À quoi s’attendre au niveau du stress hydrique des plantes ?
TNC le 09/06/2020 à 06:05
Des pluies inégales, un climat plus chaud et une quantité de CO2 dans l’atmosphère plus élevée : ces trois facteurs vont modifier les bilans hydriques de nos cultures dans les décennies à venir. Si, globalement, il faudra faire face à un stress hydrique important, les prévisions se révèlent plus complexes et contrastées qu’il n’y paraît.
L’existence d’un changement climatique n’est plus à questionner, et les modalités de celui-ci sont de mieux en mieux prédites. Ces prédictions conservent, bien sûr, leur lot d’incertitudes, mais cela ne doit pas empêcher de se projeter et d’anticiper. En grandes cultures, l’évolution des ressources en eau disponibles et ses conséquences sur le comportement hydrique des plantes amène à repenser les pratiques. Pour cela, plusieurs paramètres climatiques et physiologiques doivent être pris en compte.
En ce qui concerne le cumul annuel des pluies, les projections sur les prochaines décennies n’annoncent pas de différences très marquées. Les climatologues distinguent toutefois deux tendances inverses sur le territoire métropolitain : sur une grande partie nord le cumul serait en légère hausse tandis qu’il diminuerait dans le sud.
Cette répartition spatiale s’avère assez floue quand il s’agit d’établir une délimitation entre les deux variations. « Elle est assez fluctuante selon les modèles, je dirais qu’elle se situerait entre Bordeaux et Nantes ! » décrit Olivier Deudon, spécialiste météo à Arvalis-Institut du végétal. « Toutes ces simulations montrent en revanche que la zone méditerranéenne va être beaucoup plus sèche avec également un stress thermique important. Par ailleurs, s’il y aura moins de précipitations, les épisodes de pluies intenses y seront en revanche plus nombreux. »
Plus d’évènements climatiques violents
Cette augmentation des évènements climatiques violents peut se généraliser à l’ensemble du territoire, de façon plus ou moins marquée. Cela s’explique aisément : pour chaque degré de température en plus, c’est 7 % d’humidité supplémentaire dans l’atmosphère soit un gain d’énergie pour la machine climatique qui s’emballe plus facilement… En résultent de forts orages et des inondations.
Une autre conséquence du changement climatique pourra être, elle, mieux anticipée : la distribution plus inégale des pluies au cours de l’année. Alain Dupuy, professeur d’hydrogéologie à Bordeaux INP et membre d’AcclimaTerra, décrit ainsi pour le sud-ouest de la France « un arrêt des pluies au début du printemps et une reprise tardive vers octobre, novembre voire décembre. » De façon plus générale, sur tout l’Hexagone, les pluies seront concentrées en hiver. C’est ce que souligne aussi Olivier Deudon, décrivant alors un été de plus en plus sec, un début d’automne durant lequel se prolongerait cette sécheresse estivale puis un hiver a contrario plus humide, cette humidité s’étalant sur une partie du printemps.
Une précocité des cycles
Pour estimer l’impact de cette distribution sur le confort hydrique des plantes, d’autres paramètres doivent être considérés. « Le premier, c’est l’évapotranspiration (ETP), rappelle Jean-Charles Deswarte, ingénieur en écophysiologie à Arvalis : si vous avez très peu de pluie mais une très faible demande évaporative, la plante ne subit pas de stress. »
Et inversement : avec un printemps et un été moins pluvieux mais où l’ETP augmentera à cause de la température, le confort hydrique se dégradera beaucoup plus vite que le seul cumul des pluies ne le laisserait penser. Résultat : des plantes assoiffées ? Pas si simple. « Avec l’augmentation de la température sur l’ensemble de l’année, les variétés actuelles, semées aux mêmes dates, seront amenées à réaliser leur cycle beaucoup plus rapidement. C’est ce que l’on appelle une stratégie d’esquive : elles profiteront ainsi des conditions favorables avant les gros coups de chaud », décrit l’ingénieur.
Un facteur encore mal évalué va également jouer sur cette transpiration : la teneur croissante du CO2 dans l’atmosphère. Plus il y en a, plus les pores par lesquels la plante transpire se referment. Elle devrait donc être amenée à moins « perdre » d’eau sur l’ensemble de son cycle.
Cet effet positif risque néanmoins d’être limité. « Pendant l’hiver, les couverts végétaux pourraient se développer fortement, profitant des conditions douces et humides, et être assez luxuriants au début du printemps alors que les pluies commenceront à se raréfier et, la température, monter » décrit Jean-Charles Deswarte. Même avec des pores peu ouverts, la surface foliaire étant importante, la transpiration serait forte. « On risque de finir le cycle dans des conditions de stress supérieures à ce que l’on connaît aujourd’hui » en conclut l’ingénieur. Conditions qu’il faudra pallier ou… accompagner.
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