Pour la CR, « il faut rester vigilant car le marché de la viande peut vite se retourner »
TNC le 13/03/2025 à 05:10
Pour Stéphane Charbonneau, responsable de la section viande bovine de la Coordination rurale, il est essentiel de réviser les lois Égalim et de protéger l'agriculture des distortions de concourrence pour être prêt en cas de retournement des marchés, le tout dans un contexte sanitaire délicat.
Alors que la Coordination rurale s’impose peu à peu dans le paysage syndical agricole français, Stéphane Charbonneau, responsable de la section bovine est revenu sur les projets du syndicat pour l’élevage bovin. Pour l’élu, les résultats des élections Chambre d’agriculture marquent une première avancée. « Nous sommes satisfaits des scores que nous avons obtenus, mais il y a une vraie déception autour de la cogestion entre banques, assurances et FNSEA ».
Si le syndicat est arrivé en tête du collège des chefs d’exploitations dans 14 départements, il n’obtient la présidence que de 10 d’entre eux. En cause, le vote des autres collèges au profit de l’alliance FNSEA/JA. « Il y aura des recours, mais les résultats montrent bien que nous sommes un syndicat qui s’adresse vraiment aux agriculteurs, et non aux entreprises qui gravitent autour », tranche l’éleveur de Charolaises.
Mais il l’assure, « cela ne nous empêchera pas d’œuvrer pour l’élevage. Nous avons l’habitude de travailler avec l’interprofession, comme avec la FNB ». Car malgré la hausse des prix de la viande, l’agriculteur reste très méfiant quant au contexte économique. « La Turquie ferme ses portes à l’import, nous avons perdu des marchés vers l’Algérie… Il faut rester vigilant car le marché de la viande peut se retourner très vite », estime Stéphane Charbonneau.
Pour une contractualisation plus souple
Pour maintenir un niveau de prix décent, le syndicat entend réviser la loi Égalim. « La contractualisation doit rester volontaire », assène l’élu. « Aujourd’hui, certains éleveurs sous contrat Égalim sont payés en deçà du prix du cadran. » Il souhaite donc apporter de la souplesse au dispositif. « Nous maintenons notre position, à savoir une contractualisation à hauteur de 70 % de la production et le restant au cours du jour ». Une manière de rassurer les banques, tout en entretenant le marché du libre.
La Coordination rurale entend revoir les contrats. « Aujourd’hui, Bigard propose des contrats avec prix minimum garanti. Ça peut être des contrats intéressants et surtout plus simples à mettre en place que les contrats Égalim qui demandent une approximation du coût de production. »
Exclure l’agriculture des traités de libre-échange
Mais le syndicat plaide également pour un élargissement d’Égalim. « On ne peut pas imposer un contrat au premier acheteur s’il n’a pas la possibilité de le répercuter », tranche le responsable de la section bovine. « Il faut porter Égalim à l’échelle européenne pour forcer toute la filière à rentrer dans le cadre. »
D’autant que la Coordination rurale pointe du doigt les distortions de concurrence que connaît la France, accord UE-Mercosur en tête de ligne. « Nous nous opposons de manière générale aux accords de libre-échange. Il y a actuellement des tractations avec la Chine… Nous sommes pour une exclusion pure et simple de l’agriculture dans ce genre de transaction. »
Les éleveurs sont des entreprenneurs à part entière.
Le syndicat désire également accompagner les éleveurs à monter en compétences au sein de leurs fermes. Avec des coûts de revient allant du simple au double, la filière bovine a encore des marges de manœuvre pour gagner en performance. « Il y a un vrai travail autour du calcul des coûts et de la technicité en exploitation à mener. On peut pousser le coût de production tout au long de la filière, mais il faut aussi être bon techniquement pour que tout le monde soit compétitif », poursuit l’agriculteur. « Nous sommes des chefs d’entreprise, nous devons apprendre à commercialiser nos animaux. Lorsqu’on vend une vache, il n’est pas normal de sous-traiter la facturation à l’acheteur. Il faut renverser ce rapport de force. »
Pour l’agriculteur, la relocalisation de l’engraissement est une voie de salut pour la filière. « C’est une manière de garder de la plus-value chez nous », juge Stéphane. « Avec 1 ha de maïs, on peut engraisser entre 8 et 9 JB avec des marges brutes allant de 800 à 900 € par animal. On arrive tout de suite sur des marges brutes à l’hectare qui peuvent être intéressantes dans certaines régions. »
Pour la CR, l’engraissement peut être un moyen d’accompagner des projets d’installation. « C’est une production qui se prête bien à la contractualisation », remarque l’éleveur. Mais cela demande de l’accompagnement. « Il faut que les banques suivent pour financer le fond de roulement, et l’on pourrait imaginer un dispositif de plus grande ampleur, où l’état soutiendrait les agrandissements de cheptels par des primes. »
Accompagner les éleveurs dans la vaccination
Au delà des problématiques de marché, le sanitaire pèse également sur la filière. Dans ce contexte, l’objectif premier de la Coordination rurale est de demander des doses de vaccin. « Trop souvent, on attend que la maladie soit là pour vacciner. Quand la FCO-3 est arrivée en juillet, le vaccin existait mais nous n’avions pas les doses » rappelle Stéphane.
« Encore aujourd’hui, je suis inquiet pour les sérotypes 1 qui est en Espagne, le 12 aux Pays-Bas… On ne va pas pouvoir vacciner toutes les vaches toutes les semaines avec un sérotype différent, sans parler des autres maladies. Il faut accompagner les laboratoires pour qu’ils travaillent sur des vaccins multifonction ». En bref, l’essentiel pour pérenniser la filière n’est pas que de maintenir un prix, mais également un cheptel conséquent.