« Être reconnues pour ce que nous sommes, des agricultrices »
TNC le 16/10/2019 à 08:33
Hier, mardi 15 octobre, c'était la journée internationale de la femme rurale. L'occasion de mettre en avant certaines initiatives en faveur des droits et de la reconnaissance des agricultrices, a fortiori si celles-ci en sont à l'origine. Journées départementales "Agriculture au féminin", pièce de théâtre, guide pour une communication sans stéréotype de genre en agriculture, déplacement au Sénat... en Bretagne, les exploitantes agricoles sont particulièrement actives. Pas très loin, en Vendée, les portraits de 85 femmes, agricultrices, qui souhaitent le devenir ou l'ont été auparavant, ont été compilés dans un livre qui sera présenté mi-novembre.
Depuis 11 ans, l’Organisation des nations unies (Onu) met à l’honneur les femmes rurales le 15 octobre via une journée internationale. Elles qui « contribuent de manière significative à la production agricole, la sécurité alimentaire, la gestion des terres et des ressources naturelles, et jouent un rôle majeur dans la pérennité des communautés en zone rurale », précise son assemblée générale. Et qui, dans de nombreux pays encore, n’ont quasiment aucun droit, statut ni reconnaissance.
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En France, on n’en est plus là heureusement grâce à la création du statut de co-exploitante en 1980, de l’EARL en 1985 et de conjointe collaboratrice en 1999. Les mentalités changent, notamment parce que de plus en plus de femmes s’installent en agriculture (40 % en 2017), en élevage comme par exemple Perrine Sourice et grandes cultures comme Amandine Muret-Beguin, et contribuent à faire évoluer les choses. Pas si rapidement que ça cependant : il reste encore, sans doute plus que dans d’autres secteurs professionnels, des marges de progrès pour parvenir à l’égalité des sexes.
« On ne veut pas prendre la place des hommes »
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Un constat à l’origine de la mise en place du groupe régional « Agriculture au féminin » en Bretagne il y a aussi 11 ans. Rassemblant des agricultrices membres d’organisations professionnelles agricoles (OPA), il n’est jamais à court de motivation ni d’idées pour promouvoir et défendre le rôle des femmes en agriculture. Il organise régulièrement des journées départementales de sensibilisation pour encourager les femmes à s’installer et à s’impliquer en dehors de l’exploitation. « On ne veut pas prendre la place des hommes », nous confiait Isabelle Salomon, sa présidente, au dernier Salon de l’agriculture. Il y a toujours eu des femmes en agriculture mais elles n’étaient que femmes de leurs maris. Nous voulons juste être reconnues pour ce que nous sommes, des agricultrices à part entière. »
Cela passe par la promotion du métier au féminin, auprès des jeunes filles et femmes, la formation pour élargir et approfondir les compétences, la prise de responsabilités professionnelles et la diffusion d’une culture de l’égalité et de la parité dans le monde agricole. Isabelle Salomon déplore cependant que « trop peu de femmes s’engagent professionnellement ». « Renouveler les postes d’administratrices est un vrai challenge pour de nombreuses structures agricoles. Or, il faut des femmes pour que les choses avancent. Beaucoup encore se mettent des freins par rapport à leur travail sur la ferme, leur vie familiale ou doutent tout simplement d’être capables d’exercer ces fonctions. Nous leur expliquons qu’il existe des solutions pour se faire remplacer et que parler en public, comme défendre des dossiers, s’apprend via des stages et/ou l’expérience. »
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« Où est le patron ? »
Les jeunes générations semblent considérer comme acquis certains droits des agricultrices et oublient le long combat mené par leurs aïeules, ce qui inquiète l’éleveuse laitière finistérienne qui a encore en mémoire plusieurs anecdotes, l’une d’elles plutôt récente. Entre le marchand de bestiaux qui lui demandait il y a 22 ans « Où est le patron à qui je dois acheter un veau ? » et auquel elle avait répondu aussi sec « C’est moi et c’est moi qui vais vous le vendre ! » et le jeune stagiaire cherchant aussi son « patron » à son arrivée sur l’exploitation l’année dernière, ses inquiétudes paraissent encore fondées. C’est pourquoi le groupe « Agriculture au féminin » multiplie les actions et espère que celles-ci « essaimeront dans d’autres régions ».
« Osez être agricultrices »
Tel est le nom du projet de la commission des agricultrices de la FDSEA de Vendée dévoilé, ce mardi 15 octobre, à l’occasion de la Journée internationale de la femme rurale. Avec le soutien de la Direction départementale de la cohésion sociale, du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles, de la Région et du Département, elle a réalisé un livre de photos regroupant 85 portraits de femmes, agricultrices, souhaitant le devenir ou l’ayant été auparavant. Rendez-vous dès aujourd’hui sur la page Facebook de la FDSEA de Vendée. Chaque jour, vous y découvrirez en avant-première une de ces femmes, véritables actrices du monde rural.
Au Salon de l’agriculture 2019, il avait notamment présenté son guide « Bien dans mes bottes » pour une communication sans stéréotype de genre dans les OPA bretonnes. Car si aux dernières élections aux chambres départementales et régionales d’agriculture, le seuil de 30 % de femmes a été légèrement dépassé et si Isabelle Salomon dit être reconnue et même soutenue par ses homologues masculins, les agricultrices regrettent qu’on communique encore trop souvent en les incluant implicitement dans le terme « agriculteur » et en représentant des hommes sur leur tracteur. Parmi les autres initiatives pour se faire entendre, ces agricultrices de Bretagne sont montées sur les planches d’un théâtre, puis jusqu’au Sénat à Paris.
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