Labourer ou non ? La météo remet cette question au premier plan
TNC le 10/11/2019 à 13:58
Longtemps attendue pendant la période estivale, la pluie a fait son grand retour depuis la fin septembre et perturbe actuellement les semis d'automne. Avec ces conditions humides, une grande partie des agriculteurs ont dû revoir leurs pratiques culturales habituelles. Nombreux parmi ceux qui avaient abandonné le labour y reviennent cette campagne pour semer leurs céréales. Pour d'autres, il est inenvisageable de retravailler le sol : il faut alors trouver le créneau le plus adéquat possible ou bien attendre... Retrouvez leurs différents témoignages.
Une bonne implantation est primordiale dans la réussite des cultures de céréales. Mais cette année, les conditions météorologiques ne se montrent pas vraiment optimales. En effet, la pluie, très attendue pendant la période estivale, gêne actuellement l’avancement des chantiers de semis sur une large partie du pays. Au 28 octobre 2019, Céré’Obs enregistrait 54 % des parcelles de blé tendre semées, contre 70 % à la même date l’année dernière ; 71 % des parcelles d’orge d’hiver semées, contre 75 % en 2018 et 4 % des parcelles de blé, contre 11 %. Dans ces conditions, une grande majorité des agriculteurs adaptent leurs pratiques culturales.
Le retour de la charrue dans ces conditions humides
Agriculteur au nord de la Loire-Atlantique, Bastien Papion a abandonné le labour progressivement depuis une quinzaine d’années pour des économies de temps, de carburant et de matériel surtout, au profit des techniques culturales simplifiées (TCS). « J’avais toutefois conservé ma charrue, qui a plus de 20 ans, en cas de graminées résistantes ou d’année humide, explique l’agriculteur. Cette année, elle me permet de ressortir de la terre plus sèche pour les semis d’automne, car le ressuyage en surface du sol n’est pas suffisant ».
Dans son secteur, Bastien Papion a reçu 245 mm depuis le 23 septembre. « Le problème principal, c’est que durant toute cette période, il n’y a quasiment pas eu de jours sans pluie : seulement 3 fois 2 jours consécutifs », constate-t-il. Habituellement, les semis de céréales se déroulent du 15 octobre au 5 novembre. Pour cette campagne, il a pu semer 50 % de de sa surface de blé tendre au 6 novembre et n’a pas encore commencé les semis d’orge d’hiver. L’agriculteur pense abandonner en tout 30 % de la surface prévue en céréales d’automne, au profit des cultures de printemps : maïs grain et tournesol notamment, un peu de pois et de soja aussi. « On observe des mouillères dans certaines parcelles, qui ne s’enlèvent généralement pas avant la fin de l’hiver », explique-t-il.
Le retour au labour ralentit aussi les chantiers dans ses terres limoneuses : « il faut 2 fois plus de temps qu’en TCS », estime Bastien Papion. Il compte profiter des accalmies prévues en fin de semaine et les prochains jours pour avancer, et espère terminer ses semis d’ici le 15 novembre (en augmentant légèrement les densités de semis). « Sinon passé cette date, le potentiel de rendement des céréales sera fortement réduit, avec un risque d’asphyxie des cultures. »
Après 178mm de 🌧️ depuis 1 mois et avant 85mm d’ici j+10. On abandonne l’idée TCS et SD, on ressort charrue + combiné pour essayer de semer un peu de #blé 🌾 pendant ces quelques heures sans 🌧️. #semis2019 #pluies #wheat @KuhnSA pic.twitter.com/59dOoDJQ4a
— Bastien P 🌱 (@bastienpap) 29 octobre 2019
Nombreux sont les agriculteurs dans le cas de Bastien Papion, comme en témoignent leurs photos et vidéos partagées sur les réseaux sociaux :
Certains de nos #agriculteurs ,ce matin décident de ressortir le plan B, l’écurie @JohnDeere #charrue et le #combiné #Amazone .Pour de l’#orge #Visuel ,pendant deux jours.
En espérant finir dans quelques jours, fin du mois les #blés . pic.twitter.com/XW0hE4KpsF— Olivier COSTE (@OlivierCOSTE2) 5 novembre 2019
Avec ce temps pluvieux, obligé de sortir la charrue pour clôturer les emblavement en #blé pour cette campagne ! Au final, modifications des #assolements et #rotations. pic.twitter.com/UrLu0Mm1zM
— Vincent R (@Vincent_r89) 1 novembre 2019
Évidement, les semis d’automne sont stoppés pour quelques semaines #blé #feverole pic.twitter.com/9YS5jrKfGP
— Chaîne Agricole (@chaineagricole) 4 novembre 2019
« Il est hors de question de retravailler les sols »
Pour d’autres agriculteurs, « il est hors de question de retravailler les sols », comme en témoigne Christophe Naudin, engagé en agriculture de conservation des sols (ACS) depuis 2014 à Maisse (Essonne) et convaincu par ces techniques en faveur de la vie du sol. Dans sa région, il comptabilise 80 mm sur le mois d’octobre et plus de 25 mm pour le mois de novembre.
Même si « les sols sont bien remplis d’eau », l’agriculteur, qui commence habituellement les semis vers le 15 octobre (pour des soucis de ray-grass) et qui a semé, à ce jour, environ 40 % de sa sole de céréales, reste optimiste. « Les semis de blé peuvent être envisagés jusqu’à la mi-décembre » dans ses terres argilo-calcaires et ses limons argileux. De plus, « le sol étant couvert, ça aide ! Il faut être patient », ajoute Christophe Naudin. Afin d’optimiser les chantiers, il a eu recours à quelques adaptations sur son semoir John Deere 750 A : « modifier la roue de rappui : soit la relever, soit l’enlever ; modifier les roues de jauge du semoir et supprimer la pression exercée. »
Après un dimanche pluvieux….
Les sols couverts permettent de garder les pieds propres! pic.twitter.com/Vosd7IAHjl
— Christophe NAUDIN🌱🌍 (@Chris_Naudin) 28 octobre 2019
De son côté, Gilles vk, agriculteur dans le Loiret, a choisi de forcer un peu pour ses semis en direct de blé sous couvert (densité de semis : 170 kg/ha) : « Les conditions de semis ne sont pas optimales : c’est un petit peu gras, mais ça passe ! L’idéal serait d’attendre quelques jours, mais de la pluie est annoncée, donc il y a trop de risques », explique-t-il dans sa vidéo Youtube.
Labourer ou non ? Cette question divise une fois de plus les agriculteurs. Les avantages et les inconvénients de chaque pratique culturale diffèrent selon les agriculteurs : en fonction de leur exploitation, de leur assolement, de leurs attentes et surtout, comme on peut le voir cette année, du contexte pédo-climatique.