« L’incertitude », maître-mot des marchés agricoles
AFP le 12/03/2025 à 19:45
« C'est le brouillard », « la purée de pois » : les cours du blé, maïs ou soja oscillaient mercredi dans un marché agricole mondial incertain, bousculé depuis un mois par les annonces de mesures douanières et revirements américains.
Après des séances en dents de scie, les cours des céréales et du soja américains sont pratiquement stables sur une semaine. A la Bourse de Chicago, maïs et blé ont timidement progressé tandis que le prix du soja refluait légèrement.
Les dernières semaines ont été marquées par une série d’annonces sur des relèvements des droits de douanes américains pour les produits venant de Chine – qui a répondu par des contre-mesures -, du Mexique et du Canada – finalement suspendus jusqu’au 2 avril.
« Ce climat permanent de guerre commerciale inquiète les marchés. A peine une trêve d’un mois est-elle envisagée avec le Canada que Donald Trump dégaine des taxes supplémentaires sur l’aluminium contre son voisin. On est dans un climat incertain où tout peut arriver », souligne Sébastien Poncelet, analyste chez Argus Media France.
« Incertitude » est aussi le mot choisi par Dewey Strickler, d’Ag Watch Market Advisors, pour définir l’état des marchés agricoles, qui ont trouvé mardi de « soulagement » dans le dernier rapport du ministère américain de l’Agriculture (USDA) sur les productions, exportations et stocks mondiaux.
Ce rapport, dit Wasde, a notamment abaissé les estimations de stocks mondiaux de maïs de fin de campagne, principalement du fait d’un recul des importations et des réserves chinoises de grain jaune.
En dépit des très belles performances à l’export du grain américain ces dernières semaines, le rapport n’a en revanche pas modifié à la hausse les prévisions d’exportation de maïs des Etats-Unis.
Pour Dewey Strickler, c’est parce que l’USDA ne s’est appuyé que sur les politiques commerciales réellement appliquées à ce jour, attendant de voir l’impact de leur entrée en vigueur.
« Jusqu’à présent, les droits de douane n’ont pas beaucoup affecté les exportations américaines de produits de base en vrac », a renchéri Michael Zuzolo, analyste chez Global Commodity Analytics and Consulting. Mais il estime que cela est également dû « au fait que le dollar a atteint son niveau le plus bas en cinq mois », ce qui permet aux produits américains de rester très compétitifs.
La guerre contre le canola fait des ravages
Les analystes soulignent que le conflit commercial de Washington avec Pékin a jusqu’à présent peu de conséquences, la Chine n’ayant pas acheté de maïs américain depuis 18 mois, ni de blé depuis des mois. Et la fenêtre d’export du soja américain vers la Chine, habituellement en automne, s’est déjà refermée, Pékin se tournant vers la toute fraîche récolte brésilienne.
Le Mexique, quant à lui, continue à acheter du maïs américain – quelque 200 000 tonnes sur les 900 000 vendues la semaine dernière, selon l’USDA.
En revanche, une « autre guerre » fait des ravages, celle qui vise le canola (colza OGM) canadien, dont la moitié de la production est transformée en huile (et en tourteau).
« 96% de l’huile produite et deux tiers des tourteaux sont exportés vers les Etats-Unis – et donc risquent d’être taxés. Le tiers de tourteaux restant (environ 2 millions de tonnes) est exporté vers la Chine, qui vient d’imposer sur ces produits canadiens des droits de douane de 100 % – en représailles des taxes sur les véhicules électriques chinois », explique Sébastien Poncelet.
Cette double offensive a conduit à un effondrement des cours du canola à la Bourse de Winnipeg et entraîné dans sa déroute le colza européen, qui continuait de chuter mercredi, à environ 475 euros la tonne, perdant 12 % en moins de 15 jours.
La Chine n’a toutefois pas taxé les importations des graines de canola, relève Edward de Saint-Denis, de la maison de courtage Plantureux & Associés, qui y voit « plutôt le signe d’un appel à la négociation qu’une vraie fâcherie » de Pékin avec le Canada.
Quant aux prix du blé, ils trouvaient un peu de soutien dans la légère dégradation des conditions de culture aux Etats-Unis.
Sur le marché européen, les céréales restaient pénalisées par la force de l’euro par rapport au dollar. En dépit de cela, le prix de la céréale du pain progressait légèrement mercredi, quelques heures après une frappe russe dans le port ukrainien d’Odessa ayant fait quatre morts et endommagé un cargo qui chargeait du blé à destination de l’Algérie.