François et Irène « délèguent les cultures pour réussir l’élevage »
TNC le 12/11/2020 à 17:00
Pour réduire leur charge de travail, trop importante pour « tout faire correctement », un jeune couple d'éleveurs de Seine-Maritime a choisi la délégation des productions végétales. Une solution à laquelle on ne pense pas forcément de prime abord mais qui, selon l'exploitation, peut être aussi voire plus intéressante que le salariat que Bruno Pinel, dont le témoignage a été publié la semaine dernière, a lui développé.
Source : projet Orgue de l’Institut de l’élevage idele sur l’organisation du travail dans les exploitations laitières et l’attractivité du métier d’éleveur. Vidéo publiée sur Vimeo.
Une 1ère exploitation trop petite (35 VL/40 VA/35 ha)…
François Lecossais s’est installé en 2007 au Ronchois en Seine-Maritime, en hors cadre familial sur une exploitation de 35 ha, avec « le projet de produire des vaches allaitantes, des cultures mais aussi du lait chez un voisin ». Mais l’entente entre les éleveurs n’est pas optimale. Le jeune producteur décide donc de rompre l’association et de n’exploiter que sa petite structure de départ. Il y élève 40 VA et 35 VL, traites au pipeline. Toutefois, la ferme n’est pas assez grande, tout y est vétuste et il se retrouve « coincé au niveau de la mise aux normes ». « Il fallait réagir ! », raconte-t-il.
L’exploitation en chiffres aujourd’hui :
– 1 couple en Gaec + 1 appoint salarié (50 h/an)
– 145 VL (1 340 000 l/an ; + 900 000 l en 10 ans)
– 71 VL/UMO
– 140 ha (dont 60 ha de maïs et 35 ha d’herbe)
… Mais Trop de travail avec la 2e reprise (80 VL/80 VA/50 ha)
Son technicien du Contrôle laitier lui parle d’un élevage à reprendre. Depuis 2010, il y est en Gaec avec sa femme. Avec 80 vaches laitières et le même nombre d’allaitantes, plus les cultures − une cinquantaine d’hectares −, le couple s’est vite rendu compte qu’il était impossible de tout faire correctement. Il met alors « tout sur la table » et choisit d’arrêter les bovins allaitants et de déléguer les cultures pour se concentrer sur l’atelier lait « en investissant dans une salle de traite, des logettes et des silos ». Un changement stratégique très important, dont l’objectif est d’alléger la charge de travail de l’élevage.
Lire le témoignage de Bruno Pinel, producteur laitier en Loire-Atlantique : « Avoir un salarié, une valeur plus qu’un coût »
D’où un choix stratégique : déléguer les cultures
« Techniquement, je ne maîtrise pas bien les productions végétales alors que je suis passionné par l’élevage laitier depuis que je suis gamin, explique François. J’ai été élevé dans les vaches, pas dans le tracteur ! » Un « plaisir » même, pour le jeune éleveur, cette délégation totale et en toute confiance des travaux des champs à quelqu’un qui, lui, est « très technique voire perfectionniste ». Sur cette partie, « il gère et décide tout ». En plus, « il nous fait économiser des traitements et utiliser de l’azote liquide ». « Aujourd’hui, c’est plus rentable que si je m’en occupais moi-même », insiste l’agriculteur qui reconnaît cependant qu’il faut « tomber sur la bonne personne ».
Délégation totale des productions végétales
– 45 ha de cultures à un voisin
– 60 ha d’ensilage d’herbe : ETA + Cuma + entraide
– 25 ha d’enrubannage d’herbe : ETA
– 60 ha de semis de maïs : ETA
– 40 ha d’épandage de fumier/lisier : ETA + Cuma
Revoir l’organisation pour travailler plus efficacement
Des astuces qui font gagner du temps.
L’organisation des tâches a également été revue en parallèle de l’augmentation de la production laitière, via un réaménagement et la modernisation des bâtiments d’élevage, afin de travailler plus efficacement. « On a aménagé un endroit à côté des veaux pour préparer la poudre de lait et placé les tas de concentrés à proximité », détaille François. Autre astuce : des seaux à tétines qui permettent de nourrir rapidement par lots de 10 à partir d’un bac de 30 l autour duquel s’effectue la buvée, d’où beaucoup moins de manipulations et de nettoyage. « Les ingrédients de la ration des vaches sont à moins de 30 m du bol mélangeur, nous faisons tout venir en 30 t benné et n’allons jamais à la coopérative pour de petits volumes ! », poursuit François. De même, l’alimentation n’est jamais individualisée mais conduite à l’échelle du troupeau.
Les résultats sont là : 43 h/VL d’astreinte, soit 5,1 h/1 000 l
« C’est comme ça qu’on gagne du temps » selon le jeune producteur. Les résultats sont là : 43 h/VL de travail d’astreinte, soit 5,1 h/1 000 l. « Lorsqu’on est débordé, il suffit souvent de réfléchir un peu pour trouver des solutions, sans nécessairement de gros investissements ni automatiser ou robotiser », conclut François Lecossais constamment à l’affût des bonnes idées dans la presse, lors de journées porte-ouverte ou de discussions entre collègues, voisins et jeunes agriculteurs, notamment au sein de sa Cuma. « Nous travaillons encore beaucoup mais nous essayons d’optimiser au maximum pour que ce soit le moins pénible possible », ajoute son épouse Irène.
Contrairement à Bruno Pinel, dont le témoignage a été publié la semaine dernière, les deux éleveurs préfèrent travailler en couple et déléguer certaines tâches qu’embaucher un salarié, pas toujours facile « à trouver, à garder et à rémunérer sans devoir augmenter la production ». Comme quoi il n’y a donc pas un mais plusieurs collectifs de travail envisageables en élevage laitier, du moment qu’il est adapté à l’exploitation et aux besoins/attentes des producteurs.
Retrouvez les résultats de l’étude de l’Institut de l’élevage idele à l’origine de ces témoignages : Travail en élevage laitier − Le plus efficace entre petit/grand collectif, avec salariés ou associés ?