Toujours plus d’emplois en partage sur les verts pâturages
Communication agricole le 05/03/2017 à 14:25
Avoir trois employeurs mais un seul contrat de travail, c'est possible : dans le monde agricole, l'emploi partagé, une pratique éprouvée mais encore en plein développement, permet à des agriculteurs qui n'ont pas les moyens d'embaucher à temps plein de mutualiser la main-d'oeuvre.
« Cela provient du partage de la mécanisation et des exploitants qui avaient besoin de main-d’oeuvre, mais pas les moyens d’embaucher un salarié à plein temps », explique Philippe Faucon, président de la FNGEAR (Fédération nationale des groupements d’employeurs agricoles et ruraux), en visite au salon de l’agriculture à Paris. Si le partage d’un tracteur ou d’une moissonneuse-batteuse entre exploitants se pratique depuis 60 ans, l’emploi partagé, qui reste méconnu des citadins, se développe lui depuis une bonne trentaine d’années dans nos campagnes.
Le principe de base : l’agriculteur adhère à une association loi 1901 dirigée par des employeurs de son territoire, un groupement d’employeurs ou GE, qui lui permet d’avoir recours à un ou plusieurs salariés dans l’année. Le GE ainsi formé, qui gère toute la partie administrative (contrats, payes), peut grandir jusqu’à l’échelon départemental. En 2016, l’emploi partagé a représenté dans le monde rural plus de 40,5 millions d’heures travaillées pour 22 000 équivalents temps plein, des chiffres qui ont plus que doublé au cours des 13 dernières années.
Ce système peut notamment permettre de sécuriser l’emploi saisonnier, comme l’explique Gilles Duquet, secrétaire général de l’Anefa (Association nationale emploi formation en agriculture) et agriculteur dans le Jura : « Dans les vignes, il y a un trou d’activité au mois de juillet, pendant lequel a lieu la production de maïs semence. » Combiner les deux activités emmène l’employé partagé « vers le temps plein quasiment », selon M. Duquet. En outre, en 2016, 52 % des heures travaillées concernaient des emplois en CDI, selon la FNGEAR. Autre attrait pour l’employé, selon Valérie Heyser, conseillère à l’association emploi/formation d’Ille-et-Vilaine, « les salaires sont plus élevés et évoluent plus rapidement » chez les agriculteurs en GE que chez ceux qui emploient quelqu’un de manière conventionnelle.
Plusieurs raisons expliquent le développement de cette forme d’emploi. Outre la crise agricole qui complique l’embauche d’un salarié à temps plein, Romain Mary, directeur de GE dans le Jura, évoque « la disparition de la main-d’oeuvre familiale » et le fait que « la production agricole évolue ». Car ces emplois partagés sont « multisectoriels », indique monsieur Mary, qui évoque, à côté des emplois agricoles traditionnels, des jobs d’électricien, de couvreur ou de webmaster pour créer des sites internet, où même boucher pour faire de la découpe à l’heure où la vente directe se développe.
D’une manière générale, « le niveau de qualification moyen des emplois partagés s’est développé », selon Mme Heyser, qui affirme que ces offres d’emploi intéressent aussi de plus en plus les futurs installés, contraints « de patienter quelques années en sortant d’école avant de reprendre l’exploitation familiale». Elle y voit le moyen pour eux de cumuler «3 expériences en un emploi ». Plus de 3 800 GE agricoles existent actuellement et leur nombre ne cesse de croître (+ 18 % depuis 2003). Pour Bernard Gardès, président de l’Anefa, c’est « l’opposé de l’intérim »: « Le modèle économique, à la base, c’est l’association, des adhérents qui s’engagent à prendre à tiers-temps ou à mi-temps un salarié. »
Dominique Boucherel, qui travaille en Loire-Atlantique pour une association de remplacements d’agriculteurs mais a longtemps travaillé comme employé partagé, il y a une seule véritable contrainte dans le fait de ne pas avoir d’employeur fixe : « Il faut s’entendre avec chaque exploitant. » Il a toutefois apprécié le temps libre que lui laissait son travail en horaires décalés. « L’emploi partagé permet d’offrir des postes plus sécurisés. Si un employeur disparaît, il peut être remplacé par un autre employeur », avance Gilles Duquet. Mais ces nombreux atouts n’empêchent pas le secteur agricole d’avoir de sérieuses difficultés à pourvoir certains postes, pénibles ou très techniques, notamment en « production animale ». Selon l’Anefa, 12 000 emplois de tous niveaux sont aujourd’hui vacants dans la filière agricole, faute de candidature.