Passer au bio, « un challenge » qui permet « de reprendre les bases »
AFP le 25/02/2025 à 09:44
Après vingt ans d'utilisation d'intrants chimiques, l'arboriculteur Flavien Perdriel a décidé il y a quatre ans de sortir de sa « zone de confort » et de passer une partie de sa production de pommes en agriculture biologique, une manière de « réapprendre » son métier.
Dans son fief familial de Mesnil-en-Ouche (Eure), il a décidé de convertir 54 des 66 hectares de pommiers, emblématiques de la carte postale de Normandie. La production « conventionnelle » était « devenue peu à peu une routine », se remémore-t-il. À 40 ans, il se lance : « Je voulais opérer ce passage au bio car ce serait compliqué pour mes enfants, s’ils reprennent l’exploitation, de partir de zéro. »
Le passage de l’agriculture conventionnelle, qui permet l’utilisation d’engrais et de pesticides pour multiplier les rendements, à l’agriculture biologique, dans laquelle ils sont interdits, est un challenge : « Ça change tout le travail et peut-être même tout ce que j’ai appris à l’école, parce qu’on n’a pas été formés à ça il y a vingt ans. »
Fini le glyphosate, autrefois utilisé pour désherber au pied de ses pommiers. À la place, François Perdriel a tondu entre les pieds des pommiers avec une première tondeuse et entre les rangées avec une deuxième, qu’il a achetées avec d’autres agriculteurs du voisinage.
« J’y passe beaucoup plus de temps » : à une vitesse de 1,5 kilomètre par heure, « c’est très long de parcourir les 54 hectares » – environ 700 mètres de longueur par 700 mètres de largeur – en allers-retours. Il a dû embaucher un salarié pour faire face à cette charge de travail supplémentaire.
« Comme une crème solaire »
Faute de pouvoir utiliser un insecticide de synthèse, l’agriculteur de 45 ans a placé des pièges à parasites et recourt à un anti-puceron bio. À la place de produits fongicides conventionnels, Flavien Perdriel applique de la bouillie bordelaise, un traitement composé de sulfate de cuivre et de chaux.
Les produits bio doivent être appliqués plus régulièrement car ils sont plus rapidement lessivés avec la pluie, « comme une crème solaire dans l’eau ». Mais cette transition n’est pas sans coûts puisque les produits coûtent plus cher : ses dépenses ont augmenté de 50 % avec le passage au bio.
La gestion de la production est aussi devenue plus complexe. Les pommiers alternent entre des années prolifiques et des années moins abondantes. En conventionnel, un « produit chimique fait chuter les fleurs ou les pommes assez efficacement », pour stabiliser la production d’une année sur l’autre.
Les années de grosse production, il est désormais obligé de faire chuter mécaniquement l’excès de fleurs « pour que grandissent moins de pommes ». Puis, quand les fruits sont formés, une machine secoue le tronc pour en détacher quelques-uns.
« Un risque de crash »
Flavien Perdriel était prêt à assumer les conséquences et les coûts de ce passage mais la décision a quand même été « compliquée, en sachant qu’il y aurait aussi une baisse de rendement ». De 40 tonnes de pommes récoltées par hectare dans le passé, l’agriculteur biologique est descendu à une trentaine.
Les prix de vente « un peu plus élevés auprès de la coopérative », qui achète à un prix garanti vingt ans et transforme ses pommes en cidre ou en jus, permettent de couvrir « une partie des surcoûts » et des pertes.
Pour les hectares encore en cours de conversion au bio, il est aussi aidé par des prix de transition proposés par ses revendeurs, qui lui permettent de vendre un peu plus cher des pommes qui ne sont pas encore étiquetées bio mais en passe de l’être.
Les autres surcoûts sont absorbés grâce à la deuxième culture de Flavien Perdriel : 120 hectares de céréales, cultivées en conventionnel, faute de pouvoir se permettre de les passer en bio pour le moment. La moitié de ses revenus viennent de cette culture, alors qu’il y consacre seulement le tiers de son temps.
« Il y a un risque de crash au début du passage au bio mais c’est aussi intéressant de reprendre les bases » et de se rapprocher d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement, évoque-t-il parmi ses motivations. Au-delà des exigences techniques et financières du bio, Flavien Perdriel oriente des abeilles sur ses champs en déplaçant des ruches. Il plante aussi des haies pour permettre le retour des oiseaux.