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FranceAgriMer ajuste ses bilans céréaliers, dans un contexte mondial incertain


TNC le 13/03/2025 à 09:30
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La politique commerciale US et la guerre en Ukraine apportent de l'incertitude aux marchés céréaliers. (© Feydzhet Shabanov, AdobeStock)

FranceAgriMer vient de réviser ses estimations de collecte, utilisations intérieures, exports et stocks français de céréales pour la campagne 2024/25, dans un climat international très instable qui pourrait modifier les partenariats et les dynamiques d’importation de l'Europe et de la France.

FranceAgriMer a apporté quelques changements à ses prévisions des bilans céréaliers français pour 2024/25, et les a présentés le 12 mars à l’occasion d’un point presse de son conseil spécialisé « grandes cultures – marchés céréaliers ».

Par rapport au mois dernier, l’établissement public a remonté de 100 000 t l’utilisation de blé tendre en fabrication d’aliments du bétail (FAB), à 14 Mt, et l’a abaissé de 20 000 t pour l’amidonnerie/glutennerie, à 2,2 Mt.

Évolution plus marquante : les exportations de blé tendre vers les pays tiers (hors-Europe) ne sont plus anticipées qu’à 3,2 Mt : 200 000 t de moins qu’estimé mi-février, et 70 % de moins que sur la campagne de commercialisation 2023/24 !

Cette baisse s’explique par des exports toujours « peu dynamiques » ces derniers temps. Les gros clients habituels de blé français que sont la Chine et l’Algérie continuent de briller par leur absence. « Pour le moment, les exports sont surtout portés par le Maroc et l’Afrique subsaharienne », précise Habasse Diagouraga, chargé d’études économiques sur le marché français pour FranceAgriMer.

Les exportations d’orges vers les pays tiers ont aussi été revues, mais à la hausse : + 200 000 t d’un mois sur l’autre, à 2,2 Mt (- 42 % par rapport à la campagne passée). De fait, « on observe des départs de bateaux d’orges vers la Jordanie, qui importe assez irrégulièrement de la France, ainsi que vers la Tunisie, la Libye et le Maroc ».

Annonces et revirements de Trump

Quant au maïs, les utilisations en amidonnerie et en FAB sont chacune réduites de 50 000 t, ce qui conduit à un stock de fin de campagne estimé « très lourd » : plus de 3 Mt, du jamais-vu depuis la campagne 1997/98.

À l’échelle internationale, l’actualité géopolitique très incertaine de ces dernières semaines alimente l’inquiétude et pourrait influencer les prix et les échanges…. Et donc ces bilans français.

Les annonces et revirements de l’administration Trump en matière de droits de douane et les ripostes des pays visés risquent ainsi d’avoir des impacts sur les marchés, encore compliqués à quantifier.

« Pour l’instant, cela paraît très difficile à évaluer avec une situation qui reste très instable et qui peut changer les partenariats habituels, note Julie Garet, cheffe de l’unité Grains et sucre de FranceAgriMer. Selon les mesures mises en place au niveau de l’UE, cela pourra aussi changer les dynamiques d’importations, alors que l’UE a par exemple importé beaucoup de maïs des États-Unis sur la campagne 2024/2025 ».

Tandis que 25 % de droits de douane américains sont entrés en vigueur ce mercredi sur l’acier et l’aluminium, la Commission européenne a annoncé des contre-mesures visant à partir du mois d’avril une série de produits américains, agricoles notamment.

« Un côté inquiétant, notamment sur la sécurité »

Côté monnaies, les craintes de récession économique aux États-Unis font plonger le dollar, ce qui contribue au bond de la parité eurodollar observé depuis fin février : à 1,09 le 12 mars, elle touche son plus haut niveau en quatre mois. Et plombe la compétitivité des céréales européennes.

« L’actualité va très vite, entre les déclarations du président des États-Unis et ce qui se passe un peu partout au niveau mondial, ça a un côté inquiétant, notamment sur la sécurité », réagit Benoît Piétrement, président du conseil spécialisé « grandes cultures » de FranceAgriMer.

Il évoque l’attaque de missiles russes qui, dans la nuit de mardi à mercredi, a frappé un vraquier chargeant du blé pour l’Algérie dans le port d’Odessa et a fait quatre morts : « Comment ça va se passer ? Est-ce que ça va être provisoire ou pas ? Ça va forcément avoir des impacts sur les routes maritimes de la mer Noire », présage-t-il.

En matière de transport de grains justement, « la réouverture de la mer Rouge pourrait stabiliser les taux du fret, note aussi Julie Garet. Mais les conflits en Ukraine et à Gaza et l’instabilité du marché pétrolier impactent l’approvisionnement en carburant et les échanges. »