Des planteurs mobilisés pour éviter la fermeture des deux usines
TNC le 12/04/2019 à 18:04
La fermeture annoncée des sucreries Saint-Louis Sucre de Cagny (Calvados) et d'Eppeville (Somme) représenterait une véritable impasse pour les 2 304 planteurs concernés, ainsi que pour toutes les parties prenantes de la filière. Bon nombre d’agriculteurs sont déterminés à vouloir reprendre en main ces outils industriels afin de pérenniser leur production de betteraves.
Dans le cadre du projet de restructuration des activités sucrières de Südzucker en Europe, Saint-Louis Sucre (filiale du groupe allemand) a annoncé, le 14 février dernier, la fermeture de deux de ses quatre sucreries françaises en 2020 (celles de Cagny dans le Calvados et d’Eppeville dans la Somme). Cette nouvelle représente une véritable « déconvenue » pour les 1 036 planteurs de betteraves sucrières de Cagny et les 1 268 planteurs d’Eppeville : « deux ans à peine après nous avoir demandé d’augmenter les surfaces afin de saturer leurs outils de production et permettre une augmentation des prix », explique David Brunel, planteur et président de la commission interprofessionnelle de l’usine d’Eppeville. Ce serait un « énorme gâchis » pour « nos territoires particulièrement favorables à cette culture par le type de terres et le climat », précise Jérôme Le Secq, planteur dans la région de Cagny.
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Des conséquences négatives aux niveaux agronomique et économique… mais pas seulement !
« La culture de betterave s’intègre très bien dans nos rotations », ajoute l’agriculteur. L’arrêt de la betterave mènerait à une « forte remise en question des assolements et des problèmes au niveau du désherbage et des maladies des plantes. Remplacer la betterave par des céréales ou des protéagineux ne serait pas l’idéal d’un point de vue agronomique et ne représenterait pas la même marge économique non plus ». Pour David Brunel, « une adaptation à court terme serait envisageable, mais pas de façon durable. Nous avons peu de choix au niveau des cultures « tête de rotation ». De plus, cela pourrait aussi avoir un impact fort sur ces productions ». Les liniculteurs sont notamment inquiets. « Le lin étant une culture très locale, l’augmentation des surfaces entraînerait un effet direct sur le prix », ajoute Catherine Pilet, agricultrice en polyculture-élevage dans le Calvados.
Un arrêt de la betterave dans le Calvados et l’Orne aura également des retombées négatives pour les éleveurs. Pour Catherine Pilet, « la conséquence est double ! » Même si elle veut y croire encore, l’agricultrice ne peut « occulter cette possibilité ». Elle réfléchit donc à des cultures de remplacement pour son assolement, ainsi que pour l’alimentation de son troupeau bovin allaitant. Actuellement, elle distribue des betteraves fourragères de novembre à février et elle compte le reste de l’année sur la pulpe de ses betteraves industrielles (droit de récupération) notamment. La fin de ces deux bassins betteraviers aura aussi des impacts directs et indirects sur l’ emploi local : les salariés des sucreries (près de 130 emplois concernés), mais aussi les transporteurs, les sous-traitants, entrepreneurs agricoles, etc.
« Des planteurs déterminés pour pérenniser leur production de betteraves »
« Si la crise que connaît la filière betterave-sucre-éthanol est sans précédent, la CGB appelle à ce que toute décision qui viendrait remettre en cause les capacités industrielles ou agricoles à produire du sucre de betterave soit mûrement réfléchie et concertée », a déclaré Franck Sander, président de la CGB à la mi-février. « Il est primordial de ne pas compromettre une excellence agronomique et industrielle que la filière a mis de nombreuses années à bâtir ». Lors d’une rencontre le 22 mars dernier, « les représentants des planteurs ont indiqué à Südzucker que la CGB étudie toutes les options possibles pour maintenir les bassins de production et les outils industriels de Cagny et d’Eppeville », précise Benoît Carton, directeur régional de la CGB Normandie.
« Les planteurs concernés sont très déterminés à vouloir reprendre l’outil industriel pour pérenniser leur production de betteraves. La CGB étudie donc un plan de reprise, en expertisant la partie industrielle, les débouchés potentiels, établissant un business plan, plan de financement… » Mais cela ne pourra aboutir que si Südzucker laisse l’opportunité aux planteurs de reprendre, comme le précisent tous les agriculteurs interrogés. La nouvelle rencontre est prévue le 29 avril prochain. « Le ministre de l’agriculture appuiera tout projet de reprise crédible », comme il l’a rappelé lors de son déplacement à Cagny le 27 mars dernier, complète Benoît Carton. Les régions Hauts-de-France et Normandie sont également mobilisées et prêtes à accompagner un plan de reprise. Rappelons toutefois que « le calendrier est court ! Les planteurs ont besoin de savoir si la betterave sera dans les assolements 2020 et ces décisions d’assolement s’établissent de juin à septembre 2019 », conclut Benoît Carton.