« Il faut que les agriculteurs s’approprient mieux ces notions »
TNC le 21/09/2018 à 18:02
On cite souvent trois grandes composantes de la fertilité du sol : chimique, biologique et physique. Quels indicateurs permettent de les caractériser ? Comment sont-elles liées ? Quels leviers pour les améliorer ? Éléments de réponses par Alain Bouthier et Pascale Métais (Arvalis-Institut du végétal).
Terre-net : Fertilité chimique, biologique, physique… Quelle définition donner à ces trois composantes ?
Alain Bouthier : On connaît surtout la fertilité chimique par la gestion de l’azote. En revanche, on parle assez peu de P-K… J’ai tous les jours des témoignages de carences en potasse sur maïs, ou de baisse de disponibilité des éléments minéraux. La plupart du temps, celles-ci sont le fait d’impasses prolongées, souvent pour des raisons économiques. La fertilité biologique est plus complexe. On y met tous les organismes vivants ayant une activité dans le sol : bactéries, champignons, et macro-faune. Les bactéries et les champignons travaillent par exemple à la destruction du carbone frais et contribuent à sa stabilisation dans le sol. La minéralisation assurée par la biomasse microbienne est aussi une source importante d’éléments nutritifs disponibles pour les plantes.
Pascale Métais : La fertilité physique est la manière dont les différents constituants du sol sont agencés ensemble. Elle est essentielle pour la pénétration racinaire. Les racines doivent pouvoir explorer tout le sol, l’eau et les nutriments qui y sont contenus ; un sol bien agencé, c’est un sol comportant suffisamment de macro-porosité verticale mais aussi de porosité fine à l’intérieur des mottes.
TN : On sait mesurer assez simplement la fertilité chimique, qu’en est-il côté biologie ?
A. Bouthais : Il y a toute une batterie d’indicateurs à disposition, dont certains sont mis en routine : le test « biomasse-fumigation » par exemple coûte une soixantaine d’euros ; nous sommes toujours vigilants à ce que les analyses que nous proposons restent abordables. Le dosage de l’ADN, et prochainement de l’ARN de la biomasse microbienne va bientôt se démocratiser. Il sera complété par des tests visant à déterminer sur quoi agissent microbes et bactéries, sur la base de l’activité enzymatique.
TN : Et pour apprécier l’agencement physique d’un sol ?
P. Métais : L’indicateur royal, c’est le profil cultural. Il a ses contraintes : il est destructeur et prend du temps à réaliser, c’est pourquoi nous travaillons au développement d’outils simplifiés, comme le test-bêche. On prélève un morceau de terre sur une vingtaine de centimètres, puis on observe si celle-ci se tient bien ou si elle se délite. On décompose les mottes et on les trie. La proportion de mottes tassées renseigne sur la porosité fine du sol. Il y a aussi des mesures type densité apparente, qui sont encore expérimentales.
TN : Au plan opérationnel, comment agir sur cette fertilité ?
P. Métais : Tout fonctionne en corrélation. L’activité biologique permet de dégrader certaines matières organiques, en libérant des éléments chimiques essentiels. Mais pour bien se dérouler, cette activité doit avoir lieu dans des conditions physiques satisfaisantes : bonne circulation de l’air, de l’eau… La matière organique stabilise et améliore aussi la structure du sol et aide les éléments vivants qui contribuent à créer de la porosité : passages de vers de terre, de racines, contribuant à améliorer la structure du sol.
A. Bouthier : Tout est lié. Avant d’intervenir, Il faut donc toujours partir d’un diagnostic global. À la ferme, il est possible de tester la fertilité physique et biologique avec des outils simples : test-bêche, stabilité structurale, test d’infiltrométrie ou tea-bag index pour l’activité biologique. Il faut que les agriculteurs s’approprient mieux ces notions : en France, on stagne à 250 000 analyses de terre par an. Il devrait au moins y en avoir le double ! Les Allemands en comptent plusieurs millions par an.