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Des vaccins rares, mais essentiels pour protéger ses bovins avant la mise à l’herbe


TNC le 11/03/2025 à 05:16
VaccinationFCO

Pour le vétérinaire, la balance bénéfice/risque plaide en faveur de la vaccination, tant MHE et FCO impactent les performances zootechniques des animaux. (© Stéphane Leitenberger - AdobeStock)

La mise à l’herbe 2025 s’effectue dans un contexte sanitaire particulier. En plus des règles usuelles de biosécurité, les GDS recommandent de vacciner les animaux contre les FCO-3 et 8 ainsi que la MHE pour les bovins avant le départ en pâture. Une manière de bénéficier d’une protection optimale au retour de la circulation des culicoïdes.

« La période à risque arrive », avertit Emmanuel Garin, vétérinaire épidémiologiste pour GDS France. Entre mise à l’herbe et reprise d’activité des culicoïdes, la propagation des différents sérotypes de FCO et MHE va reprendre. « On considère que la période sensible s’étend de début juin à début décembre dans l’Hexagone ». Tout l’enjeu est donc de protéger les troupeaux avant la reprise de la diffusion, en intégrant les délais d’acquisition de l’immunité. En bref : mieux vaut vacciner avant la mise à l’herbe. D’autant que les animaux en extérieur sont encore plus vulnérables.

Vacciner maintenant pour être protégé à l’été

« En cas de primo-vaccination, on conseille de faire la première injection avant la mi-avril », explique Emmanuel Garin. La plupart des vaccins demandent deux injections, et la première dose à elle seule ne constitue pas une protection suffisante. Il faut ainsi prévoir un mois entre la première injection et l’installation de l’immunité complète permise par le rappel. Si la vaccination est trop tardive, l’animal pourra potentiellement être touché par l’infection naturelle.

Le vétérinaire recommande également de profiter de la période en bâtiment pour effectuer les rappels sur les animaux vaccinés à l’automne. « C’est plus facile de faire des soins à l’étable, et c’est cohérent sur le plan sanitaire. Sur le papier, les éleveurs ont un an pour le faire, mais l’objectif est d’avoir une immunité forte dès le mois de juin. » Autrement dit, autant ne pas attendre novembre, une fois que le pic de propagation de la maladie passé, pour faire les rappels.

Et la vaccination ne concerne pas que les troupeaux indemnes de FCO ou MHE. Ça n’est pas parce que des bovins ont été touchés par l’épizootie, que tous les animaux sont immunisés. « Tant que l’on n’atteint pas un certain seuil, par exemple autour de 85 % de bêtes immunisées, on pourra toujours avoir des individus malades. » Certains départements cumulent plusieurs épizooties : difficile de savoir quel sérotype, voire quel virus, a été contracté par les animaux.

L’approvisionnement en vaccins sous tension

Mais le vétérinaire en convient, les recommandations sanitaires se heurtent à la réalité de la disponibilité en vaccins. « Le marché de la vaccination est européen. Nous étions jusqu’alors seuls à avoir de la FCO-8, et la demande est devenue soudainement plus large. »

Les vaccins ne se font pas en un jour : « comptez 3 à 6 mois pour fabriquer un produit », rappelle le vétérinaire. « Mi-décembre, nous nous inquiétions de savoir si le stock de l’État serait consommé avant fin janvier. 15 jours après, nous n’en avions plus compte tenu de la prolifération de la maladie… »

Pour avoir des doses, le GDS conseille aux éleveurs d’anticiper et de faire des précommandes. « Pour disposer de vaccins, les vétérinaires effectuent des précommandes auprès des laboratoires, qui ajustent les volumes sur la chaîne de production selon les demandes. Plus elles sont nombreuses, plus les labos sont incités à produire. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où une bonne partie des vaccins qui sortent des labos sont déjà réservés. »

Au-delà de la disponibilité des vaccins, certains éleveurs manifestent une certaine réticence vis-à-vis de la vaccination. « Il y a une réalité qui fait que, même à l’approche de la mise à l’herbe, certains sont en période de reproduction ou de vêlage. Si l’éleveur peut éviter ces périodes c’est mieux mais si ce n’est pas possible alors il faut quand même vacciner. De très nombreux éleveurs ont vacciné pendant ces périodes sans aucune difficulté. Ces situations sont à analyser à l’échelle individuelle avec son vétérinaire. Mais dans l’ensemble, la balance bénéfice/risque plaide en faveur du vaccin », poursuit Emmanuel Garin.

Un impact subclinique important

Et pour cause : les conséquences des FCO, comme de la MHE, sont nombreuses et ne se limitent pas aux signes cliniques. Animaux vides, avortements précoces, pertes en lait ou en GMQ…. « Pour donner un ordre d’idée, on s’attend à ce que les conséquences subcliniques soient même plus importantes que l’impact clinique en tant que tel. » Dans ce contexte, la vaccination apparaît comme un moyen de préserver le potentiel de son outil de production, plus que d’éviter qu’un animal soit malade à un moment donné. « Les Hollandais estiment que la FCO sur un troupeau d’une centaine de vaches faisait perdre l’équivalent de 8 000 l de lait. »

S’il est nécessaire de prioriser les vaccinations, le vétérinaire propose de sélectionner le cheptel reproducteur. « C’est une manière de protéger son outil de production, notamment les mâles. La FCO aime particulièrement leur appareil reproducteur, avec des animaux qui peuvent devenir stériles et des conséquences en cascades sur les performances de la structure. »

Mais avec la prolifération des épizooties sur le territoire, contre quelles maladies faut-il immuniser son troupeau ? « La recommandation est de vacciner contre toutes les maladies », explique le vétérinaire. La progression des différents virus durant l’été 2024 a bien montré que leur diffusion pouvait être rapide. La cartographie des cas cliniques publiée par le GDS au 24 janvier fait état de 13 départements touchés à la fois par la FCO-3, la FCO-8 et la MHE, et les trois maladies causent des dégâts suffisamment sérieux pour s’en prémunir.

Emmanuel Garin en convient, la pratique est contraignante. « Si l’on sait avec certitude que des animaux ont été infectés naturellement, on peut éventuellement faire l’impasse, l’immunité naturelle est très bonne et peut dépasser les deux ans. » Il est également possible d’effectuer plusieurs vaccins en même temps. « Cela se pratique sur le terrain et nous n’avons pas eu de remontées négatives. » Enfin, il reste pertinent d’adapter sa stratégie vaccinale selon la vulnérabilité des territoires. Les GDS et vétérinaires sur le terrain sauront aiguiller les éleveurs.

La recherche planche sur des vaccins multivalents

À terme, les vétérinaires espèrent pouvoir bénéficier de vaccins multivalents, c’est-à-dire répondant à plusieurs sérotypes du virus. « Ce n’est pas envisageable en l’état. Il faudra certainement plusieurs années, mais nous avons sollicité des partenaires pour aller dans ce sens. »

Pendant ce temps, les virus circulent. La découverte de sérotype 1 en Espagne a conduit les GDS à demander la mise en place d’une bande tampon avec vaccination obligatoire le long des Pyrénées. Les cas de sérotype 12 aux Pays-Bas ou encore le développement du sérotype 4 en Europe du Sud témoignent de la pression virale pesant sur les troupeaux européens. « Sur le terrain, les éleveurs le disent bien, si l’on pique deux fois ça va, mais s’il faut faire cinq piqûres et cinq rappels, ça n’est plus la même chose », admet le vétérinaire.

Il n’y a pas de raison que les maladies ne poursuivent pas leurs diffusion.

Si la vaccination reste contraignante, elle reste la meilleure arme pour protéger les troupeaux. « Il n’y a pas de raisons que les maladies ne continuent pas leur diffusion », prévient Emmanuel Garin. Si la désinsectisation reste utilisée pour les transports d’animaux, et notamment à l’export, la technique est loin d’être infaillible. « Les coûts sont prohibitifs pour une efficacité limitée. Cela peut créer des résistances voire avoir un impacts sur l’environnement voire sur la santé humaine. »