille, il leur faut de la place », poursuit Benoît. Attention également à l’abreuvement qui conditionne également les volumes ingérés, « on doit retrouver un débit de 12 l/minutes à l’abreuvoir ».
Enfin, la préparation vêlage est l’occasion de mettre en œuvre tout ce qui permettra le bon déroulement de la lactation à venir : vaccin, déparasitage, parage, tonte… « Ce sont des VIP, il faut s’occuper d’elles », sourit le conseiller.