Un niveau d’échanges inégalé sur les terres et prés en 2019
TNC le 01/06/2020 à 06:06
Dans un contexte morose, marqué par la baisse des résultats agricoles, le marché des terres et prés libres a été particulièrement dynamique en 2019, porté par la vague de départs en retraite. Le prix des terres est resté stable, à 6 000 €/ha. Si les prix ont légèrement augmenté dans les zones d’élevage bovin, la FNSafer tire néanmoins la sonnette d’alarme en ce qui concerne l’élevage et ses risques de disparition, alors que les repreneurs se font de plus en plus rares dans certaines régions.
À 6 000 €/ha en moyenne, le prix des terres et prés libres en 2019 est resté stable par rapport à l’année précédente. Comme en 2018, cette stabilité s’explique, selon la FNSafer, qui a présenté ces chiffres annuels en visioconférence le 28 mai, par un nouveau repli des résultats agricoles et par des taux d’intérêts négatifs.
Néanmoins, le marché a été particulièrement dynamique, avec 94 450 transactions (+ 4 %), 424 100 ha échangés (+ 4,9 %) et 5,4 milliards d’euros en valeur (+ 10,0 %), des niveaux jamais égalés jusqu’à présent. Le contexte d’accélération des départs à la retraite (entre 2020 et 2030, un tiers des exploitants français seront en âge de prendre leur retraite) explique en partie cette évolution.
Les échanges de terres et prés loués non bâtis connaissent eux-aussi une année record, avec 219 000 ha, pour un prix moyen de 4 760 €/ha, une partie de ces achats (53 %) étant réalisés par le fermier en place en vue de consolider l’assise foncière de l’exploitation avant sa transmission, indique la FNSafer. Cette proportion est néanmoins en baisse, puisqu’elle était de 68 % en 1993. Sur la même période, les agriculteurs non fermiers en place passent de 11 % à 15 %, et les non-agriculteurs se maintiennent, leurs surfaces acquises ne passant que de 14 % à 16 %.
Prix en baisse en zones de grandes cultures, hausse dans les zones d’élevage
Les prix diffèrent cependant en fonction des productions agricoles. Dans les zones de grandes cultures, en hausse en 2018, les prix marquent un repli de – 3,3 % en 2019 et s’établissent en moyenne à 7 290 €/ha. En revanche, ils remontent de + 2,1 % dans les zones d’élevage bovin, pour un prix moyen de 4 670 €/ha.
Un risque manifeste de déclin de l’élevage
Malgré cette hausse de prix dans les zones d’élevage, la FNSafer tient à alerter sur le recul des exploitations d’élevage. « Il y a un risque de raréfaction des repreneurs, sachant que dans certaines zones, des exploitations ne trouvent déjà pas de repreneurs », explique Loïc Jégouzo, ingénieur d’études à la FNSafer. Plusieurs freins contribuent à cette situation : « normalisation » de la vie des agriculteurs, qui aspirent à plus de temps libre, coût des mises aux normes et taux d’immobilisation élevés, parallèlement à une incertitude vis-à-vis des revenus et à de nouvelles exigences sociétales.
Or, cette disparition des exploitations d’élevage se fait en partie au profit des exploitations de grandes cultures, avec un recul surtout marqué en zone de plaine, là où les conditions agronomiques font que les prairies peuvent être retournées, et où la valorisation du lait est moindre.
Augmentation des transferts de parts de sociétés : un risque accru de concentration
Et cette disparition des exploitations d’élevage au profit des exploitations de grandes cultures accentue en partie un phénomène de concentration, que risque également de renforcer la forte augmentation des transactions par transferts de parts de sociétés. « Même si cette dynamique ne pose pas de problème pour une part importante de transactions, 20 % de ces transferts vont vers la concentration, et même vers une très forte concentration qui nuit à la possibilité d’installer des jeunes agriculteurs », regrette Emmanuel Hyest, président de la FNSafer.
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En 2019, ces transactions de parts sociales ont représenté 1,2 milliard d’euros « en dehors de toute régulation », explique la FNSafer, soit 7 380 transactions, et 17,6 % de la valeur du marché foncier agricole. Avec une particularité : « 2 % des cessions notifiées aux Safer en 2019 concernent 95 à 99,9 % des parts, et 25 % concernent moins de 5 % des parts. Ces deux types de cessions partielles peuvent être complémentaires et donner lieu in fine à une cession totale, bien qu’échelonnée dans le temps, sans possibilité pour la Safer d’exercer son droit de préemption, qui ne concerne que les cessions totales », alerte l’organisation.
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« Pour avoir une autonomie alimentaire, une agriculture de proximité avec une forte valeur, comme semble l’exiger la crise que l’on vient de subir, il faut une forte régulation de tous les marchés fonciers », demande Emmanuel Hyest, qui attend toujours la loi foncière promise, « ou en tout cas des outils de régulation » pour assurer la transparence des marchés fonciers. « La régulation est le seul moyen d’orienter et de mettre en place des politiques publiques », garantissant notamment la présence d’agriculteurs sur tout le territoire, avec des modèles de production diversifiés, et qui répondent à la demande sociétale, estime le président de la FNSafer.
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