Quelles nouvelles solutions pour le portage du foncier agricole ?
TNC le 04/03/2025 à 11:47
La question de l’accès au foncier est un levier déterminant pour accélérer le renouvellement des générations en agriculture. Pour répondre à cet enjeu, des formes de portage innovantes émergent et diversifient les possibilités d’installation des porteurs de projet.
Plusieurs innovations, qui sont le fait des Safer en région, ont ainsi été présentées lors d’une conférence organisée par la FNSafer le 25 février au salon de l’agriculture.
En Nouvelle-Aquitaine, deux dispositifs ont été mis en place. Premièrement, le stockage : « quand des propriétés sont prêtes à être transmises, on peut mettre sous cloche ce foncier, pour éviter qu’il parte directement à la consolidation d’exploitant ou sur des projets qui ne sont pas voués à l’agriculture », explique Paul Arnold, directeur adjoint de la Safer Nouvelle Aquitaine. Le foncier peut être stocké pendant trois ans, le temps que le jeune mûrisse son projet et termine son installation, pour une valeur maximum de 400 000 €. Le foncier est ensuite rétrocédé au prix d’acquisition, à la fin de cette période. Aujourd’hui, ce dispositif représente 5,5 M€ de terres en stock.
La Safer peut également acheter le foncier avec l’aide de la Région : pendant 5 ans, renouvelables, les terres seront mises à disposition du jeune en échange d’annuités qui viendront en déduction du prix d’acquisition, explique Paul Arnold.

En région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, les outils existants ne suffisaient pas, en lien avec une pression foncière très élevée qui s’explique par un tissu économique riche et dense. C’est ce qui a généré la création de Terre Adonis, une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) cofondée par la Safer Paca.
« On a proposé aux acteurs économiques du territoire de participer à la préservation de l’agriculture. Ils prêtent de l’argent via notre véhicule financier pour permettre l’installation d’exploitants agricoles. C’est Terre Adonis qui achète, puis on loue par bail à ferme de long terme, et on s’engage à revendre à notre porteur de projet, à un prix fixé dès le départ », explique Camille Gonzales, directrice déléguée au développement de la SCIC Terre Adonis. En quatre exercices, 10 propriétés ont été achetées et 4,5 M€ ont été levés.
Les fonds d’investissements
La Banque des territoires (Groupe Caisse des dépôts) finance de son côté des fonds de portage à moyen et long terme, via des organisations comme Terre de Liens, Fermes en Vie, mais aussi les Régions. « On investit dans ces projets, avec des actifs réels, à long terme, tout en étant très vigilants sur la capacité pour l’agriculteur de racheter le foncier », explique Linda Reboux, responsable d’investissements à impact au sein de cette structure.
Ces investissements représentent aujourd’hui une dizaine de millions d’euros, et devraient être complétés par 395 M€ du plan d’investissement France 2030, spécifiquement ciblés sur les dispositifs de portage foncier ou les fonds d’investissements pour les entreprises ou infrastructures, visant la transition des pratiques, la transmission des exploitations, et les transitions de filières pour favoriser la souveraineté alimentaire et l’attractivité du métier.
Nouveau lancement du fonds Elan
Enfin lancé le 27 février au salon de l’agriculture, le fonds Elan pourra également servir de levier pour le portage du foncier. Doté de 40 M€, il permet de mettre à contribution une partie de l’épargne des Français, pour un portage de foncier agricole d’une durée supérieure à 10 ans et pouvant aller jusqu’à 25 ans, en partenariat avec les Safer. Le fonds vise l’installation d’une centaine d’agriculteurs en trois ans sur des baux longue durée, avec la possibilité de devenir propriétaire des terres grâce à une option d’achat sur la base des conditions de marché.
Un nouveau fonds d'investissement de 395M€ pour l'agriculture !
Avec @BrunoBonnellOff et #France2030, nous avons lancé le fond Entrepreneurs du vivant.
Les trois premiers lauréats financeront du portage foncier pour des agriculteurs.Après le fonds pour les IAA de 500M€… pic.twitter.com/NpWbVtSe67
— Annie Genevard (@AnnieGenevard) February 27, 2025
Redonner envie aux propriétaires de louer le foncier
Néanmoins, « dans les 8-10 ans à venir, 150 000 agriculteurs vont partir à la retraite, chacun exploitant 60 ha en moyenne », rappelle Bruno Keller, président de la fédération nationale de la propriété privée rurale. Ainsi, les solutions innovantes évoquées seront insuffisantes pour renouveler les générations.
« Notre statut du fermage est fragilisé par l’évolution du monde agricole, on a besoin de le rafraîchir pour préserver cette sécurisation du foncier dans le temps, et nous avons un sujet de rémunération du propriétaire qui n’est pas suffisante au regard des risques », estime Maxime Buizard, membre du bureau de Jeunes Agriculteurs.
Une opinion partagée par Bruno Keller, qui évoque plusieurs points d’améliorations, notamment sur la reconductibilité des baux ou la préemption prioritaire par l’exploitant en place. « Il faut faire en sorte que les propriétaires aient envie de louer ce foncier et cela passe par des mesures pour rendre plus attrayant le statut du fermage aujourd’hui », insiste-t-il.
Pour autant, une réforme de ce type nécessiterait une loi foncière, un chantier délicat qu’aucun gouvernement récent n’a souhaité – ou osé- entamer.