Epargne verte, fermage rénové, achats étrangers : les propositions des députés
TNC le 05/12/2018 à 18:40
Les députés de la commission des affaires économiques et de celle du développement durable ont adopté leur rapport commun sur le foncier agricole. Ils ont listé 15 propositions pour mieux gérer le foncier pour à la fois faciliter l’installation des jeunes et limiter l’artificialisation des terres. Parmi elles, les députés proposent la création d’une « épargne verte » pour « accompagner la relève générationnelle », une plus grande rigueur dans les documents d’urbanisme, et une régulation accrue des investissements étrangers à l’instar de certains actifs stratégiques.
Après que les dispositions de la loi Sapin 2 sur la gestion du foncier agricole aient été recalées par le Conseil constitutionnel, le député PS Dominique Potier avait demandé à ce qu’une mission parlementaire se penche sur le sujet, en vue d’une loi promise par Emmanuel Macron. Cette mission parlementaire, créée le 24 janvier 2018, et réunissant 19 députés membres de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable, a voté son rapport mardi 4 décembre 2018, après une centaine d’auditions de spécialistes du sujet.
Face à un « changement générationnel d’ampleur », un « défi s’impose : réussir l’installation de jeunes agriculteurs pour assurer le changement de modèle agricole et éviter la mainmise sur le foncier de sociétés dont les projets conduisent à l’extension du modèle intensif », a souligné Anne-Laurence Petel, corapporteure aux côtés de Dominique Potier.
Quinze propositions communes ont été présentée. « Ces dernières nécessiteront des expertises complémentaires, vu la complexité et l’ampleur du sujet », a rappelé Jean-Bernard Sempastous, président de la mission d’information sur la gestion du foncier agricole. « L’arsenal juridique dont nous disposons n’est pas à la hauteur des enjeux. Nous avons une obligation de résultat. »
Parmi les propositions, Dominique Potier suggère de créer une « épargne verte ». Cette dernière viserait à « accompagner la relève générationnelle et la mutation agroécologique, fléchée vers trois bénéficiaires : les agriculteurs eux-mêmes, les groupements fonciers agricoles et les collectifs citoyens comme Terre de liens, ainsi que les collectivités locales qui peuvent jouer un rôle temporaire ou plus durable en termes de portage de foncier. »
La terre aussi protégée que l’eau
Sur le plan qualitatif, Dominique Potier veut inscrire les sols au patrimoine commun de la nation, au même titre que la qualité de l’eau. « Ce principe s’appuierait sur l’article L.110-1 du code de l’urbanisme qui classerait les sols au même niveau de protection que l’eau. Les zones agricoles protégées deviendraient la règle banale et non plus l’exception. » Par ailleurs, le député veut trouver de nouveaux moyens, notamment par des aides budgétaires, pour renforcer la densité urbaine et ainsi limiter l’étalement urbain. Les députés envisagent de revoir les règles d’urbanisme commercial et industriel.
Plus globalement, le rapport propose de lutter efficacement contre l’artificialisation des terres par une plus grande rigueur des documents d’urbanisme.
Il faudra, dans ce cadre, « faire un inventaire des friches, recenser la totalité des opérations » sur les marchés fonciers, des ventes de terres, des locations, des cessions de part sociales, et même du travail agricole délégué. Les députés veulent faire du Scot le document d’urbanisme de référence. « Il faudra simplifier l’ensemble de la gouvernance territoriale en faisant du Scot le socle de la gestion du foncier et de son usage », a expliqué Anne-Laurence Petel.
Le rôle des Safer devra être redéfini. Les députés préconisent de « renforcer leur action et leur transparence » via un contrôle de tutelle plus marqué et une présence plus forte de l’État dans la gouvernance ».
Des réductions d’impôt pour des fermages plus bas
Le statut du fermage aussi devra être revu, comme l’appellent de leurs vœux depuis des années aussi bien les représentants des propriétaires bailleurs que ceux des fermiers. Cette rénovation du fermage doit donner « plus de souplesse à la fixation des prix dans les zones à fermage dominant en augmentant le seuil au-delà duquel le contrôle des fermages est obligatoire. Pour Jean-Bernard Sempastous, le président de la mission parlementaire, il faut « créer des outils fiscaux incitatifs, un crédit ou une réduction d’impôt pour les propriétaires qui loueraient leurs terres en contrepartie d’une réduction de loyer. »
Et face aux alertes répétées de la FNSafer sur la multiplication des investissements étrangers hors de contrôle sur le foncier agricole français, les parlementaires proposent de les réguler davantage, en inscrivant la terre agricole au même titre que d’autres actifs stratégiques nationaux, comme les ports ou les aéroports.