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ABC en Wallonie : des résultats à approfondir, mais des perspectives intéressantes


TNC le 14/03/2025 à 18:02
Sol

La gestion des adventices et la disponibilité des éléments nutritifs constituent les principaux freins de l’ABC. (© TNC)

De l’autre côté de la frontière, un groupe d’agriculteurs, de chercheurs et d’agronomes travaillent main dans la main sur la question de l’agriculture biologique de conservation (ABC) pour étudier les intérêts et les limites de la technique. Leur objectif : forger un référentiel adapté à leur contexte de production.

« En Wallonie, le modèle de l’agriculture biologique de conservation (ABC) n’a pas forcément de réponse immédiate, étant donné la forte pression foncière dans les secteurs de grandes cultures, avec des sols limoneux à haut potentiel et des prix des terres assez élevés, indique Camille Cossement, agronome chez Greenotec. La motivation des agriculteurs engagés tient plutôt dans une vision de long terme. Ils sont attachés à la fertilité des sols et cherchent à pouvoir transmettre des sols en bonne santé, et qui seront capables de s’adapter aux changements auxquels on va devoir faire face ».

C’est en 2020, qu’a été lancé le groupe de travail sur l’ABC dans la région Wallonne, dans le cadre du projet européen Agroecology Transect. L’objectif : identifier les conditions de réussite et forger un référentiel adapté. Il réunit aujourd’hui 7 agriculteurs bio, l’association Greenotec et le Centre wallon de recherches agronomiques (CRA-W). « On met en place des expérimentations de terrain sur des parcelles agriculteurs (au minimum 1 ha) où l’on compare le système en place, qui fait office de témoin, et la modalité ABC où on essaye de réduire au maximum le travail du sol dans un contexte d’agriculture bio », précise Camille Cossement.

Un partage des risques

La gestion des adventices et la disponibilité des éléments nutritifs constituent les principaux freins de l’ABC. « Et les résultats montrent qu’il n’est pas toujours évident d’aller chercher le même niveau de rendement en ABC qu’en système classique, selon les conditions (exemple de 2024 et les forts cumuls de précipitations) », indique Aline Fockedey, responsable expérimentation du CRA-W.

Sur la récolte d’épeautre en 2022 après haricots, le groupe note une baisse de rendement d’environ 10 % entre la modalité ABC et la modalité classique en AB : 64 q/ha, contre 71 q/ha. Mais l’écart est plus important pour le blé semé dans un couvert de trèfle blanc nain : — 33 à 70 % par rapport au témoin (62 q/ha), avec des différences au sein d’une même parcelle.

« Dans ces essais, on cherche à obtenir une pleine restauration des propriétés d’auto-fertilité du sol. Ainsi dans les cinq premières années du groupe, on s’est interdit les cultures racines (pommes de terre, carottes, chicorée), et lorsqu’il y a une perte financière, la moitié est prise en charge pour que le risque ne porte pas uniquement sur les agriculteurs. »

Les leviers testés sont multiples : « couverture du sol, association de cultures, diversification de la rotation, réflexion sur le travail du sol (sans labour) avec les types d’outils utilisés et le pourcentage de surface travaillée… Le semis direct est idéal, mais la réussite de la pratique est toutefois soumise à plusieurs conditions : une bonne structure du sol, un couvert bien développé et facilement destructible, et une bonne disponibilité en éléments minéraux ou un faible besoin de la culture. Tout autant de conditions généralement plus faciles à réunir durant l’automne, qu’au printemps, note Simon Dierick, coordinateur du projet chez Greenotec. C’est aussi une raison pour laquelle on travaille sur la fertilisation localisée. »

Avec la pression adventices, « le recours à un travail du sol peut s’avérer nécessaire dans ces contextes. Le groupe a ainsi testé le scalpage, avec 95 % d’efficacité à moins de 5 cm de profondeur. Cet outil peut faire du très bon boulot, mais c’est plus difficile en conditions humides… Le déchaumage classique est une technique plus connue, mais aussi moins efficace. Avec ce type d’outil à disque, on est obligé de descendre la profondeur de travail du sol pour obtenir un bon déchaussement et de multiplier les passages », souligne l’expert.

Limiter la concurrence des couverts permanents

Parmi les autres leviers mis en place, « les couverts permanents ont beaucoup d’atouts pour améliorer la fertilité des sols. Mais le problème reste la concurrence avec les plantes cultivées. On l’a vu dans les essais avec le trèfle blanc nain : il est très efficace contre les adventices annuelles, moins contre les vivaces et il peut devenir lui-même une adventice dans certains cas. La piste envisagée, qui s’inspire des travaux de Régis Hélias d’Arvalis, serait de séparer physiquement le couvert et la culture. Le CRA-W développe, à cet effet, un nouvel outil : le BioCoCrop.

« En termes d’évolution au niveau sol, les premières tendances des essais sont plutôt motivantes concernant la biomasse de vers de terre ou la structure du sol, mais c’est évidemment très spécifique à chacune des parcelles, chacun des itinéraires techniques, constate Aline Fockedey. De plus, les témoins sont déjà des parcelles d’agriculteurs qui sont sensibilisés à la vie du sol. L’objectif, c’est de suivre tous ces critères sur le long terme, parce qu’on sait que les conséquences d’une campagne se reflètent sur plusieurs années après. »

« Les essais systèmes en ABC peuvent être éprouvants et parfois risqués, et particulièrement en années météorologiques comme 2024. Mais certaines pratiques semblent avoir du potentiel, si on est capable d’identifier les raisons de « l’échec », ajoute Simon Dierick. Il faut aussi du temps pour prendre en main de nouvelles pratiques, de nouveaux outils et savoir optimiser leurs réglages. Des questions restent ouvertes quant à l’introduction de prairies temporaires ou aux autres leviers de la rotation, avec les débouchés potentiels. En tout cas, comparer et analyser un maximum de situations permet d’avancer dans la compréhension des facteurs de réussite et d’échec, car la réussite se joue dans les détails. »