Faut-il alourdir ses broutards ? Attention, tous les kilos ne se valent pas !
TNC le 16/04/2025 à 05:08
Avec un prix du maigre élevé et des coûts d’alimentation relativement stables, il peut être tentant d’alourdir ses broutards. Mais attention : la clé de la rentabilité reste la maîtrise de la marge sur coût alimentaire.
« Cette année, la question de l’alourdissement des broutards se pose », introduit Jérémy Douhay, chargé d’étude bovin viande pour l’Institut de l’élevage. Avec un prix du maigre au plus haut et une cotation du tourteau de soja relativement contenue, il peut être tentant de pousser un petit peu plus ses broutards. Mais attention, tous les kilos ne sont pas toujours bons à prendre ! « L’enjeu n’est pas forcément d’avoir des animaux très lourds, mais plutôt de viser une belle marge sur coût alimentaire ». Et à ce jeu, toutes les structures ne combattent pas à armes égales. « Il y a des endroits où l’on peut tenter des choses avec des fourrages de qualité en abondance, et d’autres où l’on a moins de marges de manœuvre », tranche l’expert.
Surveiller sa consommation de concentré
Pour nourrir la réflexion, Ferm’Inov (la ferme expérimentale de Jalogny) a comparé plusieurs itinéraires de repousse. Une manière d’identifier la formule la plus économique pour produire des broutards charolais de 435 kg vifs. Et le résultat peut surprendre. « Avec les niveaux de prix de début 2025, une des stratégies les plus rentables est de ne pas complémenter les veaux sous la mère et de miser sur une repousse un petit peu plus longue en utilisant des fourrages de qualité ». Les veaux non complémentés sont un petit peu plus légers au sevrage : 290 kg vifs, contre 320 kg pour les autres. Et même s’il faut compter un mois de plus pour atteindre les 435 kg escomptés, ils demandent au final moins de concentré.
Cela se traduit par un important différentiel de marge sur coût alimentaire avec 130 € d’écart entre l’itinéraire le plus économique et le moins rentable. « Le plus intéressant, c’est celui où le veau n’est pas complémenté sous la mère, et est repoussé avec une ration d’enrubannage d’herbe avec 4 kg de concentré ». L’enrubannage d’herbe au stade début épiaison affiche des valeurs alimentaires autour des 0,75 UFV et 90 PDIN, complété par un mélange de tourteau de colza et blé aplati (respectivement 55 kg, et 349 kg sur les 115 jours de repousse). La ration permet de générer une marge sur coût alimentaire de 508 € par broutard, « cela donne une marge sur charge autour des 450 € par broutard une fois les frais divers et les vaccins intégrés ». Cette option est toutefois celle qui demande le plus de temps de présence sur la ferme.
Pour les éleveurs n’ayant pas la possibilité de garder les broutards plus longtemps, la stratégie à aborder est un petit peu différente : complémenter les animaux sous la mère afin d’avoir des animaux plus lourds au sevrage. Compter 1 664 € pour un broutard de 320 kg au sevrage à 5,20 €/kg vif, contre 1 508 € pour le veau de 290 kg. Reste à voir si le différentiel de prix justifie une complémentation sous la mère.
Tirer le meilleur parti de l’allaitement
Quelle que soit la stratégie, l’expert encourage les éleveurs à bien suivre la ration des vaches allaitantes pour prendre le plus de kilos possibles avec le lait de la mère. « Avant même de songer à distribuer du concentré, il faut faire en sorte d’aller chercher le plus de kilos possibles sous la mère », insiste Jérémy Douhay. La première marge de manœuvre se trouve dans la gestion du pâturage, et le pâturage tournant dynamique peut être un précieux allié. Attention tout de même à sécuriser la phase de croissance. Dans les essais réalisés sur la ferme de Jalogny, les veaux sans complémentation affichaient un gain moyen quotidien au-delà des 1 kg sur la période 0-8 mois. « Si l’herbe n’est pas de qualité ou que les conditions de pâturage ne sont pas optimales, la complémentation peut être nécessaire pour sécuriser la croissance du veau ».
Pour les veaux nés à l’automne, à défaut de pâturage tournant, la bonne conduite de l’alimentation hivernale des vaches allaitantes permet de maximiser la production laitière. « Le lait, ça reste ce qu’il y a de plus efficace sur un jeune veau ».
Le sevrage est une période de vulnérabilité pour l’animal, caractérisée par une baisse de l’immunité. « Nous comptons systématiquement un vermifuge dans nos chiffrages, et un vaccin contre les pathologies respiratoires et son rappel. Cela fait un forfait autour de 15 € par animal ». Un coût certes, mais qui peut se répercuter sur le prix de vente, comme sur le début de la repousse. « L’engraisseur sait qu’il va avoir des animaux qui vont bien démarrer chez lui ».
Car tout n’est pas que question de poids. « Un broutard alourdi avec un bon état sanitaire, c’est aussi un animal qui démarrera mieux en engraissement, avec des durées de présence sur place restreintes ». À voir ensuite les formats que recherchent les acheteurs pour tirer tous les partis de la vente de maigre.