Miser (ou pas) sur un bâtiment d’élevage alternatif
TNC le 15/06/2020 à 06:04
D’autres modèles de bâtiments que la traditionnelle stabulation rectangulaire existent. Mais ils sont encore peu visibles dans nos campagnes. Question de goût, de coût, de fonctionnalité ? Quelles sont les possibilités en termes de construction ?
Quand on parle bâtiment bovin, on pense à la traditionnelle stabulation, rectangulaire, bardée de bois. Face à l’évolution des cheptels, à une attention croissante au bien-être et à la protection des animaux contre les chaleurs estivales, à une recherche de coûts maîtrisés, de nouvelles propositions de bâtiments alternatifs apparaissent, avec de nouveaux matériaux, des architectures variées : multi-dômes, roundhouse, tunnels, bâtiments ouverts…
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D’autres bâtiments moins coûteux sont possibles, mais…
Alors que tous les éleveurs déplorent le coût des bâtiments, que des constructeurs proposent d’autres modèles que la stabulation traditionnelle, pourquoi voit-on encore peu de ces bâtiments alternatifs ? Le premier frein est administratif. Pour l’obtention du permis de construire, il faut répondre à un certain nombre de contraintes réglementaires sur l’insertion paysagère, en termes de matériaux, de couleurs. Ces contraintes peuvent être importantes si l’exploitation se trouve dans le périmètre d’un site classé ou en zone littorale.
Autre frein, celui de l’image trop industrielle que peuvent donner ces bâtiments, notamment vis-à-vis du grand public. « Les consommateurs associent le bois à la naturalité et le métal ou le plastique à des constructions industrielles, reconnait Sébastien Guiocheau, chargé d’études bâtiments et équipements bovins à la chambre d’agriculture de Bretagne. Les bâtiments participent à l’image d’une production, les producteurs ont tendance à rester dans un type de construction qui rassurent les consommateurs et sur lesquels ils ont des références techniques ».
Attention à la ventilation !
Autre interrogation face à ces bâtiments, sur lesquels on a encore peu de recul dans nos conditions climatiques : celle de l’ambiance et de la gestion de la ventilation. Avec l’augmentation des effectifs, cela peut vite devenir compliqué.
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Dans une conception rectangulaire, on arrive vite à des longueurs trop importantes. Une alternative est de placer deux bâtiments côte à côte. Se pose alors la question de la gestion de l’ambiance. Pour assurer une bonne ventilation, sont apparues des premières constructions alternatives avec des toitures en décalage, qu’on appelle parfois toit usine. Une autre réponse est apportée par des bâtiments bi-pentes accolés en aménageant des décalages de toitures à chaque jointure pour assurer des relais de ventilation.
Ces constructions larges doivent être bien exposées aux vents et équipées, sur les longs pas, de parois ouvrables (filets brise vents, bardage modulable). Classiques dans leur architecture, ces bâtiments peuvent être très innovants dans leur fonctionnement, avec de la domotique qui pilote ces ouvrants en fonction des conditions météo.
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Dans le cas des multi-dômes, bâtiments assez proches de la serre dans leur conception, la bâche doit être isolée et assurer une protection face au rayonnement. « Ces bâtiments ont l’avantage d’être très lumineux mais attention à la gestion de l’ambiance en période chaude. Il faut bien maîtriser la gestion des ouvrants », prévient Sébastien Guiocheau. Quel que que soit le type de bâtiment envisagé, il faut prendre en compte la protection des animaux contre les intempéries mais aussi le chaud, d’abord par la ventilation passive par une circulation suffisante de l’air, voire en prévoyant une ventilation mécanique dans les zones les plus chaudes.
Combiner différents types de bâtiment
Dans son projet de construction, il faut toujours penser à l’évolution possible. « Il faut faire un PLU de sa ferme en gardant des emplacements disponibles pour pouvoir faire évoluer ses bâtiments. Se garder la possibilité d’agrandir sans avoir à tout reconstruire », recommande Sébastien Guiocheau. On peut aussi séparer les différentes fonctions du bâtiment, par exemple par un bloc traite indépendant de la partie logement. Cela donne la possibilité d’un fonctionnement en lots, plus adapté aux grands troupeaux, tout en limitant les besoins en aire d’attente et permettant d’agrandir la stabulation sans être bloqué.
Face à un bâtiment qui devient trop petit, on peut gagner de la place en élevant les génisses ailleurs. Par exemple, dans un bâtiment tunnel, plus connu en petits ruminants mais qui peut aussi convenir à des lots de génisses, à la condition de prévoir un mur en béton banché pour faciliter le curage. « La conception des toiles s’est adaptée à des usages agricoles avec des surfaces microperforées pour évacuer la condensation », explique David Le Guyarder, du groupe BHD.
Attention au coût mais pas à tout prix
Question coût, il n’est pas facile de comparer une stabulation classique avec un bâtiment alternatif car beaucoup de paramètres entrent en compte. « Pour le logement + traite + stockage des effluents, le coût moyen à la place est de 6 500 €, chiffre Sébastien Guiocheau. Si on y ajoute de l’automatisation ça peut vite monter à 8 500 €. Il peut être tentant d’alléger la note par de l’auto construction mais attention aux garanties et au temps de travail, souvent sous-estimé. »
Pour les zones sans hivers trop rigoureux, le RMT « bâtiments de demain » a par exemple imaginé un bâtiment semi-ouvert, avec aire d’exercice non couverte, où les coûts de charpente et couverture sont bien diminués.
Un bâtiment est construit pour une carrière ou presque, s’il faut faire attention au prix, il ne faut pas tomber dans l’excès en faisant la chasse aux économies au détriment de la qualité et de la fonctionnalité. La conception du bâtiment est primordiale pour les conditions de vie des animaux mais aussi de travail pour les éleveurs. Il y a de plus en plus de lait par UTH. Le métier reste physique. Un bâtiment bien conçu limite la pénibilité, les distances inutiles, les risques.
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« Un bâtiment doit être sur-mesure pour s’adapter à la spécificité du site, des attentes des éleveurs, de leur façon de travailler. Ce serait faire de fausses économies et surtout se compliquer le travail pour des années que de partir sur un bâtiment standard car le prix est intéressant », avertit Bertrand Fagoo. « Les fournisseurs de bâtiments alternatifs se disent moins cher mais au final, avec toutes les options, on arrive à des coûts similaires. Il faut comparer ce qui est comparable », remarque Sébastien Guiocheau. Par exemple, en tunnel ou multi-dômes, les bâches sont à changer tous les 12 à 15 ans, alors qu’une couverture classique peut durer 40 ans.
À chacun ses choix, l’essentiel est de bien réfléchir dans son projet bâtiment à ses objectifs, en termes d’évolution du cheptel mais aussi de conditions de travail.