Choix des variétés, rotations, nouvelles cultures… quel levier actionner ?
TNC le 15/07/2020 à 06:08
Alors que la ressource en eau est amenée à se réduire avec le changement climatique, quels sont les leviers d'action en matière de rotations ? Opter pour des variétés plus résilientes, diversifier les assolements, plébisciter des espèces peu gourmandes en eau… Les solutions, nombreuses, ne sont pas exemptes d’obstacles ou de limitations.
Le raccourcissement des cycles végétatifs est l’une des conséquences majeures du changement climatique. Cette adaptation physiologique devra être accompagnée, à commencer par le choix des variétés.
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Dans des situations de plus en plus fréquentes de faibles disponibilités en eau, il pourra être nécessaire de raccourcir encore plus les cycles. Il s’agira en priorité d’utiliser des variétés plus précoces. Pour les espèces de printemps et d’été, les semis plus précoces seront aussi une option. Lorsque l’eau ne sera pas limitante, il pourra être intéressant d’opter au contraire pour des variétés prolongeant leur cycle tout en avançant là aussi les dates de semis, afin de valoriser au maximum des sommes de températures qui se feront plus importantes.
Dans cette situation, Jean-Charles Deswarte, ingénieur en écophysiologie à Arvalis-Institut du végétal, recommande d’être prudent : « Il y aura un équilibre à trouver entre allonger la durée de photosynthèse et exposer la culture à des températures trop préjudiciables, rendant inactives les plantes. »
Vers des variétés plus résilientes
Le catalogue des variétés évolue d’ores et déjà au regard des nouvelles contraintes que pose le changement climatique. De prime abord, on pourrait penser que le critère de sélection principal est la résistance à la sécheresse. C’est pourtant moins cette adaptation qui est recherchée que la résilience de la plante, permettant d’assurer une stabilité de production malgré une variabilité des situations climatiques rencontrées. Les cultures devraient en effet faire face à des stress très contrastés, entre pluies violentes et sécheresse prolongée.
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« Vous n’aurez toutefois jamais la variété à cinq pattes qui fera tout : résistance aux maladies, à la température, au manque d’eau, à l’excès d’eau ! » nuance Olivier Deudon, spécialiste météo à Arvalis. « Là où dans les dix ans on aura encore des leviers d’atténuation en modifiant les dates de semis et en choisissant des variétés plus résilientes, dans 30 à 50 ans ces solutions ne seront plus forcément viables. » Doit ainsi s’ajouter, au plus tôt, la diversité tant variétale que d’espèces.
Diversifier ses assolements, levier majeur
L’agriculture de demain va être « une agriculture de gestion de risques » explique Philippe Debaeke, directeur de recherche à l’Inrae. Il souligne qu’une première adaptation serait de « panacher son exploitation avec des variétés ayant des comportements assez opposés afin de s’adapter à différentes situations et éviter de grosses catastrophes. »
Cette diversité variétale est intéressante pour répondre à des accidents ponctuels et courts, moins à des phénomènes longs. « Si vous avez un mois de sécheresse au printemps, par exemple, presque toutes les variétés de blé vont être touchées et vous pouvez plutôt espérer des rattrapages sur d’autres espèces », illustre Jean-Charles Deswarte.
Philippe Debaeke fait le même constat en évoquant à l’opposé les précipitations excessives du printemps 2016 qui avaient pénalisé les blés, principalement dans le centre de la France : « ce sont des zones où il n’y a presque que des cultures d’hiver or la présence de cultures d’été – qui n’auraient pas souffert de ces excès de pluie voire en auraient bénéficié – aurait permis de réduire les pertes sur l’année. »
Tournesol, sorgho et soja : de belles promesses…
Les cultures d’été ont justement déjà commencé à s’étendre vers le nord : elles s’invitent dans des régions où les températures étaient auparavant insuffisantes pour réaliser un cycle complet. C’est le cas notamment du maïs, mais aussi du tournesol, du sorgho et du soja.
Ces trois dernières cultures sont très étudiées car, en dehors de la diversification qu’elles peuvent apporter dans les rotations, elles sont peu gourmandes en eau. Le tournesol et le sorgho peuvent être cultivés sans irrigation dans des conditions assez chaudes tandis que le soja, même s’il demande un apport hydrique non négligeable, peut être envisagé comme une alternative au maïs. « Le tournesol est par ailleurs une espèce qui demande très peu d’engrais, a un enracinement très profond, nécessite peu de pesticides et peut être binée », ajoute Philippe Debaeke, mettant en avant que l’introduction de nouvelles cultures va de pair avec une évolution des pratiques. Les cultures d’été peuvent s’incorporer en dérobé dans les rotations, permettant une couverture permanente du sol, voire en relay-cropping où le soja et le sorgho, par exemple, sont semés dans du blé ou de l’orge à l’épiaison.
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… Mais de multiples contraintes à lever
Développer le relay-cropping nécessite néanmoins des adaptations du matériel et l’acquisition de références et de technicité. De la même façon, l’agroforesterie, si elle est mise en avant dans le contexte du changement climatique, souffre d’un manque d’essais à l’heure actuelle. Mais les limitations techniques sont aussi à chercher dans les espèces même.
Pour le tournesol, Philippe Debaeke souligne ainsi que « le rendement agricole n’a pas beaucoup augmenté malgré le progrès génétique. » Le sorgho, quant à lui, n’a pas bénéficié d’améliorations variétales majeures. « Aujourd’hui, il n’offre pas encore les parades dont on peut avoir besoin dans des situations extrêmes et doit être amélioré. Actuellement, en termes de gestion technique et de débouchés, il n’est pas forcément aussi facile à cultiver que le maïs », constate Jean-Charles Deswarte. Le cadre commercial évoqué ici est crucial. L’évolution des assolements est à envisager selon les contraintes climatiques mais également les besoins : les cultures d’été se développeront sur le territoire si les demandes du marché sont là.
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Une dernière contrainte, pourtant essentielle, n’a pas été évoquée : la nature du sol. « Faire du maïs grain ou du soja dans les limons très profonds de Picardie, c’est déjà possible. En revanche, en Lorraine, sur des petits terrains caillouteux, avec 60 ou 70 mm d’eau disponible, même si les températures seront favorables vous ne pourrez faire ni du maïs, ni du sorgho et peut-être même pas du tournesol », souligne Jean-Charles Deswarte.
Le changement climatique devrait ainsi augmenter la diversité des espèces cultivables dans les sols profonds mais la diminuer dans les sols superficiels si l’on ne prévoit pas de parades pour assurer un minimum de croissance lorsqu’il fait sec. C’est ici qu’intervient le levier de l’irrigation.
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