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D’ici à 2050, la France pourrait perdre 40 % de son PIB agricole


TNC le 06/03/2025 à 17:30
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D'après le bureau T, 54 départements français représentant 42 % de la SAU se retrouveraient exposés en 2050 à « une profonde transformation de leur agriculture ». (© ahavelaar, AdobeStock)

« Sans une stratégie d’adaptation rapide et concertée, les effets du changement climatique, combinés aux tendances économico-sociétales, détruiront l’agriculture française » d’ici à 2050, alerte une étude présentée au Sia. Pour inciter à la concertation, elle dessine deux scénarios polarisés : un modèle libéral favorisant la compétitivité ou une gestion publique renforcée misant sur la résilience territoriale.

L’agriculture française risque de s’effondrer d’ici à 2050 si elle suit sa trajectoire actuelle, et pour l’éviter, il faut dès maintenant mettre en place une stratégie d’adaptation concertée. Ce sont les conclusions d’une étude présentée au Salon de l’agriculture et menée par le bureau T, cellule de conseil émanant de la caisse de dépôts et dédiée à « l’accompagnement des décideurs publics et privés dans leurs grandes transformations ».

Pour arriver à ce constat alarmant, l’étude a combiné les tendances liées au changement climatique (hausse des températures, stress hydrique…) et plusieurs tendances économico-sociétales comme la volatilité des prix agricoles, la hausse des coûts de production, les enjeux réglementaires, la concurrence internationale, la démographie agricole.

Filière par filière et département par département, elle a regardé l’impact que pourraient avoir ces tendances sur 24 cultures dédiées à l’alimentation humaine et représentant environ 80 % des productions végétales françaises.

Et pointe donc le risque d’un « véritable choc structurel », avec pêle-mêle des rendements plus faibles et moins prévisibles, une perte de compétitivité et une plus forte dépendance aux imports, une inflation des dépenses publiques, un risque accru de destructions d’emplois et de déprise agricole.

35 à 40 % du PIB agricole serait menacé d’ici à 2050, soit 15 milliards d’euros, dont la moitié liée aux effets du changement climatique.

Un tiers des cultures analysées sont jugées très vulnérables, notamment l’arboriculture, le maïs et le maraîchage. Et 54 départements représentant 42 % de la SAU se retrouveraient exposés à « une profonde transformation de leur agriculture », notamment dans la zone méditerranéenne… mais pas seulement.

(© Bureau T, SCET)

« Effet de mix »

« Certains territoires risquent de souffrir d’un « effet de mix » », précise Paloma Pardineille, directrice du bureau T. Comme l’Alsace, confrontée à la hausse des températures, à l’érosion de sols et à la multiplication des épisodes de canicule, mais aussi à un fort enjeu de transmission lié à la moyenne d’âge élevée des exploitants.

Certaines zones sont d’autant plus fragiles qu’elles sont dépendantes de cultures particulièrement vulnérables au changement climatique ou à la concurrence internationale : le chou-fleur en Bretagne, l’abricot en Auvergne-Rhône-Alpes, la vigne dans le Var, le melon en Occitanie, la tomate en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Pour éviter cette crise qui se profile d’ici à 2050, le bureau T incite à enclencher très rapidement une mutation du secteur agricole. Il estime que les solutions souvent évoquées face au changement climatique risquent de ne pas suffire.

Les migrations de certaines cultures vers le nord ont ainsi déjà commencé dans certaines filières mais « on ne peut pas engager des exploitants s’il n’y a pas le tissu économique qui va avec, il faut les fournisseurs à côté, les outils de transformation, la logistique adaptée à ces produits », reprend Paloma Pardineille.

Quant aux nombreuses démarches de diversification qui fleurissent un peu partout, « elles ont souvent du succès, mais ne sont pas menées à l’échelle nécessaire pour éviter la crise qui se profile à 2050 ».

Une planification qui embarque tous les acteurs

Pour « ne pas subir », l’étude incite donc à une planification qui embarque tous les acteurs de la chaîne de valeur, basée sur une grande discussion entre collectivités, État, entreprises et exploitations sur la fonction que la France veut donner à l’agriculture de demain.

Elle établit deux scénarios radicalement opposés de ce à quoi pourrait ressembler le secteur agricole français en 2050, « pas forcément souhaitables », mais illustrant la nécessité de se concerter dès maintenant.

Premier scénario : le « modèle de marché », qui mise sur la compétitivité et l’innovation privée. Autrement dit : l’État stoppe ses subventions, et ne subsistent que les filières qui auront une grande valeur ajoutée sur le marché international.

Un « rééquilibrage rapide et violent » qui fait disparaître les fermes familiales, efface les terroirs historiques et même l’identité agricole de la France, et qui impose de développer des politiques et des outils pour gérer les friches agricoles.

Mais « l’État peut aussi décider de sauver à tout prix l’agriculture et attend en contrepartie du secteur encore plus d’efforts pour la contribution à la transition écologique, la cohésion sociale, l’entretien des paysages ».

Dans ce second scénario, dit « de résilience territoriale », on assiste à un pilotage public accru des ressources, de l’aménagement et des filières : l’État renforce sa maîtrise du foncier agricole et forestier, et localement les collectivités financent des outils de production, de collecte et de transformation, ou encore des plateformes de distribution et vente.