Transformer leur lait en glaces, ils se sont lancés mais pas n’importe comment !
TNC le 01/05/2020 à 06:00
C'est à quelques kilomètres de Dieppe en Seine Maritime (76) que Damien Capron et Nicolas Blondel ont lancé la ferme d'Idoine. Éleveur laitier pour l'un, salarié agricole pour l'autre, les deux hommes se sont associés dans l'objectif de fabriquer des glaces à la ferme. Ils ont alors fait appel à Glace concept qui les a accompagnés dans leur projet. Aujourd'hui, avec presque deux ans de recul, les associés ont déjà transformé près de 100 000 litres de lait et il y en a pour tous les goûts...
« Cela fait longtemps que je songeais à transformer mon lait pour mieux le valoriser », se souvient Damien Capron à Sauchay (76). En construisant sa nouvelle stabulation, l’éleveur laitier avait même déjà prévu un local dans les plans. Pas question en revanche d’empiéter sur le marché de ses voisins : « Ils sont déjà beaucoup à faire des yaourts, de la crème, du beurre ou encore du fromage mais personne ne faisait de glaces alors je me suis dit pourquoi pas moi ! »
Transformer et vendre à la ferme (et ailleurs !)
Damien et son associé Emmanuel s’occupent déjà des 174 ha de SAU et du troupeau de 95 vaches laitières et leur suite, difficile pour eux d’en faire plus. C’est là qu’intervient Nicolas Blondel. Auparavant salarié agricole, ce passionné d’élevage s’intéressait à la transformation laitière. « J’ai embauché Nicolas à mi-temps sur l’exploitation en 2016 et nous avons conçu ensemble la SAS ferme d’Idoine pour la transformation », explique Damien. Pourquoi ferme d’Idoine ? L’éleveur explique : « Quand je me suis installé sur la ferme familiale en 1987, on avait une vache qui s’appelait Idoine et cela signifie « qui tombe à pic », je trouve que ça correspond parfaitement à notre projet. »
Après un démarrage sur les chapeaux de roues en juin 2017, les deux associés transforment aujourd’hui 50 000 l de lait à l’année en glaces et desserts glacés. Ils produisent aussi un peu de crème, beurre et fromage blanc pour la vente à la ferme car, comme l’explique Damien, « la crèmerie reste un produit d’appel ». Leurs glaces en revanche se retrouvent dans plusieurs restaurants du secteur et de nombreux points de vente comme des magasins de producteurs et des GMS. Ils la proposent aussi sur plusieurs marchés et l’été en vente à emporter sur le front de mer près de chez eux.
Si Nicolas est totalement à son aise dans l’ atelier de transformation, Damien endosse volontiers le rôle de commercial pour s’occuper du démarchage. « Qu’on vende à des particuliers ou à des professionnels, ça n’est pas le même travail, confie-t-il. Avec les restaurateurs par exemple, il a fallu organiser des rencontres, des dégustations, puis négocier, convaincre… ce n’est pas toujours facile mais c’est un aspect intéressant du métier que je ne connaissais pas auparavant. »
Un projet accompagné par Glace concept
Fabriquer des glaces, c’est un beau projet mais concrètement comment ça se met en place ? Pour ne pas plonger dans l’inconnu, Damien et Nicolas ont fait appel à Charles Bertholet. Anciennement vendeur de matériel pour les métiers de bouche, ce petit-fils d’agriculteurs a lancé Glace concept dont la mission est d’accompagner les éleveurs dans leur projet.
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De la vente de matériel à la formation à la carte, Charles Bertholet propose un panel de services avec le gros avantage de ne pas franchiser les agriculteurs. Ce projet lui a même valu d’être récompensé par un sommet d’or en 2019. Ces services ont séduit les associés de la ferme d’Idoine.
Ainsi, après plusieurs échanges, Glace concept est entré dans la boucle pour accompagner le projet. Ça s’est traduit en plusieurs étapes :
– Une formation d’une journée avec un artisan glacier pour apprendre les bases de la fabrication. Les éleveurs sont ensuite repartis avec deux listes : celle des ingrédients et une autre non exhaustive avec des contacts de fournisseurs pour l’approvisionnement des matières premières.
– La commande du matériel pour aménager le laboratoire.
– La livraison d’un logiciel pour calculer et ajuster les recettes. « Contrairement au lait UHT, la composition du lait travaillé en ferme peut rapidement varier. Le logiciel permet d’ajuster les recettes en fonction des paramètres saisis par l’éleveur », explique Charles Bertholet.
– Enfin, dernière étape obligatoire : une fois le matériel de transformation installé, l’artisan glacier vient effectuer la mise en route à la ferme et poursuit la formation aux éleveurs sur 3 jours.
En tout et pour tout, l’exploitation a investi 200 000 € dans son atelier de transformation (aménagement du laboratoire et du magasin, prestations de Glace concept, et camionnette pour les livraisons compris et auquel pourrait prochainement s’ajouter une conditionneuse). Cela comprend notamment 85 000 € d’investissement auprès de Glace concept (80 000 € d’achat de matériel et 5 000 € de formation) que les associés ne regrettent pas. Pour ce qui est de la valorisation du lait, les éleveurs l’estiment aujourd’hui à 500 €/1 000 l. La crémerie représente encore aujourd’hui la moitié des ventes mais la glace tend à prendre le dessus car la ferme commence à être bien connue dans le secteur.
Charles Bertholet explique : « Le forfait de base comprend tout ce qui a un impact sur la qualité de la glace : le matériel et la formation. On propose aussi d’autres options (fourniture des pots par exemple, étude de marché, mise en relation avec des prestataires, prospection, etc.) mais elles sont facultatives. » Glace concept ne touche aucune royalties sur les ventes. « Les éleveurs sont totalement autonomes. On leur apporte un cahier de recettes au départ mais ils sont libres d’en développer d’autres. Ici par exemple, ils ont lancé la glace au caramel de pommes dieppois et plus originale encore : la glace salée au Neufchâtel. Même chose pour les fournisseurs : on leur propose une liste de contacts mais ils sont libres de travailler avec qui ils le souhaitent.
Pour lui, le vrai plus pour les éleveurs, c’est le logiciel : « Il équilibre les recettes au plus juste et fait gagner un temps précieux. La composition du lait fait varier la texture, la durée de conservation de la glace, la quantité des ingrédients… À chaque changement, les éleveurs doivent mettre à jour les paramètres pour ajuster les recettes. » Nicolas le confirme : « Les vaches pâturent 6 mois de l’année et même en dehors du pâturage, la ration peut évoluer pendant l’hiver. Sans le logiciel, on perdrait beaucoup de temps à tester et valider les changements. » Il y saisit alors les données du contrôle laitier et les résultats d’analyse de la crème qu’il réalise tous les 3 mois.
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Transformer son lait en crème glacée : un champ des possibles !
« Faire de la glace est un process assez simple, explique Nicolas, mais un petit changement dans l’alimentation du troupeau peut tout perturber. On s’en est vite rendu compte ; par exemple, les crucifères ou les pommes de terre sont bannies de la ration car elles rendent la texture du lait très difficile à travailler. » L’expert des glaces garde notamment toujours un œil sur le résultat de contrôle laitier.
De novembre à décembre, il ne quitte pas son laboratoire de la semaine : c’est la pleine période des bûches et autres desserts glacés. Le reste de l’année, il consacre 2 jours par semaine à la transformation et passe le reste de son temps au magasin ou dans les vaches. « L’avantage de la glace c’est qu’elle se conserve jusqu’à 1 an, ce qui nous permet d’anticiper la production. » Début février par exemple, Nicolas préparait déjà les glaces qui seront vendues au printemps. Damien quant à lui se concentre sur le troupeau et le commerce.
Pas de regret pour les deux collaborateurs qui s’y retrouvent pleinement. Autre avantage non négligeable : avec leur matériel (écrémeuse, pasteurisateur et turbine), ils sont capables de sortir 6 gammes de produits : à la crème glacée s’ajoutent le yaourt, le sorbet yaourt, le lait pasteurisé, la crème, et le fromage blanc maigre. Les associés ont encore un champ des possibles devant eux !