Le pacte Londres-Bruxelles sur la défense pris dans les filets ?


AFP le 16/04/2025 à 08:30

Quand merlus et missiles s'emmêlent dans les tractations diplomatiques: Londres et Bruxelles espèrent sceller leur rapprochement en matière de défense lors d'un prochain sommet, mais d'autres sujets parasitent les discussions, à commencer par la pêche.

Des deux côtés de la Manche, on espère qu’un pacte de défense et de sécurité sera le point culminant de cette réunion au Royaume-Uni le 19 mai, alors que les Européens redoutent le désengagement des Etats-Unis en Ukraine depuis l’arrivée de Donald Trump.

Mais sous l’influence de la France, certains pays de l’UE semblent lier la signature d’un accord à la réussite de négociations dans d’autres domaines. Et la pêche constitue le point de blocage majeur.

« Une très grande majorité des États membres est en faveur de la signature de ce partenariat lors du sommet », selon une source diplomatique. « La position de la France est davantage liée à ses propres enjeux ».

Déjà au coeur des négociations du Brexit, la pêche fait ainsi son retour à l’agenda : l’accord qui donne aux bateaux de l’Union européenne accès aux eaux britanniques doit expirer en 2026.

La France et d’autres pays en mer du Nord voudraient le reconduire tel quel, mais Londres se montre réticent jusqu’ici.

A l’approche des élections locales du 1er mai en Angleterre, céder aux exigences françaises pourraient faire mauvais genre auprès d’une partie de l’électorat, souligne Sébastien Maillard de l’Institut Jacques Delors, un think tank européen.

A l’inverse, Paris verrait la reconduction de l’accord de pêche comme un signe de bonne volonté du Royaume-Uni, où le Premier ministre travailliste Keir Starmer souhaite un nouveau départ (« reset ») avec l’Union européenne, afin d’évacuer les rancoeurs du Brexit.

« Nous accueillons très favorablement la volonté du Royaume-Uni de se rapprocher de l’Europe après avoir décidé de la quitter il y a cinq ans. Nous pouvons désormais construire un agenda positif, qui est dans notre intérêt mutuel dans un contexte stratégique et économique en évolution », souligne une source diplomatique française.

« Nous attendons d’en savoir plus sur les engagements que les Britanniques sont prêts à prendre dans cette perspective », ajoute-t-elle.

« Un peu d’impatience » 

Le Royaume-Uni a beaucoup à gagner d’un accord de sécurité qui pourrait permettre à ses entreprises de défense de bénéficier de programmes européens d’augmentation de production d’armes.

Pour faciliter ses exportations de produits agricoles, Londres espère également un nouvel accord en matière de standards sanitaires.

Bruxelles réclame pour sa part un programme de mobilité pour les jeunes de moins de 30 ans afin qu’ils puissent facilement « voyager, travailler et vivre » au Royaume-Uni, mais la proposition est jusqu’ici écartée par les Britanniques.

Et il y a bien sûr la question de la pêche.

« Il y a un peu d’impatience du côté européen de savoir ce que le Royaume-Uni est prêt à offrir. Parce qu’en ce moment, il n’offre rien », résume Sébastien Maillard.

Comme la France, plusieurs capitales européennes soutiennent une approche dite « globale » des négociations, qui lierait tous les sujets.

Mais d’autres pays s’inquiètent et ne voudraient pas que les négociations tendues sur la pêche entravent les progrès en matière de défense, alors que Paris comme Londres sont souvent cités comme les deux puissances militaires capables d’apporter des garanties de sécurité à l’Ukraine.

« Je ne vois pas la France changer de position. (C’est) très frustrant », regrette un diplomate européen qui se demande si un pacte de sécurité pourra bien être initié en mai.

A un mois du sommet, le temps presse. Et certains redoutent qu’il se termine par de simples déclarations non contraignantes plutôt que par des accords substantiels.

La Commission doit informer les Etats membres de l’état des négociations mercredi.

Côté britannique, un porte-parole du gouvernement souligne que le travail est en cours pour identifier avec l’UE des domaines de coopération plus approfondie, comme « l’économie, l’énergie, la sécurité ». Mais il n’y aura « pas de retour à la libre circulation, à l’union douanière ni au marché unique », prévient-il.

Interrogé en mars à l’occasion d’un sommet à Paris, le Premier ministre britannique avait soigneusement évité de rentrer dans le débat.

« Je vais résister à la tentation de commencer à parler de poisson… ».