« Nous réduisons notre production laitière et créons de l’emploi »
TNC le 27/07/2018 à 06:00
Le Gaec de la Rousselière (44) est en agriculture biologique depuis 20 ans. Avec une nouvelle génération d’associés installée en 2018, il s’engage dans des projets de transformation dont les conséquences seront de diminuer le volume de lait et de doubler les emplois.
Ils se sont installés tous les trois le 1er avril dernier, le jour-même du départ en retraite de Claude Orain. Ses deux fils Aurélien (33 ans) et Ludovic (30 ans), ainsi que Jérémy Vail (27 ans), ont pris la relève du Gaec de la Rousselière à Châteaubriant (44), aux côtés de Marie-Noëlle Orain, dont la transition vers la retraite se fera progressivement les deux prochaines années.
Tous les trois ont effectué leurs études agricoles après avoir travaillé plusieurs années dans le domaine de l’animation notamment. « Pour notre père, reprendre l’exploitation familiale ne fût pas un vrai choix, raconte Ludovic. Pour nous, ça l’est, car nous avons eu la possibilité d’opter pour une autre voie. Nous voulions revenir à La Rousselière avec un projet ayant du sens, une ferme ouverte sur l’extérieur, et être acteur de la vie locale sur le territoire. Nous poursuivons ainsi une dynamique amorcée par nos parents en accord avec l’évolution des attentes de la société. »
Les 4 ha de blé sont transformés en farine avec laquelle les associés fabriquent du pain sur l’exploitation.
L’exploitation compte 100 hectares dont 85 en herbe, 3 ha de maïs fourrager, 4 ha de blé panifiable et 8 ha en mélange céréalier récolté en grains pour les animaux (avoine, triticale, seigle, pois). « Nous produisons 30 quintaux de blé bio par hectare. Il est transformé par un meunier en farine, avec laquelle nous fabriquons du pain depuis 2015, indique Ludovic. Nous allons passer à 5 ha de blé car le fournil explose avec aujourd’hui 300 kg de pain par semaine. » Le projet de fournil a été plus particulièrement porté par Aurélien, salarié sur cette activité dans un premier temps. L’investissement dans cet outil s’est élevé à 50 000 euros. La fabrication du pain a lieu le mardi et le vendredi avec vente sur place dans la foulée de 16 h à 19 h à une quarantaine de clients. Le pain est également écoulé via le magasin Biocoop de Châteaubriant (12 000 habitants), le marché du bourg le mercredi, un marché de producteurs le samedi, ainsi que l’épicerie Vival et… le Cerfrance accompagnant l’exploitation.
Forts de cette expérience en vente directe, les jeunes installés se lancent désormais dans un atelier de transformation du lait, principalement en fromages de type pâte pressée cuite, pour lesquels il n’existe pas à ce jour de production sur le secteur. « Actuellement, les 55 Montbéliardes produisent 380 000 litres de lait bio, avec une moyenne de 6 500 litres par vache en lactation, explique Ludovic. Nous avons construit notre étude économique sur un volume transformé de 100 000 litres à partir d’un troupeau de 40 vaches à 4 000 litres de lait. L’objectif est d’atteindre une valorisation de 1,80 euro par litre transformé ; le reste sera vendu à Biolait. »
Cette nouvelle activité implique une évolution dans l’alimentation des vaches. Avec 55 ha groupés autour du bâtiment, l’optimisation du pâturage s’est déjà mise en place avec les parents, Claude et Marie-Noëlle. Les animaux consomment de l’herbe fraîche du mois de mars au mois de décembre, avec une fermeture du silo de maïs environ trois mois (selon les années) jusqu’à mi-juillet. L’hiver, la ration comprend 4 à 5 kg de maïs, de l’herbe ensilée, enrubannée et/ou fanée, le mélange céréalier, de la féverole achetée à un voisin, du trèfle ou de la luzerne déshydratés. « Nous allons construire un séchoir en grange en 2019-2020 de façon à supprimer les fourrages fermentés et le mélange céréalier, annonce Ludovic. Nous voulons tendre vers une alimentation composée à 100 % d’herbe, même s’il faudra probablement accepter une baisse de productivité. Celle-ci sera compensée par la meilleure valorisation du lait. » Moins de vaches, pas de maïs ni de mélange céréalier : cela sera synonyme aussi d’une simplification du travail et d’une baisse de charges.
La fromagerie est actuellement en construction, à partir notamment de trois caissons de camions frigorifiques réaménagés côte à côte. « Ce sera un local de 80 m2 sachant qu’il faut compter un mètre carré pour 1 000 litres de lait et que nous prévoyons de démarrer avec 40 000 litres transformés, calcule Ludovic. En principe, l’investissement nécessaire est de 1 000 euros par mètre carré, mais avec la récupération de matériaux et l’autoconstruction, nous ne dépasserons pas 40 000 euros. » Les éleveurs se lancent donc avec prudence, et anticipent aussi les 100 000 à 150 000 euros à mettre sur la table prochainement pour l’équipement de séchage en grange. Celui-ci sera réalisé en face d’un bâtiment de stockage existant, qui deviendra une nouvelle étable. « Nous voulons tester notre idée en limitant les investissements. Si cela fonctionne, nous ferons une nouvelle fromagerie dans quelques années. »
Sur les 100 ha du Gaec de la Rousselière, l’installation concomitante de trois jeunes associés a donc été possible avec une prise de risque financier maîtrisée, et une rémunération au démarrage de 1 350 euros nets pour chacun. L’endettement est d’environ 200 000 euros pour les équipements et 200 000 euros pour la reprise du capital. L’outil de production, composé d’une cinquantaine de logettes et d’une salle de traite 2×5 postes, est simple mais fonctionnel et amorti. À terme, le lait et les fromages feront vivre deux associés et deux salariés, tandis que le fournil rémunère déjà un associé et un salarié à temps partiel. L’exploitation générera ainsi six emplois, soit deux fois plus qu’avec la génération des parents déjà aidée d’un salarié. « Travailler en équipe est motivant, souligne Ludovic. C’est aussi plus facile de se faire remplacer et cela améliore la qualité de vie. »