Phytos : l’agence sanitaire pointe les risques pour la santé des jeunes enfants
AFP le 24/04/2025 à 10:07
L'Anses alerte jeudi sur l'effet néfaste pour la santé humaine de pesticides très utilisés en agriculture, pointant des risques pour « le neurodéveloppement des très jeunes enfants », d'apparition de « troubles du comportement » chez ceux exposés in utero et de « leucémie » pour les travailleurs notamment.
L’agence sanitaire avait mandaté un collectif d’experts indépendants pour évaluer les risques potentiels à partir des résultats d’une expertise de l’Inserm de 2013 mise à jour en 2021.
Celle-ci dresse un état des lieux des connaissances sur les liens entre l’exposition aux pesticides – produits phytopharmaceutiques à usage agricole, produits biocides, vétérinaires – et la survenue de pathologies.
Ces experts ont croisé les données disponibles sur les présomptions de liens entre expositions aux pesticides et pathologies humaines établies par l’Inserm, celles sur les usages autorisés et sur les toxicités des différents pesticides.
Au terme de ce travail les experts mandatés par l’Anses pointent dans un avis publié jeudi, des « signaux sanitaires », dont « les plus importants concernent les organophosphorés, et surtout les pyréthrinoïdes » utilisés comme insecticides, annonce l’agence jeudi.
Quatre alertes : le niveau le plus élevé du « signal sanitaire »
L’agence lance ainsi quatre alertes – soit le niveau le plus élevé du « signal sanitaire » – : l’une porte sur « les effets de l’exposition aux pyréthrinoïdes pendant la grossesse et la petite enfance sur le neurodéveloppement des enfants ». Car des « troubles du comportement » chez « les enfants de mères exposées pendant la grossesse » ont été mis au jour, suscitant des « préoccupations importantes et croissantes », pointent les experts.
Une autre porte sur « l’altération des capacités motrices, cognitives et des fonctions sensorielles chez l’enfant » exposés in utero aux organophosphorés.
Les deux autres sont relatives à des « troubles cognitifs chez l’adulte » et des leucémies, « en lien avec une exposition professionnelle aux organophosphorés », dont « le malathion ».
Les résultats d’une étude épidémiologique analysés
Des « atteintes spermatiques ont aussi été identifiées dans la population générale, toutes sources d’exposition confondues, néanmoins avec un niveau de présomption plus faible », révèle l’Anses.
En outre, « une substance de la famille des pyréthrinoïdes, la deltaméthrine, est également associée à un risque accru de leucémie » en « lien avec une exposition professionnelle », avec « un niveau de présomption moyen », poursuit l’agence sanitaire.
Le groupe d’experts en phytopharmacovigilance mandaté par l’Anses a également analysé les résultats d’une étude épidémiologique de 2022 sur les pyréthrinoïdes, laquelle « confirme qu’une exposition aux pyréthrinoïdes pendant la grossesse peut produire des effets néfastes sur le neurodéveloppement des très jeunes enfants ».
Or l’utilisation de ces substances insecticides est « encore très importante, aussi bien pour des usages professionnels agricoles que pour des usages biocides professionnels et amateurs », souligne l’Anses.
Ainsi, « la source principale d’exposition de la population générale, ce sont les bombes et les prises insecticides utilisées pour éloigner les insectes, ou les colliers pour chiens et chats », indique Matthieu Schuler, directeur général de l’Agence.
Des « niveaux importants » d’imprégnation de la population française
Si « l’on n’est pas capables aujourd’hui d’être très précis sur les sources d’exposition » qui doivent être davantage étudiées, l’étude Esteban de Santé publique France a montré en 2021 des « niveaux importants » d’imprégnation de la population française pour les pyréthrinoïdes, « plus élevées chez les enfants que les adultes », rappelle-t-il.
Pour « mettre en place des mesures de prévention en santé publique, l’Anses recommande d’identifier les sources d’expositions les plus importantes aux pyréthrinoïdes parmi tous les usages insecticides possibles : médicaments, produits phytopharmaceutiques et biocides », « matériaux de construction et d’ameublement, textiles ». En revanche l’usage des organophosphorés est « très limité aujourd’hui en France ».
L’Anses a transmis ses travaux aux autorités européennes – Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), Agence européenne des médicaments (AME) – alors que l’autorisation de mise sur le marché de certains de ces produits (téfluthrine, lambda-cyhalothrine, deltaméthrine) est en cours de réexamen niveau de l’UE.
L’agence appelle d’ores et déjà à informer les professionnels de santé et la population à « limiter l’utilisation » des produits contenant des pyréthrinoïdes, « en particulier lors de la phase prénatale et la petite enfance ».
Ces produits sont épandus pour éradiquer les moustiques vecteurs de l’épidémie de dengue à la Réunion, un « usage qui paraît essentiel », contrairement aux « usages de confort contre des araignées, à la maison », estime Matthieu Schuler.