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Prospective

Dans un monde déboussolé, quels défis pour assurer la production agricole ?


TNC le 11/02/2021 à 06:02
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Dans un monde perturbé par les crises, sanitaires mais aussi géopolitiques, l’accès à l’alimentation reste au cœur des enjeux et questionne notre capacité à assurer la sécurité alimentaire à long terme. Intitulé « Produire et se nourrir, le défi quotidien d’un monde déboussolé », le Déméter 2021 entend donner des clés pour répondre à cette problématique, à travers une grande diversité de thèmes, comme l'antibiorésistance, la montée en puissance de la Sibérie sur le marché des grains, l'omniprésence du plastique, le renouvellement des générations, ou encore l'avenir des algues et le déclin possible de l’avocat...

Après une année 2020 qui aura marqué la planète, entre la pandémie, mais également l’état de la mondialisation, les tâtonnements de l’Union européenne, les bouleversements politiques aux États-Unis, « l’agriculture et l’alimentation peuvent être une boussole pour se repérer », estime Matthieu Brun, co-directeur du Déméter 2021. L’ouvrage sous-titré « Produire et se nourrir, le défi quotidien d’un monde déboussolé », donne des pistes de réflexion sur cette question alimentaire « particulièrement complexe » avec, actuellement, des questions de souveraineté et le risque que « la réponse apportée par le politique, l’économique, le citoyen, soit une réponse de décroissance, de démondialisation et de désunion », explique le chercheur.  

Le livre, qui parait le 11 février, analyse une série de grandes ruptures et d’enjeux stratégiques qui mettent sous pression nos modes de productions et la sécurité alimentaire, tout en offrant également de nouvelles opportunités.  

Réchauffement climatique : la Sibérie, futur grenier à blé

Premier exemple de cette prospective : la capacité de la Sibérie à devenir le futur grenier à grains du monde, grâce au réchauffement climatique. En appliquant les projections climatiques du Giec sur la région, le Sud de la Sibérie pourrait bénéficier, en 2080, de deux récoltes par an de céréales, avec toutes les cultures en production, explique ainsi Jean-Jacques Hervé. Néanmoins, la variabilité inter-annuelle de cette production resterait forte. À terme, la Russie pourrait ainsi quasiment doubler sa surface de production, passant de 220 millions d’hectare à plus de 420, pour une production potentielle d’1 milliard de tonnes de grains à 2080.

Cependant, si cette situation serait bénéfique à moyen terme, le pays connaîtrait à plus long terme des impacts négatifs de la fonte du pergélisol : inondations, relargage de méthane, de mercure, perte de territorialité réelle, etc., indique Jean-Jacques Hervé. 

Quel avenir pour le renouvellement des générations en agriculture ?

Autre défi de taille, celui du renouvellement des générations en agriculture, indispensable au maintien d’une capacité de production. En France, la majorité des chefs d’exploitation a plus de 50 ans, et si les jeunes peuvent se montrer intéressés, « l’attractivité n’est pas si élevée, et les obstacles pour pouvoir intégrer la profession sont importants », indique Eddy Fougier, auteur du chapitre « France rurale, l’engouement des jeunes est-il durable ? ».

Le sociologue a ainsi établi trois scénarios. Le premier est celui de la continuité, sur la base de ce qui se passe aujourd’hui, alors que la situation reste préoccupante (deux départs sur trois seulement sont remplacés). Les deux autres sont des scénarios de rupture. L’un se base sur un développement massif de l’agro-écologie et une appétence croissante des jeunes pour un métier qui a du sens, parallèlement à la réduction des obstacles à l’installation. L’autre se tourne vers la collapsologie, avec un retour en masse dans les campagnes face à la montée des périls, des maladies, dans « une logique néo-survivaliste », explique Eddy Fougier.

Des interrogations sur la soutenabilité

Parallèlement, si les agriculteurs ont assuré leur mission au plus fort de la crise sanitaire, « tout en s’engageant toujours plus loin dans la durabilité », rappelle Matthieu Brun, le Déméter pose également la question de la soutenabilité. Un chapitre est par exemple consacré à la question du plastique, alors que les alternatives biosourcées ne sont aujourd’hui « utilisables qu’à petite échelle ou coûtent plus cher que le produit lui-même », indique Claire De Marignan, chargée de mission au Club Déméter.

La question se pose également pour certaines productions, comme l’avocat, particulièrement mis en avant sur les réseaux sociaux. Avec plus de 6 Mt produites chaque année, soit neuf fois plus qu’il y a 60 ans, le fruit génère une empreinte carbone importante, et soulève des problématiques sociales, avec une mainmise des cartels au Mexique (qui assure un tiers de la production).

Ce panorama des grandes ruptures potentielles évoque également la possibilité de crises d’ampleur mondiale, un Covid-24 par exemple, ou encore la « grande probabilité » qu’en raison du développement de l’antibiorésistance, une pandémie due à une bactérie humaine émerge sans que l’on dispose de traitement, ni de vaccin…

Pour en savoir plus sur le Déméter 2021, voir le site de l’Iris (Institut des relations internationales et stratégiques).