Produire moins de lait pour vivre mieux : la stratégie à adopter, selon le Civam
TNC le 29/06/2020 à 09:09
En comparant les résultats technico-économiques de 2008 à 2017 des fermes laitières conventionnelles contre celles en agriculture durable du Grand Ouest, le Civam l'affirme : les systèmes herbagers sont plus performants et durables. Contrairement aux idées reçues, le fait de produire moins de lait ne pénalise pas leur résultat final.
« Avec moins de terres, d’animaux et d’investissement, les systèmes herbagers dégagent autant, si ce n’est plus de revenu que les systèmes conventionnels. Ils font vivre plus de monde sur les fermes et préservent l’environnement. Recherchant la création de richesse plus que les quantités produites, ils résistent mieux aux aléas économiques. » Voilà la conclusion d’une récente étude de l’observatoire technico-économique du réseau Civam menée sur 10 ans et résumée sur l’infographie ci-dessous :
Cette étude compare les résultats économiques d’élevages en agriculture durable (soit une moyenne de 127 élevages bovin lait spécialisés – dont 68 en bio -, répartis en Basse-Normandie, Bretagne et Pays de la Loire, comprenant moins de 20 % de maïs dans la SFP) et ceux des exploitations du Rica (314 élevages en moyenne, répartis dans les mêmes régions et représentatifs de 21 282 fermes au total).
Consultez l’étude complète sur le site du Civam : L’observatoire technico-économique des systèmes bovins laitiers : évolution sur 10 ans
Du lait supplémentaire qui coûte cher à produire
Ces 10 dernières années, les fermes laitières du Grand Ouest (quel que soit le système) se sont agrandies. Elles produisent plus de lait, avec plus de surfaces, d’animaux et de capitaux. En parallèle, elles ont aussi connu des évènements économiques importants : la rallonge des quotas laitiers en 2008, puis la fin des quotas en 2015 qui ont été suivis par des crises laitières.
Les résultats économiques ont alors été très fluctuants et ceux de l’échantillon Rica prouvent que ces litres de lait supplémentaires coûtent cher à produire et que le prix du lait a un impact très fort dans ces systèmes. « Cela démontre qu’il n’y a plus d’économie d’échelle », concluent les meneurs de l’étude.
Le graphique ci-dessus montre bien que le prix du lait se répercute de manière très forte sur les fermes Rica. Les fluctuations sont plus lissées dans les systèmes herbagers et leur résultat ne passe en moyenne jamais sous 16 000 €/actif. Si sur la période étudiée, le prix du lait non bio a varié de 6 % (écart moyen), le résultat courant par actif a quant à lui varié de 30 % en système Rica et 14 % pour les fermes herbagères non bio.
Des éleveurs témoignent :
– F. Charles (22) : « Doubler le revenu en travaillant deux fois moins »
– Françoise Faucheux (56) : Herbe bien valorisée, efficacité maximisée
– J-F Glinec (29): « Nos vaches à 4000 l sont plus rentables que celles à 10 000 »
Moins de produit mais aussi moins de charges
« Les systèmes herbagers étudiés sont plutôt caractérisés par la recherche de valeur ajoutée : produire au moindre coût. L’objectif : dégager de la richesse pour assurer la rémunération du travail et la robustesse de l’outil de production », expliquent les membres du Civam. Et les chiffres le prouvent : l’agriculteur moyen de cet échantillon doit s’occuper de moins de surface (- 8 %) que son voisin conventionnel, moins d’animaux (- 15 %), moins de matériel et bâtiments (- 13 %).
En zoomant sur le compte de résultat, on constate bien que les fermes herbagères font moins de produits (60 000 € en moyenne dont 30 000 € de lait en moins), mais les charges sont inférieures sur quasi tous les postes, surtout les aliments (- 20 000 €), les cultures et la mécanisation :
« La ferme Rica moyenne vend 85 000 litres de lait de plus que la ferme « agriculture durable » non bio, mais 57 000 litres disparaissent économiquement dans l’aliment acheté », commentent les experts. « Preuve que la stratégie du volume n’est pas la bonne. »
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D’autres aspects sont également soulevés par ce travail, notamment l’impact du système sur l’environnement. Pour tout savoir, consultez l’étude complète : L’observatoire technico-économique des systèmes bovins laitiers : évolution sur 10 ans
Dans leur étude, les membres du Civam abordent aussi la question de la transmissibilité des fermes laitières et alertent : « Face au nombre de départs à la retraite dans les dix années à venir et à la tentation de cette stratégie d’agrandissement sans fin, il est indispensable que les acteurs du monde rural, agriculteurs comme décideurs, œuvrent à l’installation, au maintien et à la transmission de fermes herbagères à taille humaine. »
À lire à ce sujet : Les systèmes herbagers plus simples à transmettre et à reprendre