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S'installer en élevage laitier (1/2)

1 000 € de capital pour produire 1 000 l de lait


TNC le 23/04/2020 à 09:25
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Reprendre une exploitation laitière exige des capitaux de plus en plus importants. Face à ce constat récurrent sur le terrain, le CER France a souhaité mieux connaître les investissements des jeunes éleveurs au moment de leur installation. Une étude qui devrait également permettre de cerner plus précisément les facteurs de risque et de faire évoluer les référentiels utilisés pour évaluer la viabilité économique des projets.

Les objectifs de l’étude

  • cerner les enjeux économiques liés aux investissements pour s’installer en lait…

Le CER France cherche, en particulier, à connaître leur nature et les montants investis. Il souhaite aussi évaluer le niveau de capitalisation chez les jeunes producteurs de lait et son lien avec leur projet technique, leur profil et leur parcours antérieur. Il s’agit encore de savoir s’il existe une relation entre le prix de la reprise des exploitations, leur degré de modernisation et leur rentabilité économique.

Lire aussi : Quelques clés pour réussir son projet

  • … pour mieux identifier les facteurs de risque dans les dossiers des futurs éleveurs

Ce travail vise à établir des seuils au-dessus desquels l’investissement devient risqué et à analyser les différences constatées entre les régions, les élevages et les systèmes.

Le but ultime : voir s’il est possible « d’identifier de nouveaux référentiels pour appréhender l’investissement au moment de l’installation en production laitière », résume l’organisme qui précise que « l’analyse est centrée sur les moyens de production hors foncier ». « Les terres sont souvent financées de manière privée et n’apparaissent pas dans la comptabilité », ajoute Nathalie Velay, chargée de mission en veille économique au CER France Alliance Massif Central.

L’échantillon 

  • 372 dossiers d’installation de 2012 à 2015, spécialisés en production bovine laitière

« Trois années de comptabilité exploitables et un bilan d’ouverture permettent d’avoir un peu de recul par rapport à la politique d’investissement au moment de l’installation », détaille Nathalie Velay.

  • 3 zones géographiques représentant la diversité laitière française (taille d’exploitations, situation géographique, topographie, climat, filières, débouchés…)
(©CER France)

Les résultats (partie 1/2)

  • Trois grands types d’investissement.

– au moment de l’installation : l’actif à reprendre ;

– dans les 3 ans qui suivent : la modernisation et le développement de l’élevage / le besoin en fonds de roulement (gestion de la trésorerie).

Lire aussi : Sources de financement, prix d’équilibre : les clés pour ne pas se tromper

  • La ferme à reprendre : 1 070 € de capital en moyenne pour produire 1 000 l de lait 

– Des écarts entre bassins de production.

> 980 € de capital/1 000 l en plaine à 1 400 €/1 000 l en zone de montagne à forte valeur ajoutée.

> 207 700 € d’actif/UTH en plaine à 124 260 € d’actif/UTH en bio.

– La forme sociétaire facilite la reprise des capitaux.

Près de 224 000  € d’actif/UTH en individuel contre un peu moins de 175 000 € en société. « On observe une dilution de l’actif à reprendre sur un plus grand nombre de personnes », résume Nathalie Velay.

(©CER France)

– La qualité de l’outil de production est déterminante.

On s’aperçoit que « la taille de l’entreprise, de laquelle dépend directement l’effectif du troupeau, et la valeur du stock augmentent de façon proportionnelle, avec une optimisation au-delà de 4 000 l de lait/ha et 6 000 à 8 000 l/vache, à la différence des immobilisations (bâtiments, matériels) qui, elles, ne s’accroissent pas avec le volume d’activité » mais dépendent de la valorisation du lait et des travaux de modernisation réalisés, fait remarquer Nathalie Velay. À noter : « le niveau d’actif est supérieur lorsque le cédant a modernisé sa structure avant de la transmettre. »

– La méthode d’évaluation de la valeur de l’exploitation influe aussi.

Sur les trois existantes (patrimoniale, de rentabilité, de reprenabilité), celle s’appuyant sur « la rentabilité, si elle souvent utilisée, est rarement retenue », or « si elle l’était, l’entreprise serait dépréciée en moyenne de 30 % », estime le CER France. On peut ainsi « se demander si demain, l’acceptation de la dépréciation des actifs sera une condition pour réussir une installation ». « Il faut trouver un compromis entre la pérennité de l’entreprise, le capital retraite du cédant et l’équité familiale », souligne Nathalie Velay.

  • 103 000 €/an investis les trois premières années (630 €/1 000 l de lait)

Contre 31 000 €/an et 300 €/1 000 l pour leurs aînés. Sur 100 € d’investissement, 55 € servent à financer les bâtiments, 33 € le matériel et 12 € le cheptel. Les sommes investies sont plus importantes dans les territoires de montagne à forte valeur ajoutée (500 à 1 300 €/1 000 l) que dans les zones de montagne classique (300 à 900 €/1 000 l) et en plaine (350 à 750 €/1 000 l). « Des chiffres sans corrélation avec la taille de la ferme, la productivité du travail ou l’outil de départ, mais qui impactent fortement le coût de production du litre de lait », met en avant Nathalie Velay.

Le tableau ci-dessus fait apparaître une zone de vigilance en termes d’investissements au moment de l’installation en élevage laitier. (©CER France)

Le contexte économique (prix du lait, valeur ajoutée grâce aux filières sous signes de qualité), l’image des productions et le confort de travail expliqueraient davantage les 30 % d’investissements supplémentaires effectués dans les Savoie comparé à l’Auvergne. Partout, « un seuil de vigilance  semble cependant apparaître autour de 800 € investis et 120 € d’amortissements/1 000 l de lait », complète la chargée de mission. Celui-ci reflète la cohérence des choix d’investissement entre la reprise de l’exploitation, la modernisation et le développement de cette dernière.

  • Le besoin de fonds de roulement souvent sous-estimé

« Une entreprise laitière doit disposer de 80 jours de chiffre d’affaires pour couvrir le besoin de fonds de roulement (BFR), financer le BFR de départ et le BFR de croissance et préserver sa trésorerie », rappelle le CER France. Le BFR moyen des élevages étudiés est de 85 600 €, soit 180 €/1 000 l de lait : 50 à 60 % sont ainsi dans le vert (plus de deux mois de charges d’avance, voir le graphique ci-dessous) trois ans après l’installation et 40 à 50 % justes en trésorerie (25 à 30 % ont seulement un mois de charges d’avance et 10-15 % moins d’un mois). À savoir : le BFR est très dépendant du volume d’activité mais peu visiblement de la zone géographique. «  Un besoin de fonds de roulement mal apprécié, c’est une trésorerie pénalisée », insiste le CER France.

40 % des jeunes éleveurs sont justes en trésorerie trois ans après leur installation. (©CER France)

La suite des résultats de cette étude à découvrir dans les prochaines semaines sur AgriMutuel.